Anne Kling
La France
LICRAtisée
préface d'Alain Soral
Collection «politiquement incorrecte » dirigée par Philipp Randa
£&fc?
Est s ma
El I I -i □ H s
Anne Kling, fonctionnaire international, a été mise
en examen en août 2000 à l'initiative du procureur
de la République et sur dénonciation de la LICRA,
pour incitation à la haine raciale. La raison ? Dans
un tract intitulé « Nous avons droit à la sécurité »,
elle avait évoqué un lien possible entre immigration
et délinquance des jeunes dans les termes suivants:
« Non seulement les violences urbaines progressent,
mais elles changent de nature, devenant de plus en
plus le fait de mineurs, ce qui est nouveau et inquié-
tant. Osons le dire: ces jeunes violents, dans une forte
proportion, sont des Français issus de V immigration
maghrébine et africaine, culture llement mal assimilés
et socialement mal intégrés. C'est une réalité, pas un
fantasme ».
Elle comparait devant le Tribunal correctionnel de
Strasbourg en février 2001 et elle est relaxée par ce
même Tribunal en mars 2001, exactement une se-
maine après les élections municipales et cantonales
de Strasbourg où elle était candidate en 2 e position
sur une liste de rassemblement identitaire.
Elle préside l'association « Défendons Notre Iden-
tité » créée en 2002 en Alsace. Cette association est
à l'origine du collectif « Non à la Turquie en Euro-
pe », qui a mené diverses actions, dont une vaste
campagne de pétitions. C'est en raison de ces activi-
tés qu'Anne Kling a été révoquée par l'organisation
internationale où elle exerçait ses fonctions, en octo-
bre 2002. Par décision judiciaire, elle a été réintégrée
en mai 2004.
La France
LICRAtisée
préface d'Alain S oral
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I.S.B.N. 2-913044-63-8
Enquête au pays de la Ligue internationale
contre le racisme et l'antisémitisme
Quelle est son origine ?
Quels sont ses objectifs, ses méthodes, ses alliés ?
Quel est le secret de son influence ?
Sommaire
Avant-propos 19
Au commencement était la révolution bolchevique 27
Un crime sensationnel à l'origine de la LICRA 49
La shoah et le soutien inconditionnel à Israël 93
La LICRA et la politique proche-orientale de la France 121
La France est spécialement coupable 133
Vichy ou les « heures les plus sombres » de notre histoire 145
Les procès 159
La LICRA et les révisionnistes 183
Les noms de rue 203
Vous avez dit racisme ? 213
L'arsenal des législations antiracistes se met en place 227
Vive l'immigration massive ! 255
La mise hors circuit du Front national :
une fatwa implacable... et intéressée 333
La LICRA et ses alliés 381
La LICRA et les médias 403
Conclusion 417
Notes 425
Bibliographie 435
«À Vencontre de bien des prévisions, de toutes
les espérances, le progrès des arts et des métiers, des
Sciences et des techniques n'a pas apporté à l'hu-
manité un progrès intellectuel et moral parallèle,
mais lui vaut plutôt une régression sensible. Les
Lumières, comme on disait au XVIII e siècle, sont
aujourd'hui en raison inverse des conquêtes de
l'électricité.
Tout ce qui devait éclairer la conscience de
l'homme est employé à mieux tromper, à répan-
dre les préjugés... Et le nombre décroît chaque
jour des individus capables dépenser par eux-
mêmes... »
Boris Souvarine, 1937.
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Préface
On me demande de préfacer un livre critique
sur la LICRA (pour un livre apologétique, je me
doute qu'on n'aurait pas fait appel à moi).
D'emblée je sais que je devrais dire non. Une
préface pour un livre critique sur la LICRA c'est,
outre un énième travail non payé, la certitude de
m' attirer des ennuis. C'est qu'ils sont méchants,
et organisés, les antiracistes professionnels, sur-
tout envers les petits Français comme moi, qui ont
le malheur d'être nés « de souche », peau
claire et yeux bleus...
Malgré la qualité évidente du bouquin, son
objectivité morale, je devrais donc répondre non.
Les gens qui me veulent du bien m'y incitent
d'ailleurs instamment. N'ai-je pas déjà un procès
pour « incitation à la haine raciale » sur les bras ?
s
Etrange République française, en effet, où un
écrivain républicain, parce qu'il critique les
communautarismes et un certain républicanisme
10 Politiquement incorrect
à deux vitesses qui, par sa jurisprudence, n'est
pas pour rien dans la destruction de notre uni-
versalisme citoyen, se voit pourchassé par la
justice. Renvoyé au tribunal par le procureur de
la République sur ordre d'une obscure associa-
tion communautaire qui l'accuse d'avoir manqué
de respect au fameux peuple élu ! De peuple de
France, de citoyens, de République une et indi-
visible qui ne reconnaît dans la sphère publique
ni communauté ni lobby, il n'en est même plus
question. Je sais bien que le droit, c'est le droit
du plus fort, mais ces derniers temps, sur certai-
nes questions, on se passe ouvertement du droit.
Je devrais donc refuser d'écrire cette préface,
par trouille, par soumission, parce que j'ai bien
compris, moi aussi, comme tous ceux qui fré-
quentent les hautes sphères et les cimes, pour
qui tapine la raie publique dans la réalité... Mais
voilà, je suis d'un naturel taquin, c'est plus fort
que moi, je n'aime pas trop faire là où on me
dit de faire. Péter de travers sur certains sujets
me procure cette sensation orgueilleuse de me
différencier des chiens.
Je vais donc accepter de la rédiger, cette préface
à emmerdes sur notre France licratisée... Pas
parce que ça m'amuse, ni même parce que ça
11 La France LICRAtisée
m'intéresse particulièrement (ces derniers temps,
je serais plutôt attiré par la plongée) mais, comme
dirait maître Badinter, par principe.
Qu'écrire ?
Pour commencer par le commencement,
LICRA ça veut dire : Ligue Internationale Con-
tre le Racisme et l'Antisémitisme. Et puisqu'on
nous dit que l'antisémitisme c'est du racisme,
LICRA veut donc dire : Ligue Internationale
Contre le Racisme et... le Racisme! Ce qui est
pour le moins redondant !
A moins que l'antisémitisme ne soit tout autre
chose... Mais je sens que je ne devrais pas per-
sévérer dans cette voie ! Après tout, la logique ces
derniers temps... On a bien vu avec la tribu Ka,
dissoute en 24 heures pour avoir voulu imiter
certains qui, eux, ratonnent impunément depuis
25 ans sur le sol de France et qui s'en vantent,
avec la bénédiction des autorités...
Je dois bien admettre que des esprits fins, une
certaine droite dont je ne viens pas, me répé-
taient depuis 30 ans ce que je refusais de croire,
parce que je trouvais ça trop dégueulasse et trop
laid : à savoir que l' antiracisme institutionnel,
c'était d'abord du racisme anti-français ! Comme si
certains puissants voulaient faire payer ad
12 Politiquement incorrect
vitam aeternam à notre bon peuple - ou du
moins ce qu'il en reste - sa trop grande obéis-
sance au maréchal Pétain... En vertu de quoi les
rappeurs peuvent insulter la France, là c'est de
l'art, tandis que si le Français s'en plaint, là la
LICRA se charge de lui rappeler le racisme, et la
liberté, et le droit.
Quoique... Ça change un peu ces derniers
temps.
J'ai fait un texte là-dessus, une commande
pour une petite revue sans intérêt, un « spécial
Léon Bloy », et comme la bande de petits
mondains qui l'animait me l'a finalement
censuré, moi qui suis du genre têtu et paresseux,
je profite de l'occasion qui m'est offerte pour le
recaser. Vous verrez à la lecture que ce n'est pas sans
rapport avec le sujet...
« Ce que cache le foulard
(De la mauvaise foi, du conformisme et de
V étrange évolution de V intellectuel français sur la
question immigrée)
Sous l'Ancien Régime, la « mauvaise foi » dési-
gnait le non respect du dogme de l'Eglise, la
mauvaise compréhension de l'ordre divin. De-
13 La France LICRAtisée
puis l'avènement de la Raison et de sa classe
sociale, la bourgeoisie, la mauvaise foi signifie
désormais le refus de suivre la Raison quand
celle-ci vous met en porte à faux et vous montre
du doigt.
Le contraire de la mauvaise foi étant la bonne
foi, que ce soit celle des Évangiles ou de l'honnête
homme, la bonne foi m'impose de constater une
certaine déraison sur la question de l'anticommu-
nautarisme actuellement en vogue.
Depuis les années 70 jusqu'au 21 avril 2002 (pour
faire simple), le discours dominant, officiel, nous
interdisait de nous plaindre des délinquants nord-
africains sous prétexte qu'ils étaient jeunes (argument
68), qu'ils étaient différents (argument commu-
nautaro-différentialiste), qu'ils étaient pauvres(ar-
gument marxiste) et surtout que leur ressentiment lé-
gitime leur venait de l'odieuse colonisation française.
Si le bourgeois de l'ascendance a forcé l'admira-
tion de l'Histoire pour son sens critique (Voltaire,
Rousseau.. .), le bourgeois de la décadence peut se
définir par son conformisme. Comme nous l'a am-
plement démontré Flaubert, il fait là où on lui dit
de faire. Ainsi, en réponse à l'insupportable délin-
quance nord-africaine subie par le beauf depuis
qu 'il fut chassé des centres-villes, le bourgeois, pour-
14 Politiquement incorrect
tant responsable de son sort, le traitait invariable-
ment de « facho » comme on le lui avait appris.
«On » désignant plus précisément V intellectuel sou-
vent issu d'une communauté très en pointe dans le
secteur des idées depuis son émancipation des ghet-
tos au XIX e siècle, et plus encore sur le terrain du
discours après la défaite nazie.
Or, chose étrange, depuis que le beur de banlieue
n'aboie plus « sale français »: mais « sale feuj » pour
cause de solidarité imaginaire (comme dirait Alain
Finkielkraut) avec les Palestiniens de l'Intifada, ces
mêmes intellectuels ( ...), eux qui nous avaient inter-
dit de nous plaindre, eux qui exigeaient même que
nous battions notre coulpe de vilains colons exploi-
teurs, nous intiment V ordre, dans autant de médias
à la botte, de châtier les vilains beurs, ni jeunes, ni
différents, ni pauvres, ni victimes désormais, seleu-
ment machos et antisémites.
Message on ne peut plus clair... dans la Républi-
que française, être anti-français ce n'est rien, mais être
anti-israélien c'est impardonnable... surtout pour des
intellectuels qui ne manquent pas une occasion
d'afficher leur soutien à ce champion contemporain
du racisme colonialiste et dont le chef vient d'être
démocratiquement réélu haut la main, j'ai nommé
l'État d'Israël du coolissime général Sharon !
15 La France LICRAtisée
Une bouc-émissairisation des maghrébins de
France qui s'est encore accrue depuis la chute de
Bagdad, qu'on peut aussi comprendre comme la
victoire des intérêts américano-sionistes et la défaite
des non-alignés, défenseurs des petits peuples et de
la cause palestinienne (...)
Pour en revenir au conformisme bourgeois, prétexte
à cette diatribe, n'y aura-t-il bientôt plus en France
que Brigitte Bardot pour oser s'offusquer de ce que
certains malins envoient des immigrés transformer les
églises, symbole de notre histoire chrétienne, en lieux
d'aisance ? Ces mêmes malins qui, n'en doutons pas,
n'hésiteront pas demain à retourner l'opinion agacée
contre les sans-papiers, si d'aventure l'idée leur vient
d'aller chier dans des synagogues ! ».
C'était avant la mésaventure Dieudonné. Recon-
naissez que le texte était prémonitoire, parce que le
racisme ces derniers temps... un coup c'est blanc,
un coup c'est noir ! Et les mêmes qui défendaient
les immigrés du sud contre les méchants Européens
au nom de la solidarité des minorités opprimées,
nous proposent aujourd'hui, sans vergogne, l'union
sacrée contre les « arabo-bamboulas violeurs et
assassins », au nom de la solidarité des judéo-
chrétiens ! Signé Finkielkraut et Bernard Kouchner,
16 Politiquement incorrect
même Le Pen n'aurait pas osé. Il doit en falloir du
réseau, du pognon et de la soumission d'élite pour
faire gober cette parfaite escroquerie au peuple de
notre beau pays. Un pays où un avocat français, à
double, voire triple passeport, se voit chargé par un
ministre de l'intérieur de nous expliquer comment
on doit s'y prendre avec nos immigrés, lui qui
rentre à peine d'un stage de ratonnade en Palestine
sous l'uniforme israélien ! Le métissage, il nous en
gave, le petit- fils d'officier de la Wehrmacht, mais
il n'en mange pas !
Eh oui, c'est comme ça : la définition du racis-
me ça change... en fonction des intérêts bien
sentis de certains, toujours les mêmes, et qui
non contents de faire profession d' antiracisme,
prétendent au surplus exister par le droit divin
et le droit du sang ! Difficile de faire pire dans
la méprise du sens... et de la justice.
Vous ne me ferez pourtant pas dire que le
racisme n'existe pas. Le racisme existe, c'est même
la vilaine chose la mieux partagée du monde.
Partout, toujours, il y a eu ceux de la tribu, du
clan et à l'extérieur les sauvages, les barbares. En
vertu de quoi les blancs se méfient des noirs, les
noirs se méfient des blancs et la seule chose qui
les différencie au fond, c'est l'exploitation. Car il
17 La France LICRAtisée
faut bien reconnaître que depuis des siècles, et
quelle que soit leur animosité réciproque, ce sont
plutôt les blancs qui bottent le cul des noirs et qui
les exploitent, pas l'inverse.
Quant à en concevoir de la culpabilité, ça
dépend des valeurs. Moi qui fus communiste,
j'en ressens un peu, mais d'autres vous diront
qu'après tout, il n'y a pas de honte à être le plus
fort ? Quand une équipe nationale en écrase une
autre au football, elle ne se met pas à chialer en
demandant pardon. (On pourrait même se de-
mander d'où nous vient cette tendance expo-
nentielle à la jérémiade, mais c'est une autre
question...)
Pour en revenir à la LICRA, en fonction des
valeurs qu'elle affiche et qu'elle prétend défendre,
là on se situerait plutôt dans l'exploitation... de la
crédulité humaine ! C'est d'ailleurs la vertu de ce
livre, et son sérieux, de l'expliquer très bien. Il
existerait donc sur notre terre humaniste et
chrétienne, deux saloperies : le racisme, qui est une
idée assez laide, et l'antiracisme institutionnel.
Contre la première, je ne crois pas qu'on puisse
faire grand chose, sinon permettre aux peuples de
vivre séparés, afin qu'ils s'apprécient de loin, par
petites touches, d'exotisme à exotisme... Le métis-
1 8 Politiquement incorrect
sage forcé et l'antiracisme de, flic étant la matrice
même de la haine. Contre la seconde, cette manip
historique, cette histoire de réseau dont le martyre
médiatique d'un Dieudonné nous a bien permis
d'apprécier toute la duplicité, on peut aider les
gens à être moins naïfs et moins cons. En aidant
par exemple ce livre argumenté, lucide et précis à
se faire connaître, ce que je fais par cette préface,
dans la faible mesure de mes moyens.
J'espère qu'au jour de justice, là-haut, au ciel,
ce petit acte de morale et de courage ne sera pas
retenu contre moi, parce qu'ici-bas, dans notre
belle République laïque et égalitaire, j'avoue ces
derniers temps que j'ai cessé d'y croire.
Bonne lecture...
Alain S oral
www.alainsoral. com
Alain Soral est l'auteur d'un certain nombre
d'essais, notamment Sociologie du dragueur, So-
crate à Saint- Tropez : Texticules, Abécédaire de
la bêtise ambiante, Misères du désir, Chute ! :
Éloge de la disgrâce, etc.
Avant-propos
Le 26 octobre 1927, un procès retentissant trouve
son épilogue à Paris. Accusé du meurtre du
nationaliste ukrainien Simon Petlura, Samuel
Schwartzbard est triomphalement acquitté. Il est
vrai que le mobile officiel du crime - venger les
victimes des pogroms en Ukraine imputés à Petlura
- a suscité l'émotion des milieux juifs mondiaux et
entraîné une forte mobilisation au bénéfice de
l'accusé. En France, sa défense a été prise en main
par le journaliste Bernard Lecache qui crée dans ce
but la Ligue internationale contre les pogroms.
Le 17 octobre 1927, soit quelques jours à
peine avant cet acquittement fortement média-
tisé, le même Bernard Lecache présidait un
meeting organisé pour fêter le 10 e anniversaire
de la révolution bolchevique, survenue en Russie
en octobre 1917.
Quelques mois plus tard, en janvier 1928, il
entrera au comité national de l'Association des
amis de l'Union soviétique et débutera sa
20 Politiquement incorrect
collaboration à la revue L'Appel des Soviets. Tou-
jours en 1928, Bernard Lecache transforme sa
Ligue contre les pogroms en Ligue internationale
contre l'antisémitisme.
La LICA, qui deviendra quelques années plus
tard la LICRA, vient de naître. Son fondateur
restera à sa tête jusqu'à son décès en 1968, soit durant
quarante ans.
Ce bref rappel permet de comprendre ce
qu'est et ce que deviendra la LICRA.
La Ligue internationale contre l'antisémitisme a
été créée, dans un contexte très particulier et en
une période très troublée, par des communistes
de la première heure. Ce qui n'est certes pas un
crime. Simplement une information. Mais une
information qui projette un éclairage singulière-
ment révélateur sur l'action que la Ligue mènera
avec constance à partir de ce moment-là
D'avoir été créée par des personnes, et en des
circonstances fortement politisées, n'a nullement
empêché la LICRA, dès le départ, de se déclarer
apolitique, ou plus exactement, selon ses propres
termes, « au-dessus des partis ». Elle s'est décla-
rée de même non confessionnelle. Cette appa-
rente neutralité lui a permis d'étendre son réseau dans
toutes les directions et d'afficher une vitrine
2 1 La France LICRAtisée
universaliste et morale derrière laquelle elle a pu
exercer en réalité une influence politique impor-
tante et bien ciblée, quoique méconnue ou sous-
estimée du public.
La LICRA a ainsi réussi au fil des années à
s'imposer comme un partenaire obligé et incon-
tournable de toute action politique dans un cer-
tain nombre de secteurs-clés de la vie de notre
pays. Elle a notamment à son actif :
- la mise en place d'un arsenal législatif anti-raciste
particulièrement dissuasif.
un soutien permanent à l'immigration de
peuplement arabo-musulmane.
- l'exclusion instrumentalisée de tous les partis
défenseurs de l'identité, et notamment du Front
national.
Il s'agit là de domaines éminemment politiques
où ses continuels pressions, incitations et vetos
ont fortement contribué à orienter des choix qui
pèsent très lourdement sur la vie des Français. Ces
derniers ont aujourd'hui de plus en plus nette-
ment conscience d'être arrivés à une impasse,
à un blocage qui ne permet même plus d'entrevoir des
solutions à une situation générale très dégradée
qui a échappé au, personnel politique, lequel se
Contente en réalité de gérer au jour le jour. Une
22 Politiquement incorrect
partie non négligeable de la population se trouve
privée de représentation nationale et de toute
participation à la vie publique, ce qui est l'exact
contraire de la démocratie. Il n'existe plus aucune
liberté d'expression ou de possibilité de débat sur
les sujets sensibles et engageant l'avenir, à savoir
ceux évoqués plus haut. Pendant ce temps, s'ins-
talle dans le pays un communautarisme qui n'ose
pas dire son nom, mais que chacun peut cons-
tater. Et qui est très lourd de menaces pour l'ave
nir.
Certes, la LICRA n'est pas seule responsable
de cette situation. D'autres associations l'ont
accompagnée dans le combat dit antiraciste, qui
est en réalité le combat anti- identitaire. Et en fin
de compte, c'est bien le pouvoir politique qui a,
bon gré mal gré, inscrit dans la réalité ses
propositions et ses diktats. La LICRA a cepen-
dant joué un rôle d'impulsion majeur que l'on
ne peut sous-estimer.
Comme on le verra, elle disposait, pour réussir
à imposer ses vues, d'un atout décisif.
Dès 1932, la Ligue s'est dotée d'un journal
intitulé Le Droit de Vivre qui n'a jamais cessé de
paraître depuis lors, sauf durant les années 1940-
1945, et qui est aujourd'hui encore son organe of-
23 La France LICRAtisée
ficiel. A travers ce support de combat s'expriment
toutes les actions, réactions, thèmes et anathèmes
d'une association puissante au point d'avoir im-
primé une marque très forte sur notre pays.
Le présent ouvrage se propose de mettre en évidence
cette influence à partir de faits précis,
en retraçant tout l'historique d'un pouvoir qui
plonge ses racines au confluent de deux événe-
ments majeurs du XX e siècle: la révolution bol-
chevique et la Seconde Guerre mondiale. Deux
événements complexes et puissamment liés l'un
à l'autre. Deux événements dont nous subissons
encore fortement les retombées.
Ce détour par les origines de la LICRA est
capital pour comprendre son action ultérieure.
Tout comme sera déterminante à cet égard la
s
création de l'Etat d'Israël en 1948.
L'action plus directement contemporaine de la
LICRA a été examinée sur la base de tous les
Droit de Vivre ayant paru depuis 1967. Pourquoi
1967 ? C'est qu'à bien des égards, cette date
inaugure une nouvelle période de notre histoire.
Elle est celle de la guerre des Six Jours, qui voit
l'Etat d'Israël triompher de ses voisins arabes.
Cette victoire va entraîner de fortes évolutions au
sein de la communauté juive mondiale. Et par
24 Politiquement incorrect
conséquent aussi chez nous, la France abritant la
plus forte communauté juive d'Europe.
A cette date, notre pays est également à la veille
de profondes mutations. Mai 68 n'est pas loin. La
gauche ne réussira pas cette révolution-là, mais elle
a déjà investi le pouvoir culturel, via les médias, et
posé les jalons qui la conduiront à la victoire de
1981. Elle sera largement aidée et accompagnée
dans cette longue marche par la LICRA.
Enfin, l'immigration - qui a réussi à transfor-
mer le visage de la France - va réellement
démarrer et s'intensifier à partir de ces années.
Précisons qu'il sera question ici de la seule LICRA et
en aucun cas de la communauté juive
française, dont les membres représentent toutes
les sensibilités, notamment politiques. Il serait
donc parfaitement abusif, et faux, de confondre
LICRA et communauté juive.
LICA ou LICRA ?
En 1928, s'est créée la LICA ou Ligue interna-
tionale contre l'antisémitisme.
En 1932, la Ligue change son intitulé pour
devenir Ligue internationale contre le racisme et
l'antisémitisme sans modifier cependant son sigle :
LICA, déjà bien connu.
25 La France LICRAtisée
Ce n'est qu'en 1979, que tout en conservant son
précédent intitulé, elle modifiera cette fois son sigle et
deviendra la LICRA.
C'est la raison pour laquelle, suivant les dates des
événements mentionnés, on pourra lire LICA ou
LICRA.
Le journal de la LICRA, Le Droit de Vivre,
sera fréquemment désigné dans les pages qui sui-
vent sous l'abréviation de DDV.
Au commencement
était la Révolution bolchevique
La LICRA est née en 1927 dans un contexte
historique bien précis. Elle est issue en droite
ligne du communisme théorisé par Karl Marx et
appliqué à la Russie par les bolcheviques à partir
d'octobre 1917.
Ce régime politique nouveau, né de la Révo-
lution d'octobre, sera d'une rare perversité. A la
fois antérieur et postérieur au nazisme qui va s'en
inspirer à bien des égards, le régime communiste
se soldera par un désastre total, à la fois humain
et économique. Malgré ses crimes immenses et ses
échecs avérés, il continue à peser aujourd'hui
encore sur une bonne partie du monde, y com
pris, idéologiquement, sur notre pays.
On attend toujours sa repentance.
Les liens de la LICRA avec le parti révolu-
tionnaire sont très étroits dès le début de son
histoire. Bernard Lecache, son fondateur et pre-
mier président de 1927 à 1968, ne cachait pas
28 Politiquement incorrect
son admiration pour la révolution bolchevique.
Il sera l'un des premiers à adhérer au Parti com-
muniste français qui se crée dès 1920. Et
l'anarchiste Schwartzbard, dont le crime sera le
prétexte à la création de la LICRA, était lui-
même très lié aux vainqueurs de la révolution.
Par la suite, des brouilles liées essentiellement
au conflit israélo-palestinien et au sort des juifs
en Union soviétique, donc à des manifestations
supposées d'antisémitisme ou d'antisionisme,
vont survenir et assombrir les relations entre la
LICRA et le parti communiste. Elles ne condui-
ront cependant jamais à l'ostracisme absolu qui
frappe en revanche - et a priori - les défenseurs
d'idéaux identitaires ou patriotiques, et notam-
ment le Front national.
Jamais le régime communiste, totalitaire et
sanglant, n'a été désavoué en tant que tel par la
LICRA, pourtant championne des droits de
l'homme.
Pour comprendre les raisons d'une telle rete-
nue, il faut impérativement faire un bref détour
du côté de la révolution bolchevique, de ses
financiers, de ses instigateurs, de ses dirigeants.
* *
29 La France LICRAtisée
-e
En ce tout début de XX siècle, la Russie tsa-
riste témoigne d'un certain dynamisme écono-
mique mais mène sur le plan des libertés publi-
ques une politique résolument rétrograde qui
fera son malheur. Faute d'avoir entrouvert à
temps la porte à un début de démocratie, elle
encouragera l'émergence des mouvements révo-
lutionnaires et terroristes qui lui mèneront une
guerre implacable et finiront par l'abattre. La
première guerre mondiale se chargeant d'accé-
lérer le naufrage.
Absolutiste, le régime tsariste est aussi, dans
une large mesure, antisémite. Il nourrit, comme
d'ailleurs une bonne partie de la population,
méfiance et hostilité envers ce groupe particulier
qui ne veut pas se fondre dans le moule national.
Cela se traduit essentiellement par des mesures
discriminatoires, voire des pogroms qui survien-
nent régulièrement, entraînant dès la fin du XIX e
s
siècle une forte émigration vers les Etats-Unis,
l'Europe occidentale ou la Palestine. Une émi-
gration que viendra renforcer l'écrasement de la
première révolution de 1905.
Malgré ces départs, les juifs restent nombreux
dans l'empire tsariste : de l'ordre de 5 à 6 mil-
lions de personnes. Cependant, bien que ne
30 Politiquement incorrect
représentant qu'environ 4 % de la population
russe totale, ils vont jouer un rôle moteur dans
les mouvements terroristes et révolutionnaires
qui se développent dès la fin du XIX e siècle pour
déboucher finalement sur la prise de pouvoir des
bolcheviques en 1917.
Le Bund, Union générale des travailleurs juifs,
socialiste, marxiste, antisioniste, figurera, dès sa
création en 1897, parmi les groupes les plus
actifs. Son indépendance fera plus tard de l'om-
bre aux bolcheviques, qui finiront par le liquider
au nom du centralisme révolutionnaire.
Il n'y a aucun mystère à cette intense activité
révolutionnaire de la part des juifs : ces derniers
exècrent un régime qui les persécute et aspirent,
comme d'ailleurs beaucoup d'autres sujets de
l'empire, à une révolution libératrice. Principale-
ment installés dans les villes, ils sont généralement
plus instruits que la moyenne de la population
russe, encore semi- analphabète. Ce qui fait d'eux
une sorte d'intelligentsia, maltraitée par le pouvoir.
Rien d'étonnant, dans ces conditions, à ce que
les ferments de la révolution, théorisés en Alle-
magne par deux autres juifs, Karl Marx et Frie-
drich Engels, trouvent parmi eux un terreau
idéal.
31 La France LICRAtisée
La situation dans les campagnes est quelque
peu différente. La population juive y vit depuis
des siècles repliée sur elle-même, parlant princi-
palement yiddish. Pour toucher cette population
moins instruite, le Manifeste du parti communiste
de Karl Marx sera très rapidement traduit en
yiddish, qui deviendra également une langue
d'agitation.
Cette forte présence juive dans les mouve-
ments révolutionnaires russes et allemands était
à l'époque un fait parfaitement établi et reconnu.
Theodor Herzl lui-même en fournit une preuve
Dans ses efforts pour promouvoir le sionisme et
attirer les émigrés en Palestine, le père du mou-
vement sioniste rencontre en 1895 le ministre de
l'Intérieur du tsar, Viacheslav von Plehve, res-
ponsable de nombreux pogroms. Il tente de le
convaincre de faciliter la sortie massive des juifs
de Russie vers la Palestine, arguant que ce départ
serait de nature à affaiblir considérablement le
mouvement révolutionnaire, cauchemar perma-
nent de Plehve. Qui finira d'ailleurs sous les bal-
les d'un terroriste en 1904.
En 1898, Theodor Herzl rencontre de la
même manière et pour les mêmes raisons le Kai-
ser Guillaume II, lui laissant entendre qu'une
32 Politiquement incorrect
fois les juifs émigrés en Palestine, ses troubles
intérieurs s'apaiseraient d'autant.
Car le mouvement sioniste - qui prône le re-
tour du peuple juif vers la terre de ses origines -
naît à peu près à la même époque. En 1895,
Theodor Herzl publie L'état juif, et en 1897 se
crée l'Organisation sioniste, dont le principal
objectif est désormais d'inciter les juifs européens
à émigrer vers la Palestine^. Elle n'y parviendra
que très difficilement jusqu'à la seconde guerre
mondiale.
Le nerf de la révolution
Pour faire la guerre, ou la révolution, surtout
mondiale, il faut de l'argent. Et même beaucoup
d'argent. Où donc une poignée de révolution-
naires, pour la plupart exilés, ont-ils trouvé les
moyens financiers nécessaires pour abattre un
régime, certes affaibli, mais malgré tout encore très
puissant ?
Argent et soutien leur seront fournis en
grande partie par des financiers juifs américains
et européens, notamment allemands et suédois.
Des sponsors qui n'avaient d'ailleurs pas attendu
1917 pour agir car ils aidaient déjà les mouvements
révolutionnaires antérieurs.
33 La France LICRAtisée
Il faut se souvenir que la communauté juive
américaine était passée de 15 000 membres en
1840 à 3 500 000 en 1920 ! Une formidable
explosion due essentiellement à la très forte émi-
gration en provenance d'Europe de l'est, prin-
cipalement de Russie et d'Allemagne. Les liens
qui unissaient les émigrés, Américains de fraîche
date, à leurs frères demeurés sur le vieux con-
tinent restaient donc puissants. Même si certains
d'entre eux avaient édifié depuis de véritables
fortunes, ils n'oubliaient ni leurs origines ni leur
détestation de régimes qui les avaient contraints
à l'exil.
La raison essentielle du soutien d'un certain nombre
de capitalistes juifs américains à la révo-
lution bolchevique fut donc leur haine envers un
régime tsariste antisémite et leur désir de le voir
renversé à tout prix. Le changement de régime
offrait un double avantage : outre la suppression
s
de l'antisémitisme d'Etat, il permettait l'ou-
verture d'un immense marché. En prime, il était
également de nature à déstabiliser l'Europe en-
tière, qui se trouvait alors engagée dans une
guerre terriblement meurtrière. Et ceci pour le
plus grand profit de la puissance américaine
émergente.
34 Politiquement incorrect
Car ces riches émigrés nourrissaient également
des sentiments plutôt mitigés à l'égard de cette
vieille Europe tissée de nationalismes et traversée
elle aussi d'antisémitisme - n'oublions pas l'af-
faire Dreyfus alors toute récente. Dans leur es-
prit, n'avait-elle pas, finalement, fait son temps ?
C'est que l'incendie libérateur allumé en Russie
était bel et bien destiné à embraser toute l'Eu-
rope. L'idéal révolutionnaire de fraternité et de
justice universelles - car en théorie, c'était cela,
le communisme - pouvait donc, dans ce con-
texte, sembler digne d'être soutenu. Et financé.
Le moment était propice. A l'extérieur, la
Russie était en guerre contre l'Allemagne, et sur
le plan intérieur, le pouvoir affrontait des mou-
vements révolutionnaires de plus en plus actifs
entraînant une répression de plus en plus féroce.
Les Protocoles des Sages de Sion, fable inventée par
des officines tsaristes et promise à un bel avenir,
datent de cette époque.
Le principal bailleur de fonds américain sera
Jacob Schiff, dirigeant de la puissante banque
Kuhn, Loeb et Cie de New-York. Né à Francfort
dans une famille de banquiers, il avait émigré en
Amérique à l'âge de dix-huit ans et fait fortune
principalement dans les chemins de fer. Il sera
35 La France LICRAtisée
l'un des membres les plus importants de la com-
munauté juive américaine de 1880 jusqu'à sa
mort en 1920. En 1903, lui et d'autres juifs
influents avaient déjà incité le gouvernement
américain à adresser des remontrances officielles à
la Russie et à la Roumanie au sujet de la situation
des juifs dans ces pays. Jacob Schiff était conscient
de l'antisémitisme provoqué, même en Amérique,
par de trop fortes concentrations de juifs dans de
mêmes lieux et, s'agissant des nouveaux arrivants
d'Europe de l'est, par des habitudes et une appa-
rence trop différentes de celles des autres Améri-
cains. Pour y remédier, il avait mis sur pied en
1907 le Galveston Immigration Plan dans le but
d'inciter les juifs à s'installer au Texas et dans le
s
sud-ouest des Etats-Unis plutôt que de se diriger
systématiquement vers le nord-est urbanisé
surtout à New- York - où ils étaient déjà très
nombreux. Ce Plan échouera finalement, moins
de 10 000 juifs européens ayant choisi cette voie
d'émigration. Mais on peut penser que cet échec
sera l'une des raisons qui le conduisirent à sou-
tenir une révolution qui, dans son esprit, devait
notablement améliorer le sort des juifs de Russie,
et donc régler le problème de l'antisémitisme à la
base.
36 Politiquement incorrect
II ne sera pas le seul. Bien d'autres financiers
juifs vont transférer durant ces années des fonds
importants de leurs firmes de Wall Street vers les
caisses des mouvements révolutionnaires. Léon
s
Trotski arrive en personne aux Etats-Unis en
janvier 1917 et en repart au mois de mai à bord
du bateau Kristianiafjord, muni d'un passeport
américain et de compagnons juifs prêts au combat
recrutés dans les villes américaines. Mais aussi et
surtout, riche d'un pactole en or et en dollars.
Dès son arrivée en Europe, il retrouve en Suis-
se ses compagnons Lénine, Staline, Lazare Kaga-
novitch et Maxime Litvinov. De là, aidés par les
Allemands, et notamment par le chef de la
police secrète allemande Max Warburg , les ré-
volutionnaires gagnent la Russie avec leur arme-
ment, à bord d'un train spécialement affrété.
Car la révolution d'octobre sera également
aidée par l'Allemagne qui souhaitait à la fois
l'arrêt de la guerre contre la Russie et l'ouverture
d'un nouveau marché, elle aussi.
L'harmonie universelle qui devait naître de la
révolution bolchevique se fera attendre. Par con-
tre, un point du programme se réalisera tout de
suite : à peine installé, le nouveau pouvoir
attribue de nombreuses concessions et passe
37 La France LICRAtisée
d'importants marchés avec certaines firmes
américaines. Et c'est le banquier suédois Olaf
Aschberg, lui aussi généreux contributeur, qui
dirige après la révolution la Ruskombank,
première banque internationale soviétique.
Ce n'était donc pas un soutien totalement
désintéressé, qui s'en étonnera?
Les vainqueurs de la révolution
La révolution d'octobre fut tout sauf une
révolution populaire. Les révolutionnaires, et
spécialement les bolcheviques, étaient très mino-
ritaires dans le pays, et la plupart d'entre eux
vivaient d'ailleurs en exil.
« Je crache sur la Russie », disait Lénine. C'était
vrai pour les autres aussi. Les vainqueurs de la
révolution ne se sentaient pas Russes, n'aimaient
pas le peuple russe, et ils ne tardèrent pas à le
lui prouver. C'étaient avant tout des intellectuels
qui avaient une vision théorique et abstraite de
la révolution. Et qui admiraient par-dessus tout
la révolution française, référence absolue, qu'ils
connaissaient bien pour avoir vécu à plusieurs reprises
en exil à Paris.
Les analogies ne manquent d'ailleurs pas entre
les deux révolutions : toutes deux menées par
38 Politiquement incorrect
une minorité au nom du peuple, elles se sont
toutes deux accompagnées de terreur comme
moyen de gouvernement - une terreur destinée
dans les deux cas à « régénérer » l'humanité en
éliminant les nuisibles -, elles se sont toutes
deux réclamées des droits de l'homme pour
mieux les violer systématiquement, elles ont
toutes deux espéré propager l'incendie aux pays
voisins, elles ont toutes deux massacré leurs rois
pour, du passé, faire table rase et construire un
ordre nouveau.
Et enfin, elles ont toutes deux été favorables
aux juifs : la révolution française les a émancipés
en 1791, la révolution bolchevique a interdit
l'antisémitisme sous peine de mort dès 1918.
On peut même affirmer que la révolution
bolchevique est l'enfant monstrueux et abouti de
la révolution française. Et que c'est là la vraie
raison pour laquelle le régime qu'elle a engendré
continue à bénéficier, aujourd'hui encore, malgré
ses crimes et ses faillites, d'une secrète tendresse
d'une coupable indulgence de la part de ceux
qui, en France, n'ont pas eu à le subir.
Dans l'esprit des vainqueurs de la révolution,
la Russie n'était d'ailleurs que la première étape :
Leur but, c'était la mondialisation de la révolu-
39 La France LICRAtisée
tion. Ce dont ils ne faisaient nul mystère. L'am-
s
bassadeur des Etats-Unis en Russie, David R.
Francis, écrit à Washington en janvier 1918 :
« Les dirigeants bolcheviques ici, dont la plupart
sont des juifs et dont 90 % sont des exilés de retour,
font peu de cas de la Russie ou de tout autre pays,
mais sont des internationalistes et ils essayent de
déclencher une révolution sociale à l'échelle
mondiale ».
Des internationalistes. Il s'agit là d'un mot-clé
pour comprendre la haine que manifesteront
sans relâche par la suite tous les mouvements de
gauche à l'encontre de tout ce qui ressemble de
près ou de loin à un mouvement national ou
patriotique, à un souhait d'enracinement ou
d'identité. Ces aspirations, qui sont de l'ordre de
la tradition, de l'émotion, du sentiment plutôt
que de l'intellect ou de l'abstraction, ont
toujours été immédiatement et abusivement
assimilées au racisme, tout particulièrement par
la LICRA.
Trotski lui-même exprimera très clairement
cette aversion pour le fait national : « J'ai déjà
mentionné que l'instance nationale, si importante
dans la vie de la Russie, n'avait jamais joué aucun
rôle dans ma vie. Dans ma jeunesse, les élans
40 Politiquement incorrect
nationaux et les préjugés irrationnels me sem-
blaient déjà incompréhensibles et, en certaines oc-
casions, ils me répugnaient. Mon éducation mar-
xiste a conforté cet état d'esprit et l'a converti en
internationalisme actif. Le fait d'avoir vécu dans
plusieurs pays et d'en avoir connu la langue, la
politique et la culture, m'ont aidé à absorber l'in-
ternationalisme dans ma chair et mon sang ».
Les mouvements révolutionnaires étant dans
une large mesure dirigés par des juifs - qui
avaient pour caractéristique d'être socialistes et
athées - il n'y a rien d'étonnant à les retrouver
en grand nombre parmi les dirigeants qui
s'emparent du pouvoir en 1917. Parmi les plus
influents d'entre eux, au sein de la toute pre
mière équipe, on peut citer: Léon Trotski, qui
invente le concept de « révolution permanente »,
organise et dirige l'Armée rouge, crée la police
secrète appelée tchéka, Yakov Sverdlov, président
du comité central exécutif, qui devient le
premier président de la nouvelle URSS, Grigory
Zinoviev, chef du Komintern (organe chargé
d'exporter la révolution), Karl Radek, commis-
saire à la presse, Maxime Litvinov, commissaire
aux affaires étrangères, Lev Kamenev, ou encore
Lazare Kaganovitch, beau-frère de Staline.
41 La France LICRAtisée
Le Times du 29 mars 1919 souligne également
la chose. « Une des caractéristiques les plus inté-
ressantes du mouvement bolchevique est le haut
pourcentage d'éléments non russes de V équipe diri-
geante Sur environ trente commissaires ou diri-
geants qui forment V appareil central bolchevique,
75% pour le moins sont des juifs ».
Parmi ces dirigeants, Lénine fait presque figure
d'exception, lui qui n'était qu'à un quart juif.
Son grand-père maternel était un commerçant
juif d'Odessa, nommé Sender Blank qui s'était
converti à la religion orthodoxe^.
Cette importante présence juive à la tête du
nouveau pouvoir sera confirmée indirectement
par le DDV qui, en 1977, dans un article sur
l'antisémitisme, « socialisme des imbéciles », écrira,
à propos des luttes internes au parti après la
prise du pouvoir par Staline. « Toutefois, le Parti
se garda de tout recours systématique à l'anti-
sémitisme politique jusqu'aux grandes purges des
années 1936-1938 qui liquidèrent la vielle garde
au sein de laquelle les juifs jouaient un rôle
particulièrement important ».
Dans le même ordre d'idées, le DDV consacre,
en 1990 un grand dossier à l'Europe gangrenée
par l'antisémitisme. Nous sommes à l'époque de
42 Politiquement incorrect
la perestroïka de Gorbatchev, et les juifs sont
enfin autorisés à quitter le pays.
Alexandre Adler, politologue spécialiste des
pays de l'est, invité à délivrer son analyse, déclare
ceci : « Les juifs ne sont plus perçus comme la
grande puissance culturelle et intellectuelle qu'ils
étaient. Ils n'ont plus d'influence et ils s'en
vont. Des Russes qui seraient tout à fait prêts à
pogromer si les juifs étaient vraiment un obstacle à
leurs désirs, n'ont aucune raison de le faire alors
que tout le monde s 'en va ».
Une manière de confirmer que les juifs ont bel
et bien été dans le passé une puissance culturelle
et intellectuelle en Union soviétique.
Ce peuple qui empêche le monde de dormir
Un éclairage intéressant sur les rapports entre la
révolution russe et les juifs est apporté en 1971 par
l'académicien français Thierry Maulnier dans son
essai, L'honneur d'être juif qui fait l'objet d'un
large commentaire dans les pages du DDV.
Partant de la constatation que de nombreux
juifs ont dans tous les domaines contribué à l'es-
sor de l'humanité, l'auteur en avance la raison
suivante : « La première qualité de ces hommes
"d'ici et d'ailleurs" a été, du fait de leur cosmo-
43 La France LICRAtisée
politisme, d'avoir dépassé les pensées strictement
nationales pour s'établir u dans le monde de l'uni-
versalité ".
Dans les expressions majeures et décisives pour
l'histoire de la pensée humaine en ce siècle, le génie juif
nous apparaît comme contestataire, novateur et
créateur, orienté vers les mutations audacieuses,
proprement révolutionnaires ».
Thierry Maulnier poursuit : « Il est remarquable que
les juifs aient pu sortir de l'isolement défensif où ils
étaient enfermés pour devenir au XIX e siècle des
moteurs de V éclatement des cadres établis... le para-
doxe majeur du juif apparaît alors. Un peuple dont
l'histoire est une splendide image de continuité et de
fidélité, se trouve être un facteur de rupture très bien
adapté à l'accélération des changements qui marque
le monde contemporain ».
Thierry Maulnier, ajoute le DDV, constate
l'énigme posée à l'humanité par « ce peuple qui
empêche le monde de dormir ».
Dans un domaine apparemment différent,
celui de la révolution « intérieure », il est inté-
ressant de noter que c'est également un juif, Sig-
mund Freud, qui sera à l'origine d'une nouvelle
approche de la médecine qui débouchera sur la
psychanalyse^.
44 Politiquement incorrect
Ses travaux sont très exactement contempo-
rains des bouleversements politiques qui se pro-
duisent à l'est.
En 1978, le DDV présente la réédition du
Freud de Stephan Zweig, qui avait paru en 1931
et reçu à l'époque l'approbation du Maître, et
qui met parfaitement en évidence les prolon-
gements « révolutionnaires» de cette découverte,
bien au-delà de la médecine:
« On voit le caractère révolutionnaire d'une telle
approche. Le moi étant la composante du collectif,
Freud n'allait-il pas u frapper de son marteau les fonde-
ments de la morale d'Etat et less complexes familiaux...
(et) dissoudre par ses acides violemment caustiques
l'idée de patrie et même l'esprit religieux ? "
C'est en effet [commente le DDV] l'effraction
que Freud allait rendre possible dans les idées reçues
de son temps, qui regardaient "toute anomalie de
l'âme uniquement comme une déviation des nerfs. "».
Le rêve vire tout de suite au cauchemar
Mais revenons à 1917. La révolution bolche-
vique illustre de manière éclatante le principe
selon lequel une politique, pour réussir, doit
faire rêver. Génialement menée au nom du
« prolétariat », notion parfaitement abstraite et
45 La France LICRAtisée
donc inoffensive, elle a su, à un degré suprême,
offrir aux masses un rêve désincarné - virtuel,
dirions-nous aujourd'hui - de fraternité et de
justice universelles. Derrière ce mirage se dissi-
mulait en réalité une soif de pouvoir absolu, la
même soif qui anime tous les dictateurs, passés,
présents et à venir. Et au nom de ce rêve, elle
réalisa un cauchemar.
Pour asseoir un pouvoir fragile, sans base
populaire, la répression est féroce dès le départ
et les accusations redoutables d'ennemi du peu-
ple ou de contre-révolutionnaire servent à liquider
systématiquement tous les opposants, ou sup-
posés tels.
Dès la fin de 1917, Trotski, commissaire du
peuple à la guerre, l'annonce très clairement :
« Dans un mois, la terreur va prendre des formes très
violentes, à l'instar de ce qui s'est passé lors de la
grande révolution française. Ce ne sera plus seu-
lement la prison, mais la guillotine, cette remar-
quable invention de la grande révolution française,
qui a pour avantage reconnu celui de raccourcir un
homme d'une tête, qui sera prête pour nos ennemis ».
Il ne se vantait pas. En tant que commissaire
à la guerre, Trotski va ordonner des massacres et
des déportations à grande échelle. La terreur
46 Politiquement incorrect
devient un mode de gouvernement et s'abat sur
des populations entières. Une guerre sans merci
est livrée à la paysannerie. Les cosaques sont
exterminés ou déportés. Des centaines de mil-
liers d'ouvriers, qui osaient réclamer, par la grève
et les manifestations, les droits théoriquement
prévus par la révolution, sont massacrés entre
1918 et 1922.
Pour éviter toute possibilité de retour en
arrière, l'un des actes fondateurs de l'ordre nou-
veau sera le massacre du tsar et de toute sa famil-
le, le 16 juillet 1918. Cette tuerie sera perpétrée
par la tchéka, sur ordre de Lénine et de Yakov
Sverdlov.
« Nous rejetons les vieux systèmes de moralité et
d'" humanité " inventés par la bourgeoisie dans le
but d'opprimer et d'exploiter les u classes inférieures ".
Notre moralité n'a pas de précédent, notre huma-
nité est absolue car elle repose sur un nouvel idéal :
détruire toute forme d'oppression et de violence.
Pour nous, tout est permis car nous sommes les pre-
miers au monde à lever l'épée non pas pour oppri-
mer et réduire en esclavage, mais pour libérer l'hu-
manité de ses chaînes... Du sang ? Que le sang
coule à flots ! Puisque seul le sang peut colorer à
tout jamais le drapeau noir de la bourgeoisie pirate
47 La France LICRAtisée
en étendard rouge, drapeau de la Révolution. Puis-
que seule la mort finale du vieux monde peut nous
libérer à tout jamais du retour des chacals ! »
Quelle haine et quelle soif de vengeance dans
cet éditoral du premier numéro du journal de la
tcheka, Le Glaive rouge, paru le 18 août 1919 !
Quel cynisme et quel mépris de toute notion
d'humanité !
Et impossible de mettre ça sur le dos bien
commode de Staline. Nous sommes en 1919 et
cette volonté de faire disparaître toute trace de
l'ordre ancien en massacrant des pans entiers de
la société, c'est bien celle de la première équipe.
Qui l'avait d'ailleurs dûment annoncé : dans
l'esprit des révolutionnaires, la prise de pouvoir
devait obligatoirement s'accompagner de la
guerre civile. Une guerre civile qui sera théorisée,
planifiée et livrée sans faiblir.
Famine, fusillades, déportations, camps de
concentration, tous les moyens seront bons pour
s'installer durablement au pouvoir - en écrasant
par la même occasion les autres fractions révolu-
tionnaires rivales - notamment les syndicalistes et
les anarchistes, et pour consolider une révolution
qui prétendait transformer le monde au nom d'un
idéal d'émancipation humaine et sociale !
Un crime sensationnel
à l'origine de laLICRA
L'onde de choc provoquée par la révolution
bolchevique va très vite se répandre dans l'Eu-
rope entière. Elle trouvera notamment en Fran-
ce, pays pionnier en matière de révolution, un
large écho.
Il faut se souvenir que Paris est, dans les années
1900-1930, une «petite Russie» que le journa-
liste-écrivain Joseph Kessel, lui-même d'origine
russe, fréquentera assidûment et saura magnifi-
quement faire revivre dans ses romans.
La capitale française est alors le refuge de toute
une pépinière d'émigrés et de révolutionnaires de
tous poils et tendances, qui s'y agitent et s'y
croisent. Trotski, Lénine, Zinoviev, y séjourneront
avant 1917. Lokhrana, police secrète du tsar, puis
la tchéka, police secrète des bolcheviques, plus
tard la guépéou, y auront leurs agitateurs.
C'est donc tout naturellement à Paris que va
se jouer le dernier acte d'une histoire très com-
50 Politiquement incorrect
plexe qui plonge ses racines bien loin à l'est. Et
qui sera le prétexte à la création de la LICRA. A
ce moment-là - 1926 - le pouvoir bolchevique
règne d'une main de fer sur l'URSS depuis huit
ans, et le parti communiste français existe depuis
cinq ans. Il est totalement aligné sur Moscou,
et son plus vif souhait est d'importer les bienfaits
de la révolution russe en France.
Ce 25 mai 1926, en plein Paris, Samuel
Schwartzbard vide son chargeur sur Simon Petlura
et se constitue prisonnier. Il déclare aux policiers
avoir agi pour venger ses frères juifs victimes des
pogroms perpétrés en Ukraine par Petlura.
Bernard Lecache, journaliste au Quotidien,
membre de la Ligue des Droits de l'Homme
- association de gauche créée en 1898 à la suite de
l'Affaire Dreyfus - mobilise aussitôt en sa faveur
un certain nombre de personnalités et demande à
l'avocat d'Henry Torrès d'asssurer sa défense.
Le choix d'Henry Torrès ne doit rien au
hasard. Juif originaire d'Afrique du nord, « dé-
fenseur puissant des communistes français et des
communistes d'importation » comme l'indique à
l'époque Le Figaro, membre lui aussi de la Ligue
des Droits de l'Homme il a déjà par le passé
assuré la défense d'anarchistes célèbres. Il sera
51 La France LICRAtisée
assisté durant le procès par Boris Souvarine,
proche de Bernard Lecache, et l'un des fonda-
teurs du parti communiste français.
Le procès de Schwartzbard fait sensation et
attire la foule, y compris de l'étranger. La popu-
lation et la presse juives, surtout américaines,
prennent fait et cause pour le meurtrier et ren-
dent le monde entier responsable, par son
silence, des pogroms.
Dès le départ, il est clair que ce sera le procès des
pogroms et qu'on ne jugera pas le coupable
du meurtre, mais sa victime.
Henry Torrès, ténor du barreau, va tirer des larmes au
public et aux jurés. Il racontera plus tard
dans ses Mémoires : « Il ne me resta plus après, dans
un court appel aux jurés, véritable acte de foi dans
la justice du peuple français, qu'à résumer à larges
traits ce que nous venions d'entendre, à rappeler
qu'en Ukraine, dans les longues nuits d'hiver, lorsque
les petits enfants ne dormaient pas, les mères en les
berçant leur disaient : u Dépêche-toi de t' endormir;
sans quoi Petlura va venir" et je conclus en quelques
mots, après avoir évoqué la Révolution Française
dont aucun homme vivant ne peut dire qu'il n'est
plus ou moins le fils : "Qu'il sorte libre cet homme
qui porte sur son front comme un sceau terrible toute
52 Politiquement incorrect
la tragédie d'un peuple! Vous êtes aujourd'hui, mes-
sieurs, responsables du prestige de notre nation et des
milliers de vies humaines qui dépendent du verdict
de la France " ».
Ce morceau d'anthologie mérite d'être cité en
entier.
Aux yeux du public, Samuel Schwartzbard
n'avait fait que venger ses coreligionnaires, victi-
mes innocentes d'épouvantables atrocités.
Il est donc triomphalement acquitté le 26 oc-
tobre 1927^.
C'est une grande victoire pour la Ligue inter-
nationale contre les pogroms constituée pour
l'occasion par Bernard Lecache afin d'assurer la
défense de l'accusé et le battage médiatique adé-
quat. Ce sera d'ailleurs sa seule victoire, puisque
la Ligue contre les pogroms se transformera dès
l'année suivante en Ligue internationale contre
l'antisémitisme, ou LICA.
Mais n'anticipons pas, et revenons sur les
acteurs, étonnants, de ce drame.
Qui étaient Schwartzbard, Petlura, Makhno
et les autres ?
Au procès, les projecteurs furent braqués sur
un seul point de la scène, et un certain nombre
53 La France LICRAtisée
de faits pour le moins troublants furent soigneu-
sement escamotés.
Samuel Schwartzbard fut présenté comme un
tranquille horloger, poète à ses heures. Il était
horloger, c'est vrai, mais on oublia de préciser
qu'il était également membre du groupe anar-
chiste juif « L'autodidacte ».
Né en 1886 en Bessarabie, il avait connu la
guerre civile russe de 1905, puis s'était réfugié à
Paris. Il avait combattu durant la première guerre
mondiale pour la France dans les rangs de la
Légion étrangère et était retourné en Ukraine en
1917, l'année de la révolution, à bord d'un bateau
où il avait distribué de la propagande bolchevique
Après trois années passées en Ukraine, il était
rentré à Paris en 1920.
Qu'avait-il fait en Ukraine durant ces trois
années ? Sûrement pas de la villégiature car peu
d'endroits au monde étaient alors plus troublés que
cette immense région - les quatre cinquièmes de la
France - âprement disputée, Une région agricole ri-
che : jadis appelée « le grenier de l'Europe », mar-
quée depuis toujours par un fort esprit d'indé-
pendance.
Durant ces trois années, de 1917 à 1920, la
guerre civile faisait rage en Ukraine, où pas
54 Politiquement incorrect
moins de quatre armées s'affrontaient et dévas-
taient les campagnes : les « blancs », c'est-à-dire
ce qu'il restait de l'armée tsariste, l'Armée rouge
bolchevique qui essayait de s'emparer de cette
région rebelle, les anarchistes, tantôt alliés, tantôt
ennemis des rouges, et pour corser le tout, les
nationalistes de Simon Petlura.
Ce dernier avait adhéré très jeune au parti
révolutionnaire ukrainien qui militait pour l'in-
dépendance vis-à-vis de la grande Russie.
En 1919, Simon Petlura devient le chef d'une
très éphémère république indépendante d'Ukraine
qui parvient à se créer à la faveur des troubles liés
à la révolution. A ce titre, il est chef des armées et
lutte évidemment contre les autres fractions.
Il sera finalement battu, comme les blancs et
les anarchistes, par les bolcheviques, qui tente-
ront de l'assassiner. Il s'enfuit de son pays et
trouve refuge à Paris en 1924.
Les anarchistes, quant à eux, étaient dispersés
en un certain nombre de mouvements dont le
plus important fut celui de Nestor Makhno, qui
réussit à entraîner à sa suite d'importantes mas-
ses paysannes, ce qui n'était pas le cas des
bolcheviques dont la population se méfiait. A
juste titre d'ailleurs, comme elle ne tardera pas à
55 La France LICRAtisée
le vérifier. Les bolcheviques firent tout pour
évincer les anarchistes, en qui ils voyaient une
dangereuse concurrence, et y réussirent finale-
ment, en les trahissant, en 1921.
Pendant ces trois années, de 1917 à 1920, le
paisible horloger Samuel Schwartzbard combattit
en Ukraine, c'est une certitude. Mais aux côtés
de qui ? de l'Armée rouge ? des anarchistes ?
Ce qui est sûr, c'est qu'il continua à fréquenter
Nestor Makhno quand, après la défaite des
anarchistes, ils se réfugièrent, eux aussi, à Paris.
Simon Petlura et les pogroms en Ukraine
Les pogroms, mot qui signifie « destruction
totale » en russe, étaient des actes de violence,
voire des massacres perpétrés par le régime
tsariste contre les juifs, particulièrement nom-
breux en Ukraine. Le tiers de la population juive
mondiale est alors concentré dans cette région,
qui faisait partie de la « zone de résidence »
autrefois imposée aux juifs.
Mais nous sommes dans les années 1917-
1920. La révolution d'octobre est passée par là,
et, Il ne devrait donc plus y avoir de pogroms ?
D'autant que dès juillet 1918, le gouvernement
bolchevique a interdit toute manifestation d'an-
56 Politiquement incorrect
tisémitisme, désormais passible de la peine de
mort. Une mesure qui sera d'ailleurs considérée
par les juifs du monde entier comme une preuve
de la libéralité du régime !
Il ne devrait effectivement plus y avoir de po-
groms, et pourtant, ils continuent. C'est qu'en
Ukraine, comme on l'a vu, la guerre civile fait rage,
et dans l'esprit des habitants des campagnes, juifs et
communistes forment bien vite un duo inséparable
Le nouveau pouvoir a en effet recruté l'essen-
tiel de ses cadres et de sa bureaucratie, qui est
d'emblée très importante, dans la population
urbaine juive, traditionnellement plus instruite.
Il va sans dire que l'aversion des Russes - surtout
dans les campagnes - pour la bureaucratie bol-
chevique ne tarde pas à renforcer leur anti-
sémitisme « traditionnel ».
Un antisémitisme aggravé encore par le rôle
que joue la tchéka, police secrète de sinistre
mémoire chargée d'éliminer les « contre-révolu-
tionnaires », au sein de laquelle les juifs sont très
nombreux à s'enrôler. Notamment en Ukraine,
où ils constituent environ 80 % de ses effectifs.
Le rôle de la tchéka avait été défini sans
périphrases par le Comité central: c'était un
« organe de combat qui opère sur le front intérieur
57 La France LICRAtisée
de la guerre civile. Il ne juge pas l'ennemi, mais il
l'extermine. Il ne pardonne pas celui qui est de
l'autre côté de la barricade, il V écrase ». Un pro-
gramme radical qui sera suivi à la lettre.
Donc, l'Ukraine est a cette période et pour
son malheur, le théâtre de violents combats. Le
désordre le plus complet y règne, et dans ce cli-
mat d'anarchie, toutes les bandes armées sans
exception se livrent à des exactions et à des
pogroms, en tâchant si possible d'en faire porter
la responsabilité à d'autres.
« S'il se produit des cas de brigandage dans
l'Armée rouge, il est indispensable de les imputer
aux petluristes. L'Ukraine doit être soviétique et
Petlura effacé de la mémoire pour toujours ».
Qui adresse cette recommandation en 1920
aux agitateurs envoyés en Ukraine ? Léon Trots-
ki, commissaire du peuple à la guerre.
La part réelle de la responsabilité de Simon
Petlura dans les pogroms perpétrés par son
armée ne sera même pas établie durant le procès
de Schwartzbard. Un certain nombre d'histo-
riens sont d'avis qu'il a au contraire tenté de les
limiter et de punir les coupables.
Une chose est sûre : les rapports entre juifs,
bolcheviques et nationalistes ukrainiens étaient
58 Politiquement incorrect
très complexes en cette période troublée. Le
Droit de Vivre sera amené à le reconnaître
implicitement en 1975 à l'occasion suivante :
En novembre de cette année-là, la Bibliothèque
Ukrainienne de Paris décide de prendre le nom
de Simon Petlura. La LICA s'en émeut et envoie
derechef une lettre de protestation aux respon-
sables qui répondent que Simon Petlura avait été
un grand patriote ukrainien et qu'il n'était pas
antisémite. Le DDV commente l'affaire en ces
termes : « On peut estimer, à l'extrême limite, que
Simon Petlura, socialiste-révolutionnaire, n'était pas
antisémite. Mais l'armée ukrainienne qu'il comman-
dait était composée d'une grande majorité d'indivi-
dus dont le patriotisme et le nationalisme se con-
fondaient avec la haine à V encontre de tout ce qui
n'était pas authentiquement ukrainien. La popula-
tion juive était considérée par ceux-là comme un
corps étranger. De plus l'armée de Petlura luttant
contre l'Armée rouge du juif Léon Trotsky pour une
Ukraine indépendante avait tendance à considérer
tous les juifs comme les alliés objectif du bolchevisme
dont plusieurs dirigeants étaient en effet de confes-
sion israélite ».
Auteur de pogroms ou pas, il n'en demeure
pas moins que Simon Petlura constituait un dan-
59 La France LICRAtisée
ger pour les bolcheviques car il était nationaliste.
Il avait déjà échappé à une tentative d'assassinat
en Ukraine, et à présent, Il entendait poursuivre
son combat politique à Paris, où il avait créé un
journal. Il représentait donc une menace à
éliminer.
Ce crime « passionnel », pour ne pas dire
« moral » , fut-il en réalité un crime politique et
Samuel Schwartzbard un agent soviétique ? Un
certain nombre d'indices donnent à le penser et
c'est là une question toujours ouverte.
Il est en tout cas établi que Christian Ra-
kovsky, qui était depuis 1925 ambassadeur des
soviets en France, après avoir été chef de la tché-
ka en Ukraine en 1918 et gouverneur de
l'Ukraine de 1919 à 1923, avait rencontré l'avo-
cat de Schwartzbard, Henry Torrès, sur la
Riviera française, quelques mois avant le début
du procès.
La Ligue internationale contre les pogroms
Bernard Lecache avait donc pris en main la
défense de Samuel Schwartzbard et créé à cet
effet, pour lui donner tout l'impact médiatique
possible, la Ligue internationale contre les
pogroms. Journaliste de gauche, il avait logique-
60 Politiquement incorrect
ment mobilisé dans les milieux de gauche : outre
l'avocat Henry Torres, les personnalités suivantes
vont former le premier noyau de la nouvelle
Ligue : Victor Basch, président de la Ligue des
Droits de l'Homme, Gérard Rosenthal, avocat,
futur collaborateur de Trotski, Georges Pioch,
anarchiste puis socialiste, Caroline Rémy, dite
Séverine, journaliste socialiste-anarchiste-com-
muniste, Léon Jouhaux, secrétaire général de la
CGT, Maxime Gorki, qui retourne en URSS en
1928 pour présider l'Union des écrivains soviéti-
ques, l'écrivain Joseph Kessel.
Bernard Lecache va pousser très loin son sou-
tien puisqu'il se rendra lui-même en Ukraine du-
rant l'été 1926 dans le but très précis de
rassembler, afin de les produire au procès l'année
suivante, le maximum de témoignages à charge
contre Petlura. Ardent supporter des bolchevi-
ques, il est largement aidé par les autorités
durant son voyage et bénéficie d'une grande
couverture de presse dans les Izvestia.
A son retour, il publie un livre intitulé Quand
Israël meurt... Au pays des pogroms qui constitue
un véritable réquisitoire contre le nationaliste
ukrainien et assène des chiffres que les recher-
ches historiques ultérieures reverront largement à
61 La France LICRAtisée
la baisse. Durant ces années, les pogroms n'ont
pas fait en réalité, comme il le dénonce, 300 000
victimes, mais entre 60 000 et 120 000, selon
un rapport de la Croix-Rouge.
La LICRA reprendra d'ailleurs plus tard à son
compte l'estimation la plus basse, dans les
circonstances suivantes : en 1992, de très vives
protestations sont adressées par diverses commu-
nautés juives au président de l'Ukraine, Léonid
Kravtchouk, car la ville de Lvov a décidé de
baptiser l'une de ses rues du nom de Simon
Petlura. Le DDV relate l'affaire en précisant :
« Simon Petlura, ancien chef de l'armée ukrainien-
ne, avait massacré 60 000 juifs en 1918 et 1919
lors de pogroms qui ont ensanglanté 87 villes
ukrainiennes, dont la capitale, Kiev ».
La LICRA décide de s'associer à la protesta-
tion adressée au président ukrainien, « elle qui a
justement été initialement créée après ces pogroms
et l'assassinat de Petlura par un jeune juif dont la
famille avait été décimée^ ».
Un «jeune juif» qui avait quand même qua-
rante ans lors de l'assassinat.
Des extraits du livre de Bernard Lecache vont
être publiés durant tout le mois de février 1927 -
soit quelques mois avant le procès qui aura lieu
62 Politiquement incorrect
en octobre - dans son journal Le Quotidien. Ils
contribueront largement à créer le climat voulu.
Ce que Bernard Lecache ne précise pas dans
son livre, c'est qu'aux pogroms proprement dit
violences expressément dirigées contre les
juifs - s'ajoutaient de toute manière les ravages
« classiques » causés par les armées en Ukraine.
Et tout particulièrement par l'Armée rouge, qui
exercera une terreur particulière contre les masses
paysannes suspectées de soutenir les anarchistes
Plus de 200 000 paysans et ouvriers vont être
exécutés à cette époque, et à peu près autant
déportés vers la Sibérie ou emprisonnés.
Des morts dont il ne sera plus jamais ques-
tion. Mais qui peuvent contribuer à expliquer un
certain climat antisémite dans l'Ukraine d'alors
Un livre de Serge Melgounov intitulé La
terreur rouge en Russie, 1918-1924 dénonçant les
exactions de l'Armée rouge avait d'ailleurs paru à
Londres en 1924. Il rapportait les témoignages
recueillis par la commission d'enquête sur les
crimes bolcheviques, créée en 1919 par le géné-
ral blanc Denikine.
Et il décrivait les atrocités commises en masse
en Ukraine par les tchékistes dès 1918, contre
« les ennemis du peuple ».
63 La France LICRAtisée
Le livre de Bernard Lecache, très similaire dans
sa conception, et paru deux années plus tard, en
1926, semble destiné à effacer cette fâcheuse
impression en faisant porter tout le poids et la res-
ponsabilité des exactions sur les seuls nationalistes.
s
Etait-ce une façon de faire oublier d'autres
crimes ?
Qui était Bernard lecache, fondateur de la
LICRA ?
A ce point du récit, il devient impératif de
s'intéresser de plus près à l'homme qui créa la
LICRA et la présida jusqu'à sa mort en 1968,
soit durant quelque quarante années !
La Ligue et le DDV sont étonnamment dis-
crets sur ce personnage, dont n'apparaît qu'une
légende officielle plutôt avare de détails : jour-
naliste « de gauche », grand humaniste - natu-
rellement, puisque de gauche -, homme fort
modeste de surcroît, puisqu'il refusera toujours
tout mandat politique, ce qui constitue une
rareté à la LICRA.
Bernard Lecache, comme son nom ne l'indique
pas est né en 1895 à Paris dans une famille juive
d'origine ukrainienne. Ses parents, tous deux nés
en Ukraine, avaient émigré en France en 1890.
64 Politiquement incorrect
Il sera journaliste dans divers organes de la
presse de gauche et d'extrême gauche, notam-
ment à La Volonté et au Journal du Peuple, « le
premier journal bolcheviste français ». Il fondera
même un hebdomadaire, Le cri des peuples, qui
disparaîtra après quelques mois d'existence. Dans
les années qui suivent la révolution, il fréquente les
milieux socialistes et communistes franco-
russes, et notamment Boris Souvarine, comme
lui juif d'origine ukrainienne, comme lui né en
1895, comme lui journaliste. Boris Souvarine
sera l'un des créateurs, en décembre 1920, du
parti communiste français. Il assistera Henry
Torrès au procès Schwartzbard.
Bernard Lecache fréquente également avec
assiduité une célébrité de la presse de l'époque,
bien oubliée aujourd'hui : Séverine, dont il écrit
même la biographie en 1931 et dont il épouse
la petite-fille, Denise Montrobert.
Séverine, de son vrai nom Caroline Rémy, est
alors une journaliste féministe-anarchiste-com-
muniste particulièrement tonitruante. Ancienne
égérie de Jules Vallès, elle est toujours en quête
d'une cause flamboyante à défendre et pourfend
systématiquement l'ordre établi. Son slogan fa-
vori : «Avec les pauvres toujours, malgré leurs er-
65 La France LICRAtisée
reurs malgré leurs fautes, malgré leurs crimes ! »
dépeint assez bien la révolutionnaire telle qu'elle n'a
jamais cessé d'être.
Ce qui ne l'empêche pas de collaborer durant
plusieurs années - et c'est là tout le sel de l'his-
toire - au journal antisémite La Libre Parole
d'Edouard Drumont, par ailleurs auteur à succès
de La France juive- 1 . Ce qui, pour la future
belle-grand-mère du fondateur de la LICRA, est
s
assez original. Edouard Drumont, qui l'appré-
ciait beaucoup, ira jusqu'à lui dédier, en des ter-
mes très affectueux, un de ses livres, consacré à
l'affaire de Panama, De l'or, de la boue, du sang.
La révolution de 1917, qualifiée de «grande
annonciation », est saluée avec enthousiasme par
ces milieux d'intellectuels parisiens de gauche, et
Bernard Lecache est l'un des premiers à adhérer,
dès 1921, à la section française du parti com-
muniste. Séverine aussi, d'ailleurs. Il collabore à
partir de ce moment-là à L'Humanité, où il tient
la rubrique antimilitariste.
Deux ans plus tard, le PC fait le ménage, à la
demande de l'Internationale Communiste, le Ko-
mintern. Nombreux sont en effet les Francs-
maçons, surtout au Grand Orient, à avoir rejoint
le parti communiste. Or cette affiliation maçon-
66 Politiquement incorrect
nique est mal vue à Moscou. Les « intellos », ou
présumés tels, sont donc sommés de choisir entre
l'appartenance à la franc-maçonnerie, à la Ligue
des Droits de l'Homme - assimilée à la maçon-
nerie en raison de ses liens avec elle - ou au Parti,
et ce, avant le 1 er janvier 1923 : « La dissimulation
par quiconque de son appartenance à la franc-
maçonnerie sera considérée comme une pénétration
dans le Parti d'un agent de l'ennemi et flétrira
l'individu en cause d'une tache d'ignominie devant
tout le prolétariat ».
Bernard Lecache, qui est membre de la Ligue
des Droits de l'Homme et proche de la franc-
maçonnerie, dont il sera membre un peu plus
tard, refuse de se soumettre à cet ukase,
ainsi que d'autres. Il est exclu du Parti en 1923.
Cela ne l'empêche apparemment pas de rester
un communiste convaincu, ni de garder des liens
étroits avec ses anciens camarades, puisque le 17
octobre 1927, soit quelques jours avant l'acqui-
tement de Samuel Schwartzbard, on le voit
présider un meeting célébrant le 10 e anniversaire
de la révolution russe. A partir de janvier 1928,
il adhère par ailleurs à l'Association des amis de
l'Union soviétique, et collabore à la revue l'Appel
des soviets.
67 La France LICRAtisée
Dépend-il d'eux financièrement ? Dans son
livre Les professionnels de V antiracisme, paru en
1987, Yann Moncomble reproduit une note
n° 56249 adressée le 18 janvier 1936 par Joseph
Paganon, du ministère de l'Intérieur, au président
du Conseil, Pierre Laval^, rédigée en ces termes :
« Bernard Lecache, le secrétaire de la LICA, est
subventionné par les soviets depuis 1927. A cette
époque, il était très lié avec l'ambassadeur Rakovs-
ky, qui le fit nommer comme rédacteur au journal
Le Soir fondé par M.L.O. Frossard^ 1 , actuel-
lement ministre du Travail. Après la disparition de
ce journal, Lecache, de sa propre initiative, publia
une feuille intitulée Le Cri des Peuples et fut aidé
par l'ambassade soviétique, en la personne du
conseiller Arens. (...) Actuellement, pour la pu-
blication de son nouveau journal Le Droit de
Vivre, Bernard Lecache reçoit chaque mois 10 000
francs de l'ambassade soviétique ».
Pendant la guerre, Bernard Lecache sera arrêté
par la police de Vichy à la suite d'un article paru
dans Marianne et intitulé « Rien n'est fini ».
Il est transféré en Algérie, au camp de Bossuet,
où il se retrouve compagnon d'infortune de
Roger Garaudy, futur célèbre révisionniste. Il est
libéré en décembre 1942 par les troupes alliées
68 Politiquement incorrect
débarquées en Afrique du nord. Après la guerre il
reprend ses activités de journaliste et restera à
la tête de la LICA jusqu'à sa mort, en 1968, à
l'âge de 73 ans.
La Ligue internationale contre l'antisémi-
tisme (LICA)
Il est indéniable que le succès de la révolution
d'octobre et sa conséquence, l'arrivée au pouvoir
en Russie d'un régime perçu comme philosémite -
du moins à ses débuts car il va évoluer par la suite
s
vers l'antisémitisme d'Etat - ont servi de détona-
teur et d'encouragement à la création d'organisations
telles que la LICA.
Tout comme l'exemple de la République de
Weimar qui, de 1917 à 1933, va voir les juifs
jouer un rôle important dans la vie politique et
culturelle de l'Allemagne.
Jusque-là, en effet, les juifs de France ne se
considéraient pas eux-mêmes comme paticu-
lièrement combatifs ou militants. L'Affaire
Dreyfus, qui constituera un révélateur à bien des
égards, illustre parfaitement cette attitude effa-
cée. Revenant une fois de plus, en mars 1987,
sur « l'Affaire », le DDV parle du « Silence des
juifs » :
69 La France LICRAtisée
«Au milieu de cet immense affrontement dont
ils étaient l'objet, le rôle et la réaction des juifs de
France furent dérisoires. On voit à quel point ils
n'existaient pas en tant que communauté struc-
turée, combien était active et efficace l'idéologie de
l'assimilation (...) Enfin, l'Affaire eut un rôle
déterminant sur les juifs eux-mêmes, Ce n'est pas
Theodor Herzl seulement qui prit mieux conscience
de la nécessité d'un État juif, quand il vit dégrader
Dreyfus aux cris de "Mort aux juifs !": Ce sont les
juifs du monde entier, qui se sentirent confortés
dans leur détermination de réaliser le vœu bi-
millénaire "l'an prochain à Jérusalem" ».
C'est donc dans ce contexte de prise de cons-
cience nouvelle, à la fois de l'identité juive et de la
possibilité de la défendre politiquement avec
succès, qu'est créée dans un premier temps la Ligue
internationale contre les pogroms. Son but atteint
-la défense et l'acquittement de Samuel Swchartz-
bard - elle va se transformer dès l'année suivante,
en 1928, en Ligue Internationale contre l'antisémi-
tisme (LIC A), dont le champ d'action est plus
vaste . Il s'agit dorénavant de prendre la défense des
juifs partout où ils se plaignent de persécutions.
Les statuts de la nouvelle Ligue insistent sur
son caractère résolument apolitique et non con-
70 Politiquement incorrect
fessionnel. Elle se place d'emblée, non pas « en
dehors », mais « au-dessus » de tous les partis
politiques, un positionnement qu'elle n'aban-
donnera jamais et qui en dit long sur son propre
sentiment de puissance.
Un apolitisme affiché qui paraît des plus rela-
tifs, si l'on en juge à la qualité de ses membres
fondateurs. Au comité d'honneur de la LICA
nouvellement constituée, outre le premier noyau
issu de la Ligue contre les pogroms, prennent
place un certain nombre de responsables politi-
s
ques, dont Edouard Herriot, leader des radicaux
de gauche, et Léon Blum, chef des socialistes.
D'ailleurs, cet affichage apolitique ne trompe
personne. Dans son ouvrage Les juifs à Paris
1933 à 1939, publié en 1974, David H. Wein-
berg indique clairement : « Pourtant, la période
tourmentée que constitue le début des années trente
en France amena la création de plusieurs organi-
sations politiques chez les juifs français. La plus
importante fut la Ligue internationale contre l'an-
tisémitisme, ou LICA ».
Apolitique, la LICA se prétend également non
confessionnelle, souhaitant réunir « des hommes
de bonne volonté, venant de tous les horizons philo-
sophique, politique et religieux qui veulent militer
71 La France LICRAtisée
pour V égalité des races et des familles ethniques
dans le respect total des différences ».
C'est la raison pour laquelle apparaîtront tou-
jours en vitrine et bien en évidence, un certain
nombre de personnalités non juives. A l'étage de
la direction, en revanche, les véritables dirigeants
de la LICRA seront, quant à eux, toujours juifs.
C'est encore le cas aujourd'hui.
A l'instar des communistes, la LICA organise
très vite des groupes d'autodéfense qui n'hésitent
pas à faire le coup de poing contre les « fascis-
tes ». Elle acquiert ainsi dès le départ une répu-
tation d'agressivité qui ne la quittera plus, n'hé-
sitant pas à recruter les durs chargés de son
service d'ordre dans le Milieu et dans les salles
de boxe.
1932 marque une nouvelle étape dans la
montée en puissance de la LICA : elle décide,
tout en conservant son sigle d'origine, LICA,
déjà bien connu, d'étendre son champ d'action
au racisme en général; Cette extension est la
conséquence de sa pénétration dans les colonies
françaises, notamment en Afrique du nord, où
juifs et arabes se retrouvent solidaires du mêmes
combat. Une solidarité pourtant sujette à des
crises très violentes, comme en témoigne le
72 Politiquement incorrect
pogrom de Constantine, en Algérie, qui fait
plusieurs dizaines de morts dans la communauté
juive en 1934.
C'est également en 1932 que Bernard Lecache
crée Le Droit de Vivre, qui se proclame premier
journal antiraciste du monde.
Le soutien de la LICA au Front populaire
Les émeutes et la grève de février 1934 récon-
cilient socialistes de la SFIO et communistes.
Une réconciliation exigée par Moscou dans son
objectif de conquête du pouvoir en Europe
occidentale. La LICA appelle, elle aussi, au ras-
semblement de toutes les forces de gauche « con-
tre le fascisme ». Un comité de liaison se cons-
titue, qui aboutira au Front populaire.
Cette alliance va porter ses fruits. En avril
1936, en dépit de son apolitisme officiel, la
Ligue appelle à voter pour le Front populaire de
Léon Blum. La gauche gagne les législatives, et
parmi ses nouveaux élus figurent quatre mem-
bres du comité central de la LICA : Jean Pierre-
Bloch, André Philip, Gaston Monnerville, Salo-
mon Grunbach.
Deux d'entre eux imprimeront plus tard une
très forte marque sur la Ligue :
73 La France LICRAtisée
Jean Pierre-Bloch, tout d'abord, le plus jeune
député du Front Populaire. Après avoir milité
aux jeunesses socialistes et à la Laurs - Ligue
d'Action Universitaire Républicaine et Socialiste,
qui regroupe les étudiants de gauche - il est
entré comme journaliste au Populaire de Léon
Blum. L'importance de Jean Pierre-Bloch sera
déterminante par la suite puisqu'il succédera à
Bernard Lecache à la tête de la LICA à la mort
de ce dernier, en 1968. Il y restera à son tour
jusqu'en 1993.
Ce qui signifie que la LICRA, de 1927 à
1993, soit durant 66 ans, a connu en tout et
pour tout deux présidents. Journalistes tous les
deux. De gauche tous les deux.
Une remarquable et éclairante continuité.
Jean Pierre-Bloch écrira bien plus tard dans ses
Mémoires, intitulées Jusqu'au dernier jour : «Je
crois que jusqu'à ma mort, le virus de la politique
ne me quittera pas »
On le croit sur parole.
Le second de ces jeunes espoirs de 1936 est
Gaston Monnerville, radical de gauche, qui
accompagnera la Ligue tout au long des décen-
nies suivantes, Son soutien constant sera très
important, puisqu'il occupera la haute fonction
74 Politiquement incorrect
de président du Sénat de 1948 à 1968, ce qui
fera de lui le deuxième personnage de l'Etat. Il
siégera ensuite au Conseil constitutionnel.
Tout au long de son histoire, bien qu'officiel-
ement apolitique, la LICRA ne va en réalité
jamais cesser d'être intimement liée au monde
politique, et plus précisément à la gauche.
La présence au sein de la Ligue de membres
issus de la droite constitue surtout un bon moyen
d'occuper le maximum de terrain politique et
d'escamoter une appartenance trop marquée au
camp de la gauche, qui serait préjudiciable aux
objectifs et aux intérêts de l'association. Elle
permet également de donner une apparence de
crédibilité à l'ouverture prônée dans les statuts.
Les années d'avant-guerre
Durant ces années d'avant-guerre, la LICA est
donc déjà bien implantée et jouit de nombreux
relais dans la presse et dans le monde politique
grâce à ses élus et à ses appuis.
Cette visibilité lui permet de faire bruya-
ment entendre sa voix et de déployer un acti-
visme politique dont s'inquiète une bonne partie
de la communauté juive française, nettement plus
modérée.
75 La France LICRAtisée
C'est ainsi qu'en juillet 1937, l'imprimeur
Georges Lang adresse au Consistoire une lettre^
s'inquiétant du tort que la LICA causerait aux juifs
par son agitation désordonnée et conclut : « C'est
bruyamment, par tous les moyens possibles, que le
judaïsme devrait renier la LICA (...) Un Lecache
justifierait, si c'était possible, un Darquier de Pelle-
poix, mais un Lecache est bien plus dangereux pour
les juifs qu'un Darquier de Pellepoix ».
Dès 1937, la LICA réclame le vote d'une loi
contre le racisme. Du fait de sa forte implan-
tation en Afrique du nord, elle milite pour
l'adoption du projet Blum-Viollette dont Jean
Pierre-Bloch est rapporteur à l'Assemblée natio-
nale.
Dans un premier temps, en 1870, le décret
Crémieux^ avait accordé la citoyenneté fran-
çaise aux juifs d'Algérie. Les musulmans, quant
à eux, pouvaient également demander cette
citoyenneté, mais dans ce cas, ils devaient renon-
cer au statut coranique, jugé incompatible avec
la Déclaration des droits de l'homme. Peu d'en-
tre eux avaient alors effectué cette démarche.
Le projet Blum-Viollette vise, lui, à octroyer la
citoyenneté française à une « élite » de 21 000
musulmans francisés d'Algérie, sans obligation
76 Politiquement incorrect
cette fois de renoncer à la loi coranique. Ce
projet sera violemment combattu par les colons
et finalement retiré.
Curieusement, durant ces années, la LICA
contribue fortement à la diffusion du livre
d'Adolf Hitler, Mein Kampf C'est Marcel
Bleustein-Blanchet^ qui le racontera bien plus
tard dans son livre de souvenirs Les mots de ma
vie : « Dans les années 30, j'ai reçu la visite de
plusieurs personnalités très connues, avocats, méde-
cins, hommes d'affaires, parmi lesquels le président
de la Ligue contre l'antisémitisme, la LICA, Pierre-
BlocH—*-, et mon ami Lucien Racket. Ils m'ont
dit : "Hitler a publié en Allemagne un livre abo-
minable, Mein Kampf, qui se veut la bible de la
haine contre la France et contre les juifs. Il faut
absolument le faire connaître, aux leaders d'opi-
nion. Nous avons trouvé un éditeur qui accepte de
l'imprimer, mais qui refuse de mettre son nom, par
peur des représailles. Acceptez-vous de nous ai-
der ?: J'ai dit oui. Le livre a paru.
Nous l'avons envoyé notamment à tous les dépu-
tés et sénateurs. C'était V époque où il ne se passait
guère de jour sans qu'on entende à la radio les
hurlements du Fuhrer annonçant le nouvel ordre
nazi et la destruction du monde occidental. J'ai
77 La France LICRAtisée
fait un sondage auprès d'une bonne vingtaine de
destinataires de notre envoi, aucun n'avait lu Mein
Kampf. Ils l'avaient reçu comme un calendrier et
rangé dans un coin. Les hommes ont une étrange
faculté d'aveuglement ».
Le 7 novembre 1938, un juif allemand de 17
ans réfugié à Paris, Herschel Grynzpan, abat
Ernst von Rath, secrétaire de l'ambassade d'Alle-
magne. Ce meurtre sera le prétexte aux violences
de la Nuit de cristal en Allemagne, trois jours
plus tard.
A la suite de cet événement, un nouveau flot de
réfugiés arrive en France. « Ouvrez les fron-
tières ! » titre le DDV en janvier 1939, en récla-
mant la création d'un ministère de l'immigra-
tion. Si la LICA n'obtient pas satisfaction sur ce
point - du moins pas encore - elle réussit à faire
sortir en avril 1939 le décret-loi Marchandeau,
qui introduit pour la première fois dans le droit
français la notion de « délit d'injures et de
diffamation racistes ».
Bien plus tard, en octobre 1971, le DDV pu-
bliera sous le titre « La LICA vue par les Nazis »,
un article présenté comme un hommage du vice
à la vertu, mais qui illustre assez bien ses métho-
des, déjà à cette époque-là.
78 Politiquement incorrect
Cet article commente plusieurs rapports sur la
Ligue établis par les services de renseignements
allemands pendant les années d'avant-guerre, et
s'étend longuement sur un ouvrage intitulé Un
coup porté à la paix, relatant justement 1' affajre
Grynzpan.
L'auteur de cet ouvrage, Wolfgang Diewerge
présenté comme un proche collaborateur de
Joseph Goebbels, émet à propos de la LICA le
jugement suivant: « La politique de la LICA
représente une permanente et incroyable intervention
dans la politique intérieure et extérieure .française:
vive attaque contre les décrets .français frappant les
étrangers, contre les expulsions de juifs et les restric-
tions aux droits politiques des naturalisés, vives atta-
ques contre les organisations nationalistes ».
Le DDV, qui rapporte ce jugement, conclut
son article en ces termes: « Les nazis, comme on
le voit, ont redouté la perspicacité et l'action de la
LICA bien avant la guerre » !
Cet interventionnisme incessant se voit confir-
mé par ces quelques lignes extraites d'un dossier
consacré par le DDV en août 1986 à la xénopho-
bie et à l'antisémitisme dans les années 1930 :
«A partir de 1935, les rapports de police, mais aussi
les nombreuses lettres que le président de la LICA
79 La France LICRAtisée
adresse au préfet de police de la Seine (hommage
involontaire : une note ultérieure de ces services se
plaint des démarches incessantes de la LICA en
faveur des étrangers), font état d'incidents graves
provoqués par les: membres de mouvemens: d'extrême
droite dans différents quartiers de la capitale ».
Le DDV omet de préciser à ce propos ce qu'il
souligne avec fierté en bien d'autres circons-
tances, à savoir que la LICA, qui avait elle-même
créé des groupes d'auto-défense, n'hésitait pas à
donner largement et brutalement la réplique aux
« fascistes », et que les violences étaient très lar-
gement partagées.
Que se passe-t-il en Union soviétique pen-
dant ces années d'avant-guerre?
Dès sa création, la LICA a choisi son ennemi,
qui se trouve être le même que celui des com-
munistes : le fascisme, qui devient le mal absolu.
Et qui va le rester, même quand le fascisme
proprement dit ne sera plus qu'un lointain
souvenir historique. Car le mot de fasciste sert
en fait à désigner l'ennemi de la gauche, quel
qu'il soit. Contre cet ennemi, tous les moyens
- absolument tous les moyens - sont bons. On
le constate aujourd'hui encore.
80 Politiquement incorrect
Si le totalitarisme hitlérien constitue en ces
années une menace réelle, la LICA ne semble pas
s'apercevoir qu'un peu plus à l'est, dans ce qui
n'est plus la Russie mais désormais l'URSS, s'est
installé depuis deux bonnes décennies un régime
qui n'a rien à lui envier sous l'angle de la terreur
et du mépris des droits de l'être humain.
Mais il est vrai que le nazisme s'attaque prio-
ritairement aux juifs, et même le revendique,
tandis que le communisme choisit, lui, d'autres
victimes. Tuer au nom de la race est une abomi-
nation. Tuer au nom de la révolution mondiale
est (presque) permis.
André Malraux, gaulliste de gauche, écrira à
cet égard une phrase extraordinaire qui illustre
parfaitement la coupable indulgence dont bé-
néficiera toujours un régime sanglant sous pré-
texte qu'il prétendait œuvrer pour le progrès
social : « Le communisme en URSS n'a pas sup-
primé la souffrance, mais il lui a donné un sens ».
Un sens qui a certainement échappé à ses dizai-
nes de millions de victimes. . .
C'est l'époque aussi où le poète communiste
Louis Aragon, tant admiré des intellectuels,
chante le « romantisme » bolchevique, dont il
n'aura pas, lui, à souffrir :
8 1 La France LICRAtisée
« Pour l'anéantissement de cette bourgeoisie,
L'éclat des fusillades ajoute au paysage
Une gaieté jusqu'alors inconnue :
Ce sont des ingénieurs et des médecins qu'on
exécute »
Le régime soviétique ne sera donc finalement
critiqué - mais jamais réellement condamné
pour ses crimes, encore moins diabolisé comme
le seront le nazisme et le régime de Vichy - que
des années plus tard, dans un contexte politique
particulier. Lorsque l'URSS manifestera son
s
hostilité à l'égard de l'Etat d'Israël et s'opposera
à l'émigration des juifs russes.
Pourtant, comme on l'a vu, dès les premières
années du nouveau régime, terreur, purges, gou-
lags, déportations, sont érigés en système de gou-
vernement. Les victimes se compteront - bien
plus tard, et plutôt discrètement - par dizaines
de millions.
A la mort de Lénine, en 1924, une lutte sans
s
merci se livre au sommet de l'Etat pour le
pouvoir. Staline en sort vainqueur et réussit à
évincer Trotsky qui est banni d'URSS en 1929.
L'un des principaux artisans de la terreur bol-
chevique se voit ravalé au rang de vulgaire
contre-révolutionnaire .
82 Politiquement incorrect
Un certain nombre de dirigeants juifs de la
première heure sont éliminés en même temps
que Trotski, mais pas le beau-frère de Staline,
Lazare Kaganovitch, qui cumule plusieurs fonc-
tions faisant de lui le maître du pays en second.
The Jewish Post de Londres ne s'y trompe pas,
qui écrit en date du 27 juin 1933 : « Pratique-
ment, Kaganovitch et Staline détiennent le pouvoir
dans ce pays gigantesque qui couvre la sixième
partie du globe et a une population de 160 mil-
lions d'habitants ».
Mais si les têtes changent, la situation de la
population russe ne s'améliore pas.
Le génocide ukrainien
L'Ukraine, décidément région martyre, va être
le théâtre principal, durant ces années d'avant-
guerre, d'un épouvantable crime contre l'huma-
nité qui disparaîtra promptement dans un trou noir
de l'histoire.
Malgré les guerres, elle reste une région agri-
cole riche et sa population continue à manifester
un vif esprit d'indépendance, que le pouvoir va
s'employer à briser. En représailles contre la
résistance des populations paysannes à la collec-
tivisation forcée, le régime bolchevique organise
83 La France LICRAtisée
délibérément une abominable famine en 1932-
1933. Cette famine provoquée touchera princi-
palement l'Ukraine, mais sévira aussi dans le
Caucase du nord et dans le Kazakhstan.
Pour accomplir ce forfait, qui sera toujours nié
par le pouvoir, Staline envoie sur place les commis-
saires Viatcheslav Molotov et Lazare Kaganovitch
ainsi que Genrikh Yagoda, chef de la tchéka. Leur
mission est « d'accélérer les collectes » et d'em-
pêcher à tout prix les paysans de fuir vers les villes.
Plus de six millions de personnes, dont envi-
ron deux millions d'enfants, vont mourir de
faim, ainsi que du typhus, durant cette famine
sciemment organisée par le pouvoir bolchevique.
Le cannibalisme réapparaîtra. Des affiches re-
présentant une femme et son enfant, sous le slo-
gan « Manger son enfant est un acte barbare »,
seront placardées.
Pendant ces deux années où il affame volon-
tairement toute une population, le gouverne-
ment des soviets exportera à l'étranger dix-huit
millions de quintaux de blé. Cette tragédie est
connue en Europe occidentale. Des journaux
publient des témoignages de rescapés, et des voix
s'élèvent pour dénoncer cette barbarie. Mais
Edouard Herriot^ souhaite mener, en sa qua-
84 Politiquement incorrect
lité de président du Conseil - jusqu'en décembre
1932 - une politique de rapprochement avec
l'Union soviétique. Ces révélations sont gênan-
tes. Il convient d'effacer cette mauvaise impres-
sion par un témoignage incontestable : le sien.
Devenu en février 1933 président de la com-
mission des affaires étrangères à l'Assemblée
nationale, il se rend donc en Ukraine en août
1933, accompagné de la journaliste Geneviève
Tabouis. Et fait à son retour cette déclaration
historique : « J'ai traversé l'Ukraine. Eh bien! je
vous affirme que je l'ai vue tel un jardin en plein
rendement. On assure, me dites-vous, que cette
contrée vit à cette heure une époque attristée ? Je ne
peux parler de ce que je n'ai pas vu. Pourtant
je me suis fait conduire dans des endroits éprouvés.
Or je n'ai constaté que la prospérité... »
Toute une mise en scène destinée à lui per-
mettre de ne rien voir d'indésirable et donc de
mentir avec un semblant de vérité, a en effet été
déployée. Après tout, qu'est-ce que la vérité,
surtout en matière politique? Ne disait-il pas
lui-même : « Une vérité est un mensonge qui a
longtemps servi » ?
Ce crime gigantesque commis par les bolche-
viques est donc connu par la gauche française,
85 La France LICRAtisée
mais occulté. Seul l'antisémitisme de Hitler est,
durant le même temps, dénoncé à longueur de
colonnes dans le DDV. En 1932, alors que ce
dernier n'est pas encore chancelier, le DDV pro-
clame déjà : « La clef de l'antisémitisme est en
Allemagne et chaque voix gagnée par Hitler est une
voix gagnée par l'internationale du pogrom ».
Pour gigantesque qu'il soit, le génocide ukrai-
nien n'est cependant pas, et de loin, le seul cri-
me bolchevique. Juste avant la guerre, en 1937-
1938, neuf millions de Russes au moins sont
détenus dans les goulags ou les prisons.
L'antisémitisme d'Etat en URSS
Une loi punissant l'antisémitisme de mort est
votée par le nouveau pouvoir soviétique dès
juillet 1918. Mais si bon nombre de ses diri-
geants sont juifs, ils sont aussi athées et consi-
dèrent que le problème juif sera finalement réglé
par l'assimilation. Dans leur esprit, toutes les
particularités - et notamment les religions - doi-
vent être impitoyablement éliminées pour faire
place à l'homme nouveau issu de la révolution.
Au robot voué au seul service du pouvoir.
La religion juive ne sera donc nullement
avantagée et se verra maltraitée comme les au-
86 Politiquement incorrect
très. Dès 1922, les autorités ferment synagogues
et écoles religieuses et interdisent toutes les
activités communautaires non communistes.
L'arrivée au pouvoir de Staline va marquer une
étape supplémentaire : le début de la montée en
s
puissance d'un véritable antisémitisme d'Etat bien
pire que celui du régime tsariste. Cet antisé-
mitisme se manifestera avec éclat en 1936-1938
lors des procès de Moscou, qui s'accompagneront de
véritables hécatombes éliminant un grand nombre
de compagnons de la première heure, juifs pour la
plupart. Les juifs seront chassés des services
gouvernementaux. Des numerus clausus seront
rétablis dans les écoles. En 1939, le pacte conclu
entre Staline et Hitler conduira à la déportation,
vers l'Oural et la Sibérie, sur ordre de Staline,
600 000 juifs polonais pris dans la zone soviétique.
Peu en reviendront
La logique, l'honnêteté et le respect des droits
de l'homme constamment invoqués voudrait
donc qu'en ces années d'avant- guerre, Staline^
soit pour le moins aussi infréquentable qu'Hitler.
Et que les deux totalitarismes soient pareillement
dénoncés. Or, il n'en est rien. On ne pipe mot
à Paris, ou si peu. Il semblerait qu'on ne veuille
surtout rien voir, ni rien savoir.
87 La France LICRAtisée
Il existe pourtant bien des moyens de
connaître la situation réelle en Union soviétique,
car les contacts et les voyages sont fréquents.
Boris Souvarine, communiste de la première
heure, s'il en est, puisqu'il participe à la création
du parti communiste français en 1920, est aussi
un homme honnête, qui ne va pas tarder à
comprendre la véritable nature, perverse et
inhumaine, du régime. Il aura le grand courage
de faire son mea culpa, mais il restera bien seul
de son espèce.
De retour d'un de ses fréquents voyages à
Moscou, il essaie dès 1933 d'ouvrir les yeux de
ses contemporains. Il publie en 1935 une biogra-
phie de Staline, Staline, aperçu historique du
bolchevisme, puis en 1936 Bilan de la terreur en
URSS (faits et chiffres) où il remarque notam-
ment : « On n'aperçoit plus de limite à la sauva-
gerie déchaînée ».
En 1938, il fait paraître dans la revue La Vie
intellectuelle un texte qui définit la nature intrin-
sèque du communisme et qui na rien perdu de
son acuité : «L'URSS est le pays du mensonge, du
mensonge absolu, du mensonge intégral Staline et ses
sujets mentent toujours, a tout instant, en toute
circonstances, et à force de mentir ne savent même
88 Politiquement incorrect
plus s'ils mentent. Ils baignent dans une atmosphère
saturée de mensonge. Et quand chacun ment, per-
sonne ne ment plus en mentant. Là où tout ment,
rien ne ment (...) Unique réalité: la terreur qui
décompose les esprits et empoisonne les consciences ».
Ce n'est là qu'un court extrait d'un texte
saisissant qui développe ce thème du mensonge
sous tous ses aspects et dépeint un univers tota-
lement déshumanisé. Et nous ne sommes qu'en
1938.
Peine perdue. Socialistes et radicaux français ont
trop besoin des communistes pour garder le
pouvoir. Ils garderont donc le silence par la
même occasion.
Gare aux intellectuels qui osent les fausses
notes. Comme André Gide, par exemple, qui
sera lui aussi communiste, mais pas pendant
longtemps. Revenu d'URSS et de son aveugle-
ment, il déclare en 1936 : « Et je doute qu'en
aucun autre pays, aujourd'hui, fût-ce dans l'Alle-
magne de Hitler, l'esprit soit moins libre, plus
courbé, plus craintif, plus vassalisé ».
Seul résultat ? ses anciens « amis » s'empressent
de disqualifier son témoignage.
La LICA est bien ancrée à gauche malgré son
apolitisme proclamé. Ses dirigeants, ses compa-
89 La France LICRAtisée
gnons de route, sont pour l'essentiel des gens de
gauche, socialistes ou communistes. Même si des
dissensions peuvent apparaître ponctuellement
ici et là, ils restent tous fondamentalement du
même camp.
Solidaires dans la désignation d'un seul et même
ennemi et dans l'occultation délibérée du reste.
La seule bête immonde sera donc à jamais la bête
fasciste. Les crimes, horreurs et même persécutions
antisémites commis par le monstre communiste,
qui dureront pourtant bien plus longtemps et
feront bien plus de victimes, ne compteront pas
vraiment et n'entameront même pas la légitimité
internationale du régime. Ne verra- t-on pas, suprê-
me dérision, l'Union soviétique se faire procureur au
Tribunal de Nuremberg ?
Ce négationnisme dure depuis des décennies.
Il empoisonne aujourd'hui encore en France le
non-débat politique.
Il est la démonstration éclatante du triomphe
culturel de la gauche.
Les années de guerre et d'après-guerre
La guerre voit évidemment la dispersion des
militants de la LICA. Fuites, arrestations, incar-
cérations, évasions, sont le lot qu'ils partagent
90 Politiquement incorrect
avec bien d'autres Français. De nombreux li-
gueurs rejoignent divers réseaux de résistance.
Moscou espère toujours ardemment voir écla-
ter une guerre civile en France. D'où un climat
d'attentats et d'activisme insurrectionnel entre-
tenu dans le pays par le parti communiste, qui
invente à cette occasion la légende du parti des
75 000 fusillés. Alors qu'il est avéré qu'il y a eu
en tout et pour tout 29 000 Français fusillés
pendant l'Occupation, couvrant de surcroît tout
l'éventail des sensibilités politiques, de l'extrême
droite à l'extrême gauche.
Notre pays a jeté un voile pudique sur l'été
1944. Pourtant, une épuration sauvage va se
déchaîner, à côté de l'épuration légale, extrême-
ment active elle aussi. Une violence proprement
révolutionnaire, menée principalement par les
communistes, auxquels De Gaulle s'est allié
C'est l'occasion en or de liquider les adversaires,
de s'emparer des leviers du pouvoir. A partir de
ce moment-là, l'emprise des communistes sur la
vie du pays sera très lourde. En septembre 1944
le Comité national des écrivains (CNE), qu'ils
contrôlent, interdit à 160 écrivains et journa-
listes d'exercer leur profession. Encore ceux-là
peuvent-ils s'estimer heureux car de nombreux
9 1 La France LICRAtisée
autres journalistes et écrivains sont purement et
simplement fusillés ou emprisonnés.
Le terrorisme intellectuel a visée idéologique
plonge là ses racines.
Et encore, d'aucun trouveront que la «puri-
fication » n'a pas été suffisante. Lors d'une réu-
nion de la LICA en janvier 1950, le député
socialiste Daniel Mayer aura ces mots à propos
de l'épuration : « Il y eut beaucoup de crânes
tondus, mais pas assez de têtes coupées ». Daniel
Mayer présidera la Ligue des Droits de l'Homme
de 1958 à 1975. Il sera nommé à la tête du
Conseil constitutionnel en 1983 par François
Mitterrand, ce qui donnera à Jean Pierre-Bloch,
président de la LICRA, l'occasion de décla-
rer : « Tous ceux qui le connaissent, amis politiques
ou adversaires, se réjouiront de la nomination d'un
homme qui ne connaît pas le sectarisme ».
Les excès de l'épuration vont conduire les plus
sensés à appeler à la réconciliation des Français et
même à demander, notamment en 1948, la libéra-
tion de Philippe Pétain. Cette réconciliation sera
refusée. La LICA, notamment, réagira très vigou-
reusement et s'opposera dès cet instant à toute
tentative de réhabilitation des responsables, à
quelque niveau que ce soit, du régime de Vichy.
92 Politiquement incorrect
Son veto formel ne fera que se durcir au cours
des années, jusqu'à aboutir, à l'heure actuelle, à
un tabou complet jeté sur cette période com-
plexe de notre histoire.
La LICA inaugure également, en ces années
d'après-guerre, son combat de tous les instants
contre le révisionnisme. Le premier ouvrage à
classer dans cette catégorie est en effet publié en
1950 par Paul Rassinier, ancien communiste et
ancien déporté lui-même. Il s'agit du livre Le
mensonge d'ulysse.
La shoah
et le soutien inconditionnel à Israël
Deux événements majeurs se produisent
durant la décennie 1940-1950. Tous deux seront
déterminants pour l'action future de la LICRA.
Il s'agit tout d'abord de la tentative d'exter-
mination des juifs par le régime hitlérien, événe-
ment qui sera par la suite appelé holocauste, puis
shoah. Et de sa conséquence historique et poli-
s
tique directe, la création de l'Etat d'Israël.
Les effets de ces deux événements se font tou-
jours sentir avec acuité.
L'ensemble du monde occidental est coupable
Il est clair que le monde occidental, tout
entier engagé dans une guerre meurtrière, ne
s'était pas particulièrement mobilisé pour secou-
rir les juifs d'Europe persécutés par les nazis. Les
archives s'ouvrant, il devient difficile de nier que
les puissance alliées, Etats-Unis et Grande-
Bretagne en tête, connaissaient à très haut niveau
94 Politiquement incorrect
l'existence des camps d'extermination et des
massacres à l'est, mais que, pour des raisons di-
verses, elles s'étaient abstenues d'intervenir.
La Croix-Rouge internationale, de son côté,
n'avait pas fait preuve de beaucoup de diligence
ni de curiosité. Elle sera amenée des années plus
tard à le reconnaître publiquement.
Certes, le président américain Théodore
Roosevelt avait bien convoqué en juillet 1938 à
Evian une conférence internationale sur les
réfugiés, afin de leur trouver des pays d'accueil,
en dehors du sien, naturellement. Mais la confé-
rence s'était terminée sur un échec. Les trente-
s
deux Etats participants, parfaitement au courant
des persécutions nazies et les condamnant verba-
lement, dans de grands discours emplis de com-
passion, s'étaient pourtant bien gardés d'accueil-
lir sur leur territoire les trop nombreux réfugiés
qui auraient inévitablement afflué d'Allemagne
et d'Autriche.
Le New York Herald Tribune pouvait donc titrer
dès le 8 juillet : « 650 000 exilés juifs refusés par tous
à Evian », et la presse allemande ironisait : « Juifs
à céder à céder à bas prix. Qui en veut ? Personne ».
En mars 1970, le DDV parle longuement d'un
livre « cruel » qu'il qualifie cependant d'apport
95 La France LICRAtisée
fondamental à l'étude du nazisme, Il s'agit de La
diplomatie du Ille Reich et les Juifs 1933-1939,
d'Eliahu Ben Elissard, que le journal commente
en ces termes :
« On y voit en effet que les intentions du Fuhrer
étaient bien sûr de se débarrasser des juifs, mais
plutôt en les expulsant qu'en les exterminant, d'où
de multiples tentatives pour obliger les démocraties à
accepter d'importants transferts de juifs d'Allemagne.
On pensa d'abord à la Palestine où de 1933 à
1939 émigrèrent 50 000 Israélites, mais cette solu-
tion fut considérablement limitée par la Grande-
Bretagne à partir de 1937. Quant aux Etats-Unis,
l'auteur démontre qu'ils auraient pu accueillir un
million de juifs supplémentaires sans pour cela
transgresser les lois sur l'immigration ».
Les années passant, la culpabilité débordera
même le monde occidental pour s'étendre à l'hu-
manité toute entière. En 1978, l'écrivain André
Néher publie un essai intitulé Le dur bonheur
d'être juifs, qui sera largement commenté par le
DDV, essai dans lequel il exprime cette idée de
culpabilité de toute l'humanité, qui sera reprise
sous bien d'autres formes par la suite :
« Auschwitz, c'est l'échec de Dieu qui a voulu
que Vhomme fût libre. Mais l'homme a mésusé de
96 Politiquement incorrect
sa liberté. La conséquence, c'est qu'il y a eu rupture
définitive entre les juifs et l'humanité. La majorité
de l'humanité a trahi. "Imaginez une grève géné-
rale de tous les médecins, de toutes les infirmières,
de tous les techniciens des appareils thérapeutiques :
ce serait la mort instantanée de millions de mala-
des. C'est ce qui est arrivé à Auschwitz" ': Une grève
générale de toute la civilisation ».
Il est évident que dans ce contexte, l'Améri-
que, pas plus que les autres pays, n'échappera à
la culpabilité. Bien au contraire. En mars 1987,
Le Droit de Vivre s'interroge sur une pleine
page : « Pourquoi l'Amérique avait-elle abandonné
les juifs d'Europe ? ». Cette interrogation survient
à l'occasion de la sortie du livre, qualifié d'ex-
plosif, de l'historien américain David S. Wy-
man L'abandon des juifs - les Américains et la
solution finale. Un ouvrage d'autant plus inté-
ressant qu'à cette date, de nouvelles archives
viennent d être ouvertes.
Le DDV commente en ces termes les travaux
de David Wyman : « Par antisémitisme, les Amé-
ricains ont longtemps refusé de laisser entrer
librement les juifs ; par esprit bureaucratique, ils
ont sciemment saboté des plans de sauvetage sous
prétexte qu'Hitler aurait pu les gêner en leur
97 La France LICRAtisée
livrant non pas quelques-uns, mais tous les juifs,
des grandes questions, sinon la principale, qui
paraît en effet est celle-ci: "Si Hitler nous les
donne, qu'en fait-on ? N'importe où, mais pas chez
nous ": Ni les Américains, ni les Anglais ne veulent
des juifs chez eux et la seule solution envisageable,
la Palestine, est exclue ».
Il ressort également de ce livre, toujours selon
l'analyse du DDV, que : « Les organisations juives
américaines essayaient d'agir, d'alerter l'opinion mais,
divisées sur le problème du sionisme, gênées par leurs
rivalités internes, elles n'ont guère été efficaces. Les
juifs américains craignaient aussi d'envenimer le
climat d'antisémitisme aigu régnant aux Etats- Unis
dans les années trente (climat qu'on découvre avec
stupeur dans ce livre) et ils ont capitulé ».
Ainsi donc, il régnait un climat d'antisémitisme
s
aigu aux Etats-Unis dans les années trente ? Pour
quelle raison ? On apprend par ailleurs avec
étonnement que : « Quant aux médias, en parti-
culier la presse, ils donnaient le minimum de place,
sinon aucune, à ces informations, y compris dans
les grands journaux appartenant à des juifs(le
New York Times, par exemple) ».
En 1993, le DDV commente divers livres
récents parus sur la shoah, notamment Hitler et
98 Politiquement incorrect
les juifs - Genèse d'un génocide de Philippe Bur-
rin, et là encore, revient sur cette éternelle culpa-
bilité :
« Une lacune considérable subsiste dans l'étude
de Burrin : la passivité des démocraties occiden-
tales, du pape et d'autres soi-disant "forces morales"
et "spirituelles" devant les atrocités antisémites.
C'est cette passivité, cette connivence, cette compli-
cité qui ont encouragé Hitler après 1933, et permis
la promulgation des lois anti-juives, l'ouverture des
camps de concentration, les exécutions en masse
Sonderkommandos opérant sur les arrières et avec
la collaboration de la Wehrmacht.
On se souviendra que les démocraties étaient au
courant de ce qui se commettait à Auschwitz, mais
ont refusé d'intervenir, même quand elles en ont été
mises en demeure par les institutions juives.
C'est cette complicité qui a sans doute constitué
la cause primordiale du passage à l'acte d'Hitler ».
L'Etat d'Israël apparaît comme une compen-
sation
La guerre finie, les problèmes des juifs
n'étaient pas terminés pour autant. Les survi-
vants des camps, un demi-million de personnes
environ, se voyaient rejetés, parqués dans des
99 La France LICRAtisée
camps de personnes déplacées et ballottés de
s
pays en pays. Les Etats-Unis, favorables a l'ins-
tallation des juifs en Palestine, avaient refusé
d'augmenter leurs propres quotas d'immigration
pour les réfugiés européens. A titre d'exemple,
seuls 4 767 survivants avaient été admis sur leur
territoire durant les huit premiers mois de 1946.
Les Anglais, quant à eux, redoutant les réac-
tions arabes, limitaient toujours strictement l'im-
migration en direction du foyer juif de Palestine,
alors sous leur contrôle.
C'est dans ce contexte que se place l'odyssée
de l'Exodus, bateau transportant 4 500 juifs vers
la Palestine, qui furent finalement honteusement
refoulés et débarqués de force après de nombreu-
ses péripéties à Hambourg, en 1947, par les
paras anglais.
Bref, deux ans après la fin de la guerre, aucune
solution n'avait encore été trouvée au problème
des réfugiés juifs qui souhaitaient massivement
quitter l'Europe et recommencer leur vie en
Palestine.
Jusque-là, le sionisme - ou retour des juifs sur la
terre d'Israël - ne faisait pas vraiment recette. Après
la dispersion, aux temps bibliques, n'étaient restées
en Palestine que de petites communautés juives qui
100 Politiquement incorrect
avaient survécu. Les premières vagues d'immigrants
étaient arrivées de Russie vers la fin du XIX e siècle,
à la suite des pogroms, puis en 1905, à la suite de
l'échec de la première révolution russe. Eux avaient
été, véritablement, les premiers pionniers. Mais leur
nombre était encore bien insuffisant aux yeux des
sionistes, dont certains allaient jusqu'à espérer le
retour de tous les juifs du monde sur la terre-mère.
Il est vrai que les conditions de vie dans le foyer
juif de Palestine installé en 1917 par les Britan-
niques étaient très difficiles. Ce qui conduisait les
candidats à l'émigration à choisir prioritairement
s
les Etats-Unis et l'Europe occidentale.
Mais à l'issue de la seconde guerre mondiale,
la situation est totalement différente. Cette fois,
un grand nombre de survivants veulent à tout
prix fuir l'Europe des mauvais souvenirs et
rejoindre la Palestine coûte que coûte.
La solution que les occidentaux vont trouver
pour sortir de l'impasse et offrir une compensation à
cette population sans abri sera le partage
de la Palestine, événement historique majeur
Une solution en forme de poudrière, toujours
menaçante soixante ans plus tard.
Le partage sera voté de justesse - avec pressions
et menaces - en novembre 1947 par l'ONU
101 La France LICRAtisée
S
nouvellement créée. L'Etat d'Israël proprement dit
voit le jour l'année suivante, en mai 1948. Ce
vote mémorable imposera aux arabes palestiniens,
qui représentaient alors 92% de la population
totale de la Palestine, de partager leur territoire
avec les juifs venus d'Europe.
Ceux-ci revenaient sur une terre qu'ils avaient
quittée depuis les temps bibliques et qu'ils con-
sidéraient comme leur appartenant de plein
droit.
Les palestiniens s'estimaient lésés et punis pour
un crime commis par les nations occidentales.
Le dernier soldat anglais parti, un conflit qu'il
était facile de prévoir éclata immédiatement et
n'a jamais cessé depuis lors.
La shoah, pièce maîtresse du soutien à Israël
Aussi étonnant que cela puisse paraître aujour-
d'hui, la tentative d'extermination des juifs par
le III e Reich est, immédiatement après la guerre,
pratiquement passée sous silence.
Le monde entier se trouve knock-out après
une guerre terrifiante qui a fait cinquante mil-
lions de morts, dont dix- sept millions de Sovié-
ques et neuf millions d'Allemands. Le malheur
juif, même aux yeux des survivants des camps,
102 Politiquement incorrect
n'apparaît alors que comme l'un des malheurs de
cette période de fer et de sang.
Les organisations juives de par le monde n'ont
pas encore pris la mesure de l'extraordinaire
levier qu'elles détiennent et de l'usage qui pourra
en être fait.
Cette situation va considérablement évoluer
par la suite, car la diaspora - l'ensemble des juifs
dispersés dans le monde - va devoir soutenir
l'Etat d'Israël, en butte à l'hostilité du monde
arabe. La guerre des Six Jours^, en juin 1967,
constitue à cet égard un puissant révélateur, à la
fois pour la diaspora et le reste du monde. La
communauté juive mondiale considérera que
lors de ce conflit avec les pays arabes, Israël au-
rait bel et bien pu disparaître. Devant cette me-
nace, les juifs dans leur ensemble vont redoubler
de solidarité et de vigilance.
s
Cependant, pour que l'Etat hébreu vive
et se développe, les efforts de la diaspora ne suffisent
pas. Il faut aussi que les puissances occidentales,
qui ont permis sa naissance parce qu'elles se
sentaient coupables, continuent également à le
soutenir. Il est donc vital pour Israël que le
sentiment général de culpabilité qui a abouti à
sa création ne faiblisse pas, car il est en grande
103 La France LICRAtisée
partie le garant de sa survie. Ce sentiment sera
par conséquent entretenu sans relâche.
C'est à partir de ce moment-là, et dans ce
contexte particulier, que la shoah va prendre au
fil des années une importance nouvelle et mon-
ter régulièrement en puissance. Son évocation et
sa commémoration vont s'amplifier de plus en
plus, à mesure que l'on s'éloignera de l'événe-
ment proprement dit.
La shoah va finir par devenir la pièce maîtresse
de la stratégie de soutien des organisations juives
à Israël. Pour des raisons évidentes, elle va cesser
d'être l'affaire des seuls juifs pour devenir celle
de toute l'humanité. De toute une humanité
coupable de la shoah, et ayant contracté à ce
titre une dette inexpiable à l'égard des juifs.
Dans ces conditions, il est clair que toute
contestation ou même toute comparaison avec
d'autres épisodes sanglants de l'histoire de l'hu-
manité, qui pourtant n'en manque pas, ne sont
pas tolérables car elles portent atteinte au carac-
tère unique et même « sacrificiel » que la shoah
doit obligatoirement revêtir.
Quitte à prendre l'une ou l'autre liberté avec
la vérité comme le démontre l'exemple ci-après.
104 Politiquement incorrect
Le nombre des victimes d'Auschwitz
En mars 1970, Le Droit de Vivre dénonce
« une odieuse imposture » : « Selon Varsovie, il n 'y
avait pas de Juifs à Auschwitz ! ». Les autorités
polonaises sont accusées de vouloir « récupérer »
Auschwitz pour en faire un drame exclusivement
polonais et en évacuer la spécificité juive. Trois
ans plus tôt, en avril 1967, un monument dédié
à la mémoire des victimes avait été inauguré. Il
portait - et il portera jusqu'en avril 1990 - une
plaque sur laquelle on pouvait lire : « Ici, de
1940 à 1945, 4 millions d'hommes, de femmes et
d'enfants ont été torturés et assassinés par les meur-
triers hitlériens ».
La plaque ne faisait pas expressément mention
de victimes juives, mais, précise Le Droit de
Vivre : « Ce jour-là, 200 000 personnes s 'étaient ras-
semblées, venues de quinze pays d'Europe, d'Israël et
des Etats-Unis pour témoigner de leur fidélité à la
mémoire des suppliciés et de tous ceux qui avaient
été exterminés dans les divers camps de la mort. Sur
les quatre millions d'êtres humains tués à Auschwitz,
des documents irréfutables reconnaissent que plus de
trois millions étaient juifs ».
Or cet article est daté de mars 1970 et à cette
date, les historiens occidentaux savent pertinem-
105 La France LICRAtisée
ment que ces chiffres sont faux. En 1961, déjà,
Raul Hilberg, dans son Bilan de la destruction des
juifs d'Europe, estimait à 5,1 millions le nombre
total des victimes juives de la shoah, dont 1 mil-
lion pour Auschwitz.
L'estimation la plus récente et la plus fouillée
du nombre des victimes du camp nazi est celle
de Franciszek Piper, directeur du département
d'histoire du musée d' Auschwitz. Elle date de
1994, confirmée en 1998, et donne le chiffre
d'un minimum de 1,1 million et d'un maximum
de 1,5 million de personnes tuées à Auschwitz,
dont 90 % de juifs.
A ce niveau d'horreur, est-il besoin d'en rajou-
ter ?
Depuis 1995, une nouvelle plaque est apposée
dans le camp d'extermination, sur laquelle on
peut lire cette fois : « Que ce lieu où les nazis ont
assassiné un million et demi d'hommes, de femmes
et d'enfants, en majorité des Juifs de divers pays
d'Europe, soit à jamais pour l'humanité un cri de
désespoir et un avertissement ».
106 Politiquement incorrect
Le devoir de mémoire, sans cesse recommencé
Pour remplir le rôle spécifique qui lui est
assigné, la shoah doit demeurer hors d'atteinte
de toute évaluation critique, échapper à toute
recherche contradictoire. De la même façon,
toute contestation, toute critique à l'égard
d'Israël, menacent un équilibre soigneusement
élaboré et doivent être étouffées dans l'œuf.
En 1975 paraît un livre d'Israël Shahak, pro-
fesseur à l'université hébraïque de Jérusalem
intitulé Le racisme de l'État d'Israël qui dénonce
les tortures, les destructions de villages, la répres-
sion, etc. qui seraient perpétrées par l'armée
israélienne à l'encontre des palestiniens.
Le livre, paru aux éditions Guy Authier dans
la collection Vérités dirigée par Michel Rachline,
déclenche le scandale que l'on peut imaginer, et
la LICRA en particulier, se déchaîne.
Sous le titre « Un peu de pudeur, MX... », le
DDV parle d'un livre « infâme », rempli de
« contre-vérités insensées » et poursuit : « Pour
nous, le scandale n'a pas été d'entendre vanter sur
les ondes les mérites de l'auteur car nous sommes
suffisamment tolérants pour écouter des commen-
taires qui ne nous plaisent pas. Le scandale se situe
au niveau du personnage qui apportait sa caution
107 La France LICRAtisée
à ce livre. En mémoire de son père qui fut un mili-
tant actif et exemplaire de la LICA et un résistant
de la première heure nous tairons son nom.
S'il se reconnaît dans ces lignes qu'il sache que
nous le méprisons d'autant plus qu'il n'a pas la
décence de se rappeler que son père que nous conti-
nuons, nous, à aimer, a vécu en homme de bien et
respecté de tous pour ses convictions antiracistes et
son attachement à Israël ».
On peut admirer dans cette réaction l'esprit
parfaitement sectaire d'une association qui n'ad-
met, malgré ses dires, aucune opinion divergente
et qui considère apparemment que les convic-
tions du père doivent se transmettre telles quelles
au fils comme un dépôt sacré.
Pour lever un suspense insoutenable, précisons
que M. X.., autrement dit « le personnage qui
apportait sa caution à ce livre », était justement
Michel Rachline, éditeur et écrivain, fils de Laza-
re Rachline, dit Lucien Rachet soutien de la
première heure de la LICA.
Michel Rachline, qui se qualifie de «juif
libre » encourra les foudres de la LICRA en bien
d'autres occasions.
En 1981, un Rassemblement mondial des
survivants juifs de l'holocauste auquel le DDV
108 Politiquement incorrect
donne un très large écho, est organisé en Israël,
ses objectifs sont parfaitement clairs : «Au-delà
des émouvantes retrouvailles qui ne manqueront
pas de se produire entre ces hommes, ces femmes
qui ont traversé ensemble les pires épreuves que la
barbarie humaine ait jamais imaginées, la portée
historique de cet ultime témoignage est immense. Il
entend rappeler au monde la signification de
l'Holocauste et réaffirmer que celui-ci ne devra être
ni oublié, ni falsifié ».
Le Rassemblement réunit pour la première
- et la dernière fois - douze mille anciens dépor-
tés, pour moitié vivant en Israël et pour moitié
venant de vingt-trois pays.
Pour donner une idée de l'importance de
l'événement, disons que la délégation française
comptait à elle seule plus de trois cents partici-
pants, dont René Sirat, grand rabbin de France,
Simone Veil, Serge Klarsfeld, Georges Wellers
C'était, numériquement, la plus importante
après les Israéliens et les Américains venus,
à 3 200 !
De son côté, la LICRA ne fait pas mystère de
cette culpabilité qu'il faut entretenir sans relâche.
Elle l'exprime à plusieurs reprises et notamment en
février 1985 à l'occasion du 40 e anniversaire de la
109 La France LICRAtisée
libération du camp d'Auschwitz : « ...Il faut en
dégager les leçons, mettre en lumière le martyrologe
juif et la passivité du monde libre ; il faut rappeler
au monde civilisé la dette encourue envers le peuple
juif et dénoncer tous ceux qui, à nouveau, suscitent
et alimentent la haine raciste et antisémite »
L'affaire Kurt Waldheim
Au milieu des années 80 se situe une affaire
emblématique de la puissance du Congrès Juif
Mondial (CMJ) et de sa capacité à peser sur la
politique, même européenne. Cette affaire trou-
ve, elle aussi, sa place dans la stratégie visant à
maintenir la shoah au cœur des préoccupations
des Européens et à contrecarrer le révisionnisme.
C'est d'ailleurs le président du CMJ depuis
1981, le milliardaire américain Edgar Bronfman,
qui l'affirmera sans complexe dans son auto-
biographie The making of a Jew, qui paraîtra en
1996. Et qui se félicitera de la formidable publi-
cité faite ainsi au CMJ.
Kurt Waldheim est ministre des affaires étran-
gères d'Autriche de 1968 à 1970, puis secrétaire
général des Nations Unies de 1972 à 1981 011 .
C'est donc un homme politique d'envergure qui
se présente à la présidence de son pays, l'Autri-
110 Politiquement incorrect
che, en 1986. C'est à ce moment-là qu'éclate
l'affaire qui va dorénavant le poursuivre sans
relâche. Elle démarre en Autriche où les socia-
listes, qui occupaient la présidence autrichienne
presque sans discontinuer depuis la fin de la
guerre, s'inquiètent. Kurt Waldheim est un
concurrent redoutable. Une campagne à base de
rumeurs sur son supposé passé nazi démarre.
Mais elle ne rencontre aucun écho en Autriche
Il faut faire plus et mieux, et orchestrer la cam-
pagne depuis l'étranger. Le CJM va prendre les
choses en mains. Cette fois-ci, c'est une in-
croyable campagne de haine et de contre-vérités
qui déferle, sur la base d'une photo représentant
Kurt Waldheim en uniforme de la Wehrmacht^
sur l'aérodrome de Podgorica au Monténégro, en
compagnie d'un général S S et d'un commandant
italien. Le New York Times prend la tête des opé-
rations médiatiques. Tout sera tenté pour ef-
frayer les Autrichiens et les inciter à renoncer à
voter pour Waldheim.
Mais Béate Klarsfeld aura beau mener camp-
pagne contre lui en Autriche, c'est l'effet inverse
qui se produit. Loin de se laisser intimider, les
Autrichiens élisent Waldheim avec un score
excellent. La « militante exemplaire » de la LICRA
111 La France LICRAtisée
ira, le jour de l'investiture du nouveau président,
déployer une banderole portant ces mots: « Non
au président criminel de guerre », Sous le titre
L'honneur perdu de l'Autriche », le DDV consacre
une page entière à l'élection de Kurt Waldheim et
donne la parole à « un juif de Vienne, M Léon
Zelman, rescapé d'Auschwitz, jusque-là chargé des
relations extérieures de la communauté juive, qui
résume le drame.. « Nous n'en avons pas encore fini
avec Hitler. Il nous extermine pour la deuxième fois.
Il a tenté de nous éliminer physiquement, et il veut
désormais nous faire disparaître moralement ».
Cette victoire ne marque cependant pas la fin
des ennuis de Waldheim, mais bien plutôt leur
commencement. Prétendant détenir des preuves,
qui ne seront jamais divulguées, le CJM obtient
dès l'année suivante des autorités américaines que
le président autrichien soit inscrit sur la liste des
s
personnes indésirables aux Etats-Unis, ce qui équi-
vaut a un verdict de culpabilité. Du coup, pour ne
pas indiposer les Américains - ou le CJM - il est
mis en quarantaine à peu près partout. Parmi les
rares responsables qui auront le courage de le
recevoir officiellement, malgré les pressions et les
critiques virulentes, figurent le pape Jean-Paul II et
le chancelier allemand Helmut Kohi.
112 Politiquement incorrect
Kurt Waldheim terminera son mandat en
1992 dans l'isolement et presque le déshonneur.
Le 27 avril 2001, les dossiers de la CIA sur les
présumés criminels de guerre nazis seront rendus
publics. Le dossier constitué sur Kurt Waldheim
en 1972 lorsqu'il devint Secrétaire Général des
Nations Unies ne contenait aucun élément
défavorable.
En fait, au-delà du cas Waldheim, c'était l'Au-
triche entière qui était coupable, et qu'il fallait
mettre en quarantaine, car elle avait le grand tort
de n'avoir jamais fait repentance, elle. Contrai-
rement à l'Allemagne.
Les élections d'avril 2000 seront l'occasion de
faire resurgir une nouvelle fois cette culpabilité.
Cette année-là, coup de tonnerre ! Les électeurs
autrichiens font entrer « l'extrême droite » de
Jôrg Haider au gouvernement. C'est aussitôt le
délire dans les rangs fournis des bien-pensants de
tous bords, et comme entre les deux tours de
l'élection présidentielle française de 2002, un
nombre incalculable de sottises et de contre-
vérités seront proférées. Sans compter les insultes
qui accableront les Autrichiens.
Sous la plume de Philippe Benassaya, on
pourra lire dans le DDV ces propos condescen-
113 La France LICRAtisée
dants : « Ce petit pays, reliquat d'un empire
englouti dans lequel cohabitaient des dizaines de
nationalités, ne se fait pas à l'idée de ne plus comp-
ter dans le concert des nations, comme on disait
autrefois. Il est certain que de passer de Sissi à
Haider... le choc est rude. En outre, et c'est là le
plus grave, l'Autriche est passée entre les gouttes du
devoir et du travail de mémoire. Comment oublier
l'affaire Waldheim ? Incontestablement, ce petit
pays n'a pas procédé à un véritable examen de son
passé, de son histoire, de sa mémoire. Il devrait
prendre exemple sur son grand voisin allemand...»
Le président de la LICRA, Patrick Gaubert,
adressera au Parlement européen ainsi qu'aux
présidents des pays membres de l'Union
européenne un courrier les incitant à la plus
grande fermeté à l'égard d'un pays aussi cou-
pable : « Le devoir de l'Europe entière doit être de
mettre l'Autriche en dehors de l'Europe ».
Mais revenons aux débuts de l'affaire Wald-
heim. Il est clair qu'elle constitue également un
avertissement de nature à faire réfléchir les autres
dirigeants des pays européens. Qui ne brilleront,
comme à l'accoutumée, ni par leur solidarité ni
par leur courage... C'est qu'ils ne tiennent pas à
se retrouver, eux aussi, d'une manière ou d'une
114 Politiquement incorrect
autre, sur la sellette, comme leur collègue autri-
chien.
Mieux vaut donc relayer le message correct.
Jacques Chirac, alors premier ministre, se rend
en Israël en novembre 1987 et déclare devant la
Knesset :
« La passivité dont a fait preuve l'occident voici
près d'un demi-siècle justifie qu'aujourd'hui nous
soyons attentifs et résolus à tuer dans le germe les
signes, quels qu'ils soient, où qu'ils soient, de la
violence, du racisme, de l'antisémitisme. La mé-
moire si douloureuse d'Israël est devenue la nôtre ».
L'année suivante, en 1988, l'organisation d'un
grand événement permettra de stimuler à nou-
veau une mémoire qu'il ne faut surtout pas
laisser faiblir, car elle est source d'influence, pour ne pas
dire de pouvoir. Le magnat de la presse
britannique Robert Maxwell, lui-même né dans
une famille juive de Tchécoslovaquie, fait orga-
niser à Oxford, par son épouse, Elizabeth
Maxwell, un gigantesque Colloque intitulé « Se
souvenir pour l'avenir ».
Cinq cents universitaires de haut niveau - his-
toriens, juristes, théologiens, psychologues, etc-
de vingt-quatre pays, se réuniront pour débattre
d'un sujet unique : la shoah. L'ambition avouée
115 La France LICRAtisée
est « d'ouvrir les voies pour que la shoah reste pour
le monde un sujet perpétuel d'enseignement et de
réflexion ».
Le colloque va permettre l'élaboration d'une
nouvelle image de la shoah qui sera imposée au
monde entier: désormais, l'accent sera mis sur son
caractère absolument unique dans l'histoire de
l'humanité et, par conséquent, sur son « mystère ».
L'un des participants, français et membre de la
LICRA, ira jusqu'à dire : « La shoah est un évé-
nement historique, mais elle n'est pas à la portée
des historiens ».
A l'occasion de ce colloque, le DDV consa-
crera d'ailleurs une page entière aux différentes
écoles d'historiens face à la shoah : il y a les
intentionnalistes, qui considèrent que l'extermi-
nation des juifs était programmée dès la publi-
cation de Mein Kampf en 1924 ; les fonction-
nantes, « extrêmement dangereux » aux yeux du
DDV, qui considèrent que les nazis ont fini par
exterminer les juifs parce qu'ils n'arrivaient pas à
s'en débarrasser autrement ; les relativistes, enfin,
qui considèrent que la shoah peut être comparée
à d'autres événements.
Aux yeux de la LICRA en tout cas, le pro-
blème ne se pose pas : la shoah est un événe-
116 Politiquement incorrect
ment unique et incomparable. Qui confère par
là-même aux juifs un statut à part. D'ailleurs
Elie Wiesel, membre d'honneur de la LICRA,
l'affirme sans détours dans un de ses livres :
« Tout en nous est différent ».
Les participants au colloque vont recenser
également tous les moyens d'entretenir la trans-
mission, car, de gré ou de force, personne n'a le
droit d'oublier.
Comme le dit si bien le DDV, « Quarante-trois
ans après la fin de la deuxième guerre mondiale,
l'humanité n'en a pas fini d'interroger les cendres
qui ont ravagé son âme ».
Au fil des ans, le message se renforce sans
équivoque : les occidentaux, peu ou prou, sont
particulièrement responsables de la shoah - qui
est présentée comme l'expression inouïe et incom-
préhensible d'une haine pathologique et irration-
nelle à l'égard des juifs - soit pour l'avoir perpé-
trée eux-mêmes, soit pour avoir laissé faire. Ils ont
donc une dette éternelle à l'égard de tous les
survivants, qu'ils vivent en Israël ou hors d'Israël.
Cette dette imprescriptible leur impose des de-
voirs particuliers : d'une part, ils doivent soutenir
Israël, et d'autre part, ils doivent relayer à l'in-
térieur de leurs propres frontières, l'action des
117 La France LICRAtisée
organisations dites antiracistes. En d'autres ter-
mes, ils ont l'obligation morale d'infléchir leurs
politiques dans le sens souhaité par ces mêmes
organisations. Faute de quoi ils courent l'énorme
risque d'être traités de racistes, de fascistes,
et cloués au pilori comme Kurt Waldheim.
Délégitimant à l'avance toute critique à ren-
contre d'Israël ou même des juifs en général, la
shoah finit par constituer un formidable instru-
ment de pouvoir politique.
Il ne fait pas bon contester le caractère unique
de la shoah. Alfred Grosser, professeur à l'Insti-
tut des Sciences Politiques de Paris, d'origine
juive allemande, écrit en 1990 un essai, Le crime
et la mémoire, qui déplaît fortement à la LICRA.
Il y démontre que la souffrance est hélas univer-
selle, que l'histoire des tragédies humaines est
particulièrement bien fournie, et qu'en un mot
comme en cent, la shoah n'a pas constitué la
seule horreur perpétrée par des humains à ren-
contre de leurs semblables.
Le DDV sera très sévère pour « l'universitaire
donnant depuis sa chaire une leçon de mémoire à
V humanité »
Plus les années passeront et plus le devoir de
mémoire se fera insistant et même envahissant.
118 Politiquement incorrect
Auschwitz va finir par devenir le symbole même
de la shoah. Les commémorations prendront de
plus en plus d'ampleur, jusqu'à culminer en
janvier 2005 pour le 60 e anniversaire de la libé-
ration du camp, en un déluge de manifestations
diverses et un matraquage télévisuel assez im-
pressionnant.
Ces commémorations vont s'efforcer égale-
ment d'accorder une place de plus en plus gran-
de à la résistance juive pendant la guerre afin de
gommer l'image négative d'êtres passifs s'étant
laissés conduire à la mort sans broncher, qui
avait prévalu jusque-là.
Dès le départ, la LICRA soutient incondi-
tionnellement Israël. Certes, elle refuse d'être
qualifiée d'association sioniste, car elle tient à sa
posture apolitique. Il n'en demeure pas moins
que toute critique à l'égard d'Israël est immé-
diatement taxée d'antisionisme, lui-même assi-
milé par elle à de l'antisémitisme pur et simple.
Ce soutien inconditionnel à Israël va être à
l'origine d'une fracture à l'intérieur du camp de
la gauche en France, car une partie notable de
celle-ci défendra la cause palestinienne, ce qui
sera considéré par la LICRA comme un acte
d'hostilité envers Israël. Et même d'antisémi-
119 La France LICRAtisée
tisme. La fracture se dessine dès 1967 et ne ces-
sera de s'élargir par la suite.
Une pleine page du Droit de Vivre, titrée
« Quand la gauche n'est plus la gauche » est con-
sacrée en février 1970 aux « fathomanes », ou
défenseurs des palestiniens. Elle est intéressante en
ce que, sous la plume de Roger Ikor, elle donne la
définition suivante du fascisme tant exécré :
« Jusqu'à nouvel ordre, le fascisme, c'est le mélange
d'un vrai nationalisme avec un faux socialisme, sous la
dictature d'un parti unique esclave d'un homme
divinisé, quant à son esprit, si j'ose dire, il se ramène
à la passion guerrière, au militarisme, à l'intolérance,
au fanatisme et au mépris de l'homme. La gauche -
eh bien ! c'est le contraire, point pour point ».
La gauche serait le contraire, point pour
point ? Voire. Cette description du fascisme est
pourtant le portait robot, hurlant de vérité, du
régime communiste dès ses débuts.
Gauche dénaturée, gauche dévoyée, les épithè-
tes ne vont pas manquer sous la plume des chro-
niqueurs du DDV. La guerre du Kippour, en
octobre 1973, marque un cran supplémentaire
dans l'escalade : « Comment ose-t-on appeler
hommes de gauche ceux qui pensent que s'attaquer
à des innocents est légitime mais que se défendre
120 Politiquement incorrect
contre ceux qui préparent des meurtres est un
crime, ceux qui confondent agression et légitime
défense. Et aussi ceux qui maudissent l'argent et
suivent les cyniques qui ne crachent pas sur les dollars
de Khadafi, ou s'alignent sur les gouvernants
français qui pensent qu'un bidon de pétrole vaut
bien la peau d'un Israélien ».
s
Les Etats-Unis soutenant massivement Israël,
et l'URSS les pays arabes, l'ombre portée des
deux super-grands ne participe pas, on s'en
doute, à l'apaisement des esprits.
La LICRA
et la politique proche-orientale de la France
Le conflit permanent au Proche Orient ne va
pas manquer d'avoir des répercussions importan-
tes dans notre pays, et les relations que la
LICRA entretiendra au fil des années avec le
pouvoir politique français vont être étroitement
tributaires de la politique menée à l'égard d'Is-
raël et des pays arabes. Autant dire que ce sera loin
d'être un long fleuve tranquille.
Contre le général De Gaulle
Nous sommes loin de l'époque de la Résis-
tance et de la France Libre. La guerre des Six
Jours vient d'avoir lieu, et en novembre 1967,
lors d'une conférence de presse, le général De
Gaulle qualifie les juifs de «peuple d'élite, sûr de
lui dominateur et conquérant ».
Curieusement, alors que ces propos sont
Plutôt flatteurs, et que dans l'esprit du Général,
ils devaient sans doute l'être, ils suscitent une
122 Politiquement incorrect
condamnation virulente. C'est qu'Israël ne doit
pas quitter son statut de victime, qui lui accorde
une place tout à fait à part dans le concert des
nations. La LICA somme tous les membres de
l'Assemblée nationale, par courrier, de prendre
position sur cette déclaration et annonce que
leurs réponses figureront dans le DDV. Bien
évidemment, la gauche se déchaîne tout parti-
culièrement. Rares sont ceux qui, comme Pierre
Clostermann, député de Seine-et-Oise, auront le
courage de dire : « Le combat du général De
Gaulle pour la libération de l'homme et la dignité
humaine est trop évident pour que ce genre de
calomnie mérite réponse (...) Il serait excellent de
suggérer aux israélites de nationalité française de
s'abstenir de manifestations à l'égard de la politique
menée par la France au Moyen-Orient ».
Ce n'est là que le début d'un conflit qui va
s'étendre et s'envenimer avec l'embargo « de la
honte» décrété par le Général en janvier 1969 sur
les armes et avions à destination d'Israël. Le ton à
l'égard du pouvoir devient virulent. On peut lire en
février dans Le Droit de Vivre : « Qu'il se soit agi de
"la France de Dunkerque à Tamanrasset" ou "d'Israël
notre ami, notre allié": le Machiavel du Faubourg
Saint-Honoré a toujours menti à tout le monde. Il a
123 La France LICRAtisée
menti aux Français d'Algérie et à ceux de la métropole.
Il a menti à ses partenaires de la Communauté euro-
péenne. Il a menti à ses interlocuteurs anglais et alle-
mands. Il a trahi la confiance du peuple israélien ».
Le conflit va culminer avec la crise du référen-
dum sur la régionalisation et la réforme du
Sénat, qui se solde, le 27 avril 1969, par un non
des Français. Se considérant désavoué, le chef de
s
l'Etat démissionne immédiatement de ses fonc-
tions, situation demeurée inédite dans les anna-
les de la République.
Armand Bérard, chef de la délégation française
à l'ONU, accuse publiquement « les milieux pro-
israéliens en France d'avoir répandu des sommes
importantes pour amener la défaite du général De
Gaulle ». Une accusation publique totalement
impensable aujourd'hui !
Le Droit de Vivre s'indigne sur une page
entière titrée «Armand Bérard ou le scandale de
"l'or juif" », qui dresse un portrait peu flatteur
du diplomate, c'est le moins que l'on puisse dire,
et qui demande sa mise à la retraite immédiate.
Contre Georges Pompidou
Alain Poher, grand ami de la LICA - il recevra
en 1979 la médaille d'or du B'nai B'rith^ pour
124 Politiquement incorrect
son action en faveur d'Israël - est candidat à la
présidence de la République.
Mais c'est Georges Pompidou qui est élu en
juin 1969. Avec lui, les relations ne s'arrangeront
pas, bien au contraire. Sa politique jugée pro-
arabe lui attire à plusieurs reprises les foudres de
la LICA qui appelle sans relâche à « la défense de
la petite nation menacée de génocide ».
« Israël ne sera pas un nouveau Biafra », titre le
DDV en février 1970. Georges Pompidou est
accusé d'armer les ennemis d'Israël. Le mois sui-
vant, ce sera «Israël ne sera pas l'enjeu d'un nou-
veau Munich ! ». La LICA appelle les Parisiens à
manifester en masse leur solidarité avec Israël.
Elle menace : « Le président de la République
ne saurait ignorer que le peuple de ce pays se
dresserait tout entier contre lui, que les pavés des
villes se soulèveraient si, ayant conclu un sordide
marché avec les colonels de Lybie, il livrait encore
les courageux citoyens d'Israël au poignard des as-
sassins massés à leurs portes ».
Nous sommes en 1970 et le souvenir des
pavés est encore frais.
L' antisionisme devient « le cheval de Troie des
néo-nazis », qu'ils soient de gauche ou de droite.
Dès cette période, antisionisme et antisémitisme
125 La France LICRAtisée
ne font plus qu'un. Antisémitisme et fascisme ne
font qu'un, eux aussi. Donc antisionisme et
fascisme ne feront qu'un désormais. De quoi
donner le tournis.
En octobre 1973, c'est la guerre du Kippour
- offensive égyptienne et syrienne contre Israël -
qui débouche sur un choc pétrolier mondial.
Les pays producteurs de pétrole profitent en effet de
ce conflit pour imposer une hausse des prix sans
précédent et se servent de cet argument massif
dans leur conflit avec Israël. La LICA n'a pas de
mot assez durs à l'égard du gouvernement français
et de son attitude « aberrante », « équivoque » et
« partisane ». Manifestations et meetings aux cris de
« Israël vivra » sont organisés.
Le président de la LICA, Jean Pierre-Bloch, se
s
rend dans l'Etat hébreu et fait à son retour cette
déclaration : « Retour de ce voyage éclair en Israël,
je tiens à dire combien nous avons admiré encore
une fois la politique hardie, constructive et fidèle à
V idéal démocratique de nos amis de l'Etat d'Israël.
Ces plaines arides, ces monts grillés, Israël les a
connus et les connaît encore, mais il sait comment
les vaincre, les transformer en terres fertiles et
donner à ses habitants la joie de vivre. Cet exem-
ple, il le propose au monde.
126 Politiquement incorrect
Au plan des événements, les Israéliens estiment
que la guerre du Kippour est une "affaire Dreyfus" à
l'échelle mondiale ». Victimes, toujours.
Contre Valéry Giscard d'Estaing
Le septennat de Giscard ne verra aucune
amélioration dans les relations avec la LICA, et dès
novembre 1974, le DDV titre : « Israël livré aux
assassins ». La France vient en effet de reconnaître
officiellement l'Organisation de Libération de la
Palestine (OLP). L'article se termine par une
menace à peine voilée : « La conscience universelle
ne permettra pas ce nouveau génocide. On a vu les
réactions provoquées en France par la politique
aberrante de notre gouvernement. C'est une armée
innombrable qui, le cas échéant, se mobiliserait aux
côtés d'Israël pour défendre son droit à la vie ».
Afin d'appuyer sa démonstration, la LICA
organise un gigantesque meeting le 5 décembre
1974 à Paris «pour faire comprendre au gouverne-
ment et au monde que la France populaire (est)
décidée à ne pas permettre de sacrifier le peuple
d'Israël aux intérêts des pétroliers arabes ».
On peut lire dans Le Droit de Vivre de ce
même mois de décembre 1974 des phrases qui
dramatisent fortement la situation des juifs de
127 La France LICRAtisée
France : «A la suite des déclarations de Yasser
Arafat, le représentant français lui a serré chaleu-
reusement la main : comment les juifs français se
sentiraient-ils à l'aise sous un gouvernement dont le
représentant vient d'applaudir les propos négateurs
sur l'Etat d'Israël ? On touche ici du doigt la
précarité de la situation des juifs de la diaspora.
En période normale la plus grande partie de la
population française repousse l'antisémitisme, sou-
vent avec horreur, mais qu'adviendrait-il en des temps
troublés sous des instances politiques à ce point pro-
arabes ? »
Pourtant, le soutien de la LICA à l'immigra-
tion de populations arabes en France, qui débute
justement en ces années, est, durant ce même
temps, total. Pour quelle raison ?
François Mitterrand, alors premier secrétaire
du parti socialiste et membre du comité d'hon-
neur de la LICA, séjourne en Israël en 1976
et accorde à son retour une longue interview au
DDV dans laquelle il affirme : « Israël doit vivre
et disposer des moyens d'assurer son existence ».
En constatant le soutien permanent de la
LICRA^ à l'État d'Israël, on pourrait être tenté
d'en conclure qu'elle adopte une position sio-
niste, ce qui du reste n'aurait rien de bien sur-
128 Politiquement incorrect
prenant. Mais c'est là une interprétation qu'elle
récuse fermement.
Un article paru en décembre 1979 dans le DDV
et intitulé « Pourquoi "Non à Yasser Arafat
à Paris" », nous apprend en effet ceci : « Contraire-
ment à l'interprétation donnée par plusieurs lecteurs,
le titre du Droit de Vivre de novembre.. "Arafat à
Paris? Non" n'est pas et ne peut pas être considéré
comme une prise de position sioniste de la LICRA ».
La LICRA développe ses arguments dans ce
sens et parvient à transmuer le politique en
humanitaire: « En s' opposant résolument à la
présence en France du chef de file de l'organisation
palestinienne, la LICRA fait œuvre humanitaire.
Elle repousse énergiquement tout règlement, même
négocié, qui mettrait tôt ou tard en péril la vie des
rescapés des chambres à gaz, des orphelins des
déportés juif morts dans les camps de concentration
nazis qui ont trouvé refuge en Israël ».
Toute la fin du septennat Giscard est dominée
par le conflit israélo-palestinien. Lors d'un voya-
s
ge dans les Emirats, le chef de l'Etat aggrave
considérablement son cas en parlant « d'auto-
détermination du peuple palestinien », ce qui
achève de le brouiller avec les organisations
juives de France.
129 La France LICRAtisée
Un grand meeting de protestation a lieu en mars
1980, qui permet à l'opposition de gauche - nous
sommes à un an des présidentielles - d'exprimer
tout le bien qu'elle pense d'Israël et tout le mal
qu'elle pense de la politique de Giscard :
L'article du DDV relatant le meeting se ter-
mine sur une menace parfaitement claire : « II
faudra que très bientôt quelque chose change
dans la politique étrangère de la France. Sinon, cette
foule, soucieuse ou pas de constituer un lobby, sera
appelée, comme l'a dit le président Pierre-Bloch, à
« aller à la pêche à la ligne un certain dimanche
de 1981 ».
Est-ce pour le dissuader d'aller à la pêche à la
ligne ? Toujours est-il que le 8 janvier 1981, le
président de la LICRA, Jean Pierre-Bloch, est
élevé à la dignité de grand officier de la Légion
d'honneur au palais de l'Elysée, par Valéry
Giscard d'Estaing, président de la République.
Enfin la gauche au pouvoir !
La LICRA se réjouit sans mélange de l'élection
de François Mitterrand en 1981. Pour la pre-
mière fois, Le Droit de Vivre adresse ses plus
chaleureuses félicitations au nouvel élu de la
nation et, lui rappelant sa qualité de membre de
130 Politiquement incorrect
son comité d'honneur, lui recommande derechef
de donner sa pleine efficacité à la loi condam-
nant le boycott arabe contre Israël, et de refuser
de livrer du matériel de guerre aux pays arabes
du champ de bataille.
Mais la lune de miel ne va pas durer très long-
temps - dans ce domaine du moins - car dès
l'année suivante, la LICRA recommence à se
plaindre de la poursuite de la politique toujours
jugée pro-arabe de la France. Le Droit de Vivre
s'en fait l'écho en des termes certes mesurés, dès
le mois de mai 1982 : « C'est avec regret que nous
constatons qu'au niveau diplomatique, la France
observe une politique de continuité exemplaire,
consistant à encaisser des coups racistes sans bron-
cher afin, semble-t-il de ne pas nuire à de soi-
disant bonnes relations internationales ».
Jamais, au long des décennies suivantes, la
LICRA ne va cesser de soutenir Israël, envers et
contre tout. En juin 2002, son président, Patrick
Gaubert, réaffirme de la manière la plus claire :
« Je tiens à le répéter ici, une fois de plus, la
LICRA, fidèle à ses engagements historiques est de
manière indéfectible aux côtés d'Israël seul État de
la planète dont l'existence est toujours remise en
question, par des guerres successives, par le terro-
131 La France LICRAtisée
risme aveugle... (...) La détresse des Palestiniens est
instrumentons ée par des dirigeants arabes sans
scrupules, plus soucieux de leurs comptes en banque
que du bien de leurs peuples.
Bien sûr les Palestiniens doivent pouvoir décider
de leur destin, dans un pays souverain et démocra-
tique à l'image d'Israël dont ils se revendiquent
comme un miroir de souffrance. Nous soutenons ce
droit, mais pas au détriment du droit imprescrip-
tible et plurimillénaire des juifs à vivre en paix
dans leur pays ».
La France est spécialement coupable
Oui, notre pays a participé à la shoah par
l'intermédiaire du régime de Vichy et il va en
payer le prix, en terme de culpabilité toujours
renouvelée. La LICRA, qui ne cessera tout au
long des années de rappeler la dette impres-
criptible de la France à l'égard de sa population
juive, va tirer l'essentiel de son pouvoir de ce
sentiment de mauvaise conscience diffus dans le
pays, mais présent surtout dans sa classe politique.
Elle veillera donc avec la plus scrupuleuse vigi-
lance à ce que le nœud coulant placé autour de
cette période complexe de notre histoire ne se
relâche jamais, mais au contraire se resserre de
plus en plus. Se plaçant elle-même, du fait de
plus en plus. Se plaçant elle-même, du fait de son
ancienneté et de ses liens avec la Résistance,
dans une situation d'arbitre moral incontesté,
elle va définitivement et totalement diaboliser le
régime de Vichy. Qu'elle va aussi, au mépris de
toute vérité historique, systématiquement asso-
cier a la « droite ». Cela lui permettra de disqua-
134 Politiquement incorrect
lifier d'avance cette dernière et de la mettre à la
merci de la gauche, qui lui dictera sa conduite
et ses choix.
Entretenir sans relâche la culpabilité est une
façon de se mettre à l'abri de futures mauvaises
surprises, toujours possibles. Il n'en demeure pas
moins que la meilleure assurance, aux yeux de la
LICRA, est encore de voir son camp politique
naturel, la gauche, arriver au pouvoir. Car la gau-
che est internationaliste, comme elle l'est elle-
même, et extirper les racines, les identités, les
appartenances, est l'essence même de son combat.
La LICRA, gauche « morale », va donc s'allier
tout naturellement à la gauche politique et au-
tres forces dites de progrès pour mener de con-
cert, au nom de l'antiracisme et des droits de
l'homme, l'offensive en faveur d'une immigra-
tion massive, considérée à juste titre comme le
meilleur moyen de diluer une identité et une
cohésion « nationales » jugées menaçantes à
divers titres. Envers ceux qui s'y opposeraient,
l'argument est tout prêt et imparable : ils sont
forcément racistes, nostalgiques de Vichy, pire
peut-être. En réalité, l'objectif est que la France
se transforme en profondeur. Que sa population
- et partant son électorat - se modifient dans un
135 La France LICRAtisée
sens favorable à la gauche. Qu'elle devienne plu-
rielle, de gré ou de force.
Dans ce jeu de rôles, chacun des partenaires
saura fort bien utiliser les points forts et les spé-
cificités de l'autre. La LICRA offrira la caution
morale inattaquable, les partis et responsa-
bles politiques sauront, le moment venu, adopter
les mesures favorables à l'objectif poursuivi.
Mais pour que la dimension « morale » produise
son plein effet paralysant, il était nécessaire que le
débat se déplace. Les questions sensibles seront
donc extraites du champ politique, qui a le tort de
permettre l'expression d'opinions divergentes, et
introduites dans une sphère qui n'admet, elle, au-
cune contradiction : celle de la défense obligatoire
et inconditionnelle des droits de l'homme.
Opération présentant le très grand avantage de
délégitimer par avance toute velléité de débat.
Afin de verrouiller définitivement toute oppo-
sition, ce déplacement du champ politique vers le
champ moral va logiquement s'accompagner de
l'installation d'un arsenal juridique antiraciste
extrêmement dissuasif, que la LICRA s'emploiera
à inspirer et à imposer dès les années 1970.
Il suffira désormais d'un rien pour se faire trai-
ter de raciste, et la définition qui en sera imposée
136 Politiquement incorrect
- en gros, est raciste celui ou celle qui, pour
défendre son identité, s'oppose à l'immigration
massive de populations arabo-musulmanes et à
l'implantation de l'islam en France - n'aura plus
aucun rapport avec celle du petit Larousse.
Enfin, le Front national, lorsqu'il apparaîtra
réellement sur la scène politique, en 1983, sous
le premier septennat de François Mitterrand, se-
ra largement instrumentalisé par la gauche,
qui saura s'en servir comme repoussoir absolu et
réussira à stériliser tous les suffrages qui se por-
teront sur lui en interdisant tout rapprochement
avec la droite classique, au nom de l'antiracisme.
Et de la démocratie.
L'influence de la LICRA va pleinement s'exer-
cer dans ces différents domaines, fortement liés.
Tous convergent, malgré les habillages moraux et
humanitaires dont ils sont revêtus, vers un unique
objectif commun aux différents partenaires : la
conquête, puis la conservation du pouvoir. Ou
tout au moins d'une très forte influence.
Avant de les passer en revue, il est utile de se
pencher sur la personnalité de l'homme qui va
diriger la LICRA d'une main de fer durant ces
années d'intenses pressions et de transformations
capitales pour notre pays.
137 La France LICRAtisée
Jean Pierre-Bloch, second président de la
LICRA de 1968 à 1993
L'histoire de la LICRA durant les années qui
nous occupent prioritairement se confond avec
celle de son président, Jean Pierre-Bloch, qui res-
tera à sa tête durant une très longue période : de
1968 à 1993. Un président quasiment inamo-
vible dont les rancunes, pour ne pas dire les hai-
nes, plongeant leurs racines dans les années de
guerre et même d'avant-guerre, ont marqué très
fortement la Ligue.
Jean Pierre-Bloch succède en 1968 à Bernard
Lecache, lui même président de la LICA pen-
dant quarante ans. Une continuité, comme on
l'a vu, tout à fait remarquable : ils sont tous les
deux journalistes, tous les deux de gauche, tous
les deux indéboulonnables.
Né en 1905, Jean Pierre-Bloch adhère tout
jeune au parti socialiste et entre comme jour-
naliste au Populaire créé par Léon Blum.
Il entame très tôt une carrière politique qui
sera couronnée de succès dans les années
d'avant-guerre, mais qui sera nettement moins
heureuse après la guerre.
Il est élu pour la première fois conseiller général
SFIO de l'Aisne en 1934, puis maire adjoint de
138 Politiquement incorrect
Laon en 1935 et député Front populaire de
l'Aisne en 1936. Il sera le plus jeune député du
Front populaire, et figurera dès cette époque
parmi les instances dirigeantes de la LICA.
Pendant la guerre, il est arrêté, s'évade et
rejoint Londres, où il est affecté à l'état-major
particulier du général De Gaulle.
Lui aussi, comme Bernard Lecache, se retrou-
ve à Alger en 1943, en tant que délégué général
à l'Intérieur du Comité d'Alger. Il se signale
notamment par son zèle d'épurateur des pétai-
nistes et exige la condamnation à mort de Pierre
Pucheu, ministre de l'Intérieur de Vichy, à qui
pourtant la vie sauve avait été garantie. Violem-
ment anticommuniste, Pierre Pucheu sera fusillé
en mars 1944 à Alger, première victime du
premier procès de l'épuration.
Ce zèle s'était déjà manifesté l'année précé-
dente lors d'une démarche pour le moins éton-
nante. Cinq parlementaires réfugiés à Londres,
dont Pierre-Bloch, avaient écrit au président
américain Roosevelt à la suite du débarquement
anglo-saxon en Afrique du nord en novembre
1942, pour réclamer, déjà, une épuration, au
motif que : « L'opinion française ne comprendrait
point que les complices et les serviteurs de l'ennemi
139 La France LICRAtisée
puissent continuer à exercer une autorité quelcon-
que dans les territoires libérés ».
De retour en France en 1944, il est réélu
député et fait partie des jurés à la Haute Cour
devant laquelle comparaîtra Philippe Pétain. Il
vote la mort.
A partir de 1946, il est installé, par la grâce
de trois ministres socialistes^, sous la prési-
dence socialiste de Vincent Auriol^ 1 , dans un
formidable fromage dont il saura largement
profiter, avant de s'en faire expulser : la prési-
dence de la SNEP, ou Société Nationale des
Entreprises de Presse.
Il avait, dans un premier temps, été rapporteur
de la loi Defferre sur la presse, qui venait de
charger la SNEP de liquider tous les biens de
presse saisis ou confisqués aux pétainistes, ou
présumés tels.
Rapporteur de cette loi, il en deviendra le
grand bénéficiaire, car la SNEP se retrouvait à la
tête d'un véritable trésor de guerre : 165 immeu-
bles, 286 imprimeries, la liquidation de 482
journaux et agences, sur lesquels cet homme de gauche
aura désormais la haute main.
Dès lors, la SNEP va mener grand train, son
président s'octroyant un traitement passant de
140 Politiquement incorrect
1 300 000 francs de l'époque en 1946 à
2 645 370 francs en 1952, puis à 4 134 542
francs en 1953. Sans compter les frais et indem-
nités divers, naturellement.
La gestion de la SNEP était un scandale
public dès 1947, mais il faudra attendre encore
plusieurs années avant qu'une enquête sur la
gestion de Pierre-Bloch ne soit officiellement
diligentée. Le résultat en sera accablant, mais
afin d'éviter un scandale plus grand encore, Jean
Pierre-Bloch et son équipe se verront simple-
ment limogés, avec de très substantielles indem-
nités, en 1953.
Débarqué de la SNEP, il tente de se refaire
une santé politique, mais en vain. Il sera dès lors
constamment battu. Il reste bien évidemment
socialiste et, en cette qualité, participe à des
réunions de campagnes électorales. Le « virus de la
politique » dont il parlait lui-même dans ses
Mémoires ne l'a certes pas quitté. Mais la LICA
n'est-elle pas officiellement apolitique ? Il envoie
donc en mai 1974 - pendant la campagne des
présidentielles - un démenti au Monde, qui a
rapporté une intervention de Jean Pierre-Bloch,
président de la LICA, faite au cours d'une
réunion électorale. Il tient à préciser que c'est
141 La France LICRAtisée
exclusivement en tant qu'adhérent du Parti
socialiste qu'il a pris la parole. La nuance est
effectivement importante . . .
N'étant plus élu politique, son influence va
s'exercer désormais à travers d'autres canaux, et
notamment par le biais d'un certain nombre de
présidences : celle de la LICRA en tout premier
lieu, mais aussi celle du B'nai B'rith France, de
1974 à 1981, sans oublier celle de la Commis-
sion nationale consultative des Droits de
l'Homme, de 1986 à 1989.
Il écrira par ailleurs un certain nombre de
livres consacrés à ses souvenirs politiques.
Il collectionnera aussi les médailles, dont celle
du Soviet Suprême.
Décoré en janvier 1981 de la Légion d'Hon-
neur au grade de grand officier par Valéry
Giscard d'Estaing, il le sera une nouvelle fois en
avril 1993. François Mitterrand l'élèvera à la
dignité de grand-croix de la Légion d'Honneur,
manière élégante de saluer son départ de la
présidence de la Ligue, en 1993, à 88 ans.
Ne se résignant décidément pas à partir pour
de bon, il sera encore élu à ce moment-là par ac-
clamations président d'honneur de la LICRA de
France et président de la fédération internatio-
142 Politiquement incorrect
nale de la LICRA. Ce « départ » ne l'empêchera
pas, en outre, de conserver pendant quelque
temps encore la direction du DDV et d'en signer
des éditoriaux.
Sa dernière apparition publique sera pour le
procès Papon, où il est témoin à charge.
Il meurt en 1999, à l'âge de 94 ans.
Soucieuse sans doute d'éviter à l'avenir une
telle constance dans la continuité, la LICRA
s'empresse de modifier la règle du jeu au départ
de Jean Pierre-Bloch. Caché au milieu des nou-
veaux statuts, on peut lire cet article : « Le prési-
dent est élu pour deux ans. Son mandat est renou-
velable successivement deux fois ». Dorénavant, ce
sera six ans maximum.
Son successeur, Pierre Aidenbaum, ne faillira
pas à la règle. Certes, il n'est pas journaliste
comme ses deux prédécesseurs, mais bien de
gauche lui aussi.
Et fortement engagé dans la vie politique,
quoique Le Droit de Vivre se soit toujours
montré plutôt discret sur la question.
Précisons donc que le président de la LICRA
« apolitique » se trouve être de 1993 à 1999
Pierre Aidenbaum, socialiste, conseiller de Paris
et conseiller régional d'Ile de France. Il devient
143 La France LICRAtisée
également maire socialiste du III e arrondissement de
Paris en 1995.
C'est Patrick Gaubert qui lui succède en
1999. Dentiste de formation, il est également
ancien chargé de mission de Charles Pasqua de
1993 à 1995. Depuis 2004, il est député
européen UMP d'Ile-de-France. Oui, UMP, et
non pas, pour une fois, « de gauche ». Mais y a-
t-il désormais la moindre différence ?
Vichy ou les « heures les plus sombres »
de notre histoire
La communauté juive de France compte à
l'heure actuelle environ 600 000 personnes,
ce qui en fait la première d'Europe occidentale. Elle
s'est considérablement accrue lors des événe-
ments d'Algérie, dans les années 1960, en raison
de l'arrivée massive des juifs d'Afrique du nord,
dont peu ont alors choisi d'émigrer vers Israël.
En 1940, la population juive vivant en France
s'élevait à environ 330 000 personnes, dont
190 000 Français et 140 000 étrangers qui, en
provenance essentiellement de l'est, s'étaient
réfugiés dans notre pays entre 1930 et 1939.
400 000 juifs vivaient par ailleurs en Afrique
du nord dans la mouvance française.
Sur ce total de 730 000 personnes, 75 000
Juifs vivant en France furent déportés: 20 000
Français et 55 000 étrangers.
146 Politiquement incorrect
Une haine implacable
A la Libération, Jean Pierre-Bloch, futur deu-
xième président de la LICRA, sera, en tant que
député, l'un des 27 jurés au procès du maréchal
Pétain et se dira toujours fier d'avoir voté sa
condamnation.
Dès ce moment, la LICRA va poursuivre les
responsables du régime de Vichy d'une haine
implacable qui culminera des décennies plus tard
en un certain nombre de procès tardifs, mais
retentissants.
Elle s'opposera toujours- avec la dernière énergie à
toute tentative de réhabilitation du Maréchal et
imposera sa propre lecture de cette période.
Jamais ne sera pris en compte le fait que
Philippe Pétain, âgé de quatre-vingt quatre ans
au début de l'Occupation, ne pouvait guère
prendre la mesure des totalitarismes intrinsèque-
ment pervers et inédits qui se levaient, à l'est
comme à l'ouest. Et l'on feindra d'oublier que
les pleins pouvoirs votés à Pétain en 1940 le
furent aussi par l'Assemblée nationale du Front
populaire, soit par une large majorité de socia-
listes et de radicaux.
D'ailleurs, Philippe Pétain, justement en raison
de son grand âge le mettant à l'abri des ambitions
147 La France LICRAtisée
personnelles à long terme, inspirait confiance non
seulement à la droite mais aussi à la gauche. Dès
1935, le radical de gauche Pierre Cot réclame pour
la France, un sauveur. De qui peut-il bien s'agir ? :
« Cet homme, il faut que nul ne puisse le soupçonner
de vouloir faire une action personnelle. Il faut qu 'un
des traits dominants de son caractère soit le loyalisme.
L'homme existe : c'est Pétain. ... Avec lui, aucun trou-
ble à craindre. Un mot aux Anciens Combattants et
l'ordre est assuré et le calme renaît. ... Certains trouve-
ront mon idée étrange ou dangereuse, je pense être
approuvé par tous ceux qui ont vu cette chose
étonnante... le regard du maréchal Pétain^ 1 ».
En 1977, toute une page du DDV intitulée
« Un dossier pour l'Histoire » est consacrée au der-
nier livre de Jean Pierre-Bloch, Le temps d'y penser
encore, dans lequel le président de la LICA revient
sur ses années de guerre. Divers épisodes de sa
résistance avec son épouse Gaby sont relatés. Mais
les voilà arrêtés, et le DDV nous apprend ceci :
«Arrêtés à Marseille, incarcérés à Périgueux, ils y
Souffriront toutes les brimades qu'un régime sadique
et faible réservait à ses ennemis. Gaby Pierre-Bloch
obtient cependant sa liberté provisoire., elle est mère
de trois enfants. Et tandis que son mari part pour
camp de Mauzac, aidée de Lucien Rachet, ancien
148 Politiquement incorrect
de la LICA, elle organisera pour Jean Pierre-Bloch
et onze de ses compagnons une évasion qui demeure un
classique du genre ».
Libérée car mère de trois enfants et relâchée
dans la nature pour préparer une évasion, on ne
peut s'empêcher de se demander si pareille man-
suétude, étonnante de la part d'un « régime sadi-
que et faible », se serait exercée en Union sovié-
tique...
Quoi qu'il en soit, aujourd'hui encore, il est
quasiment impossible d'aborder sereinement le
régime de Vichy, sujet qui demeure totalement
passionnel et diabolisé.
Dans l'entreprise manichéenne de relecture de
l'histoire, il faut que Vichy reste éternellement
stigmatisé et assimilé au nazisme. Relativiser ses
actes, tenter de leur fournir une explication
acceptable, les replacer dans le contexte difficile
de l'époque, reviendrait à mettre le doigt dans
un engrenage redoutable. A « banaliser ».
Il faut aussi que le régime de Vichy soit syno-
nyme de droite et d'extrême droite. Peu importe
que cette filiation établie d'emblée soit une contre-
vérité historique. Et que nombre de gens de
gauche, comme Pierre Laval, Jacques Doriot ou
Marcel Déat, aient été collaborateurs et antisémites.
149 La France LICRAtisée
On mesurera cette hargne au procès au long
cours qui fut intenté au Monde par deux
associations d'anciens résistants proches de la
LICRA. Tout commence en 1984, par un pla-
card publicitaire publié par le quotidien et inti-
tulé « Français, vous avez la mémoire courte ». Ce
texte demande la révision du procès Pétain, la
réhabilitation du Maréchal et le transfert de ses
cendres à Douaumont. Il se termine par un ap-
pel à la réconciliation nationale.
Plainte est déposée contre les auteurs du texte
et contre le quotidien. Les prévenus sont relaxés
en 1986. Mais les associations ne se tiennent pas
pour battues. Elles font appel et perdent une
seconde fois. L'affaire va en Cour de cassation
qui casse l'arrêt de la Cour d'appel en 1988 et
le renvoie devant la même chambre de la Cour
d'appel. Cette fois, en 1990 - soit six ans après
les faits - le verdict est enfin conforme aux sou-
haits des associations : la même Cour d'appel
qui avait une première fois relaxé les prévenus,
dont André Laurens, ancien directeur du
Monde, et M e Jacques Isorni, avocat du maréchal
Pétain, les condamne cette fois pour «panégyri-
que sans nuance et sans restriction de la politique de
collaboration ».
150 Politiquement incorrect
La population française ne savait rien
La loi d'octobre 1940 relative au statut des
juifs est votée alors même que l'exode vient de
jeter neuf millions de Français sur les routes :
toute une population en détresse dont l'unique
souci est alors de survivre dans un environne-
ment hostile.
Une population qui ne pouvait rien connaître
des camps d'extermination, qui n'existaient pas
en 1940. Ils ne commencent à fonctionner qu'en
1942 et constituent un secret bien gardé. A telle
enseigne que jamais les lignes de chemin de fer
qui menaient les déportés vers l'est ne furent
sabotées. Aucun des 74 convois^ de juifs qui
quittèrent la France - pour une destination
gardée strictement secrète - ne subit la moindre
tentative dans ce sens, ni de la part de la
résistance communiste juive ou non juive, ni de
la part de la résistance gaulliste. Et ce, alors
même que les cheminots multipliaient les actes
de sabotage durant l'été 1944.
Simone Veil elle-même confirmera cette
ignorance totale de la population, en déclarant
en février 1985 : « J'avais seize ans et demi lors-
que j'ai été déportée de Drancy à Auschwitz avec
ma famille. Après deux jours et demi de voyage en
151 La France LICRAtisée
train, je suis arrivée à Auschwitz-Birkenau. C'était
le 15 avril 1944. On nous a poussés hors des
wagons, de nuit, sous la lumière d'immenses projec-
teurs. Sur le quai, on nous a crié en allemand de
nous mettre par files de cinq. Cela a été très vite.
Puis hommes et femmes ont été séparés (...) Nous
ne croyions pas alors aux histoires de chambres à
gaz. Pour nous, il ne pouvait s'agir que d'un
effroyable mensonge ».
Un autre membre éminent de la LICRA,
Georges Wellers, scientifique et historien, dira la
même chose en d'autres termes à son interlo-
cuteur, dans les pages du DDV : « Oh bien sûr
quand j'étais à Drancy et que j'attendais le départ,
car nous devions partir, je savais bien que nous
n'allions pas vers une partie de plaisir, je savais
bien qu'on nous mettrait peut-être, disions-nous, à
construire des bâtiments, ou peut-être à cultiver des
terres gelées, dans des conditions terribles, mais
jamais, jamais, jamais, nous n'aurions pu imagi-
ner concevoir le mécanisme qui était celui d'Ausch-
witz... » Je lui ai dit: « Vraiment, vous... » « Oui,
nous V ignorions ».
Bien des années plus tard, le président de la
LICRA, Jean Pierre-Bloch publiera un livre de
souvenirs intitulé Londres, capitale de la France
152 Politiquement incorrect
s
libre. Evadé, il avait en effet rejoint le général De
Gaulle dans la capitale anglaise. Dans ce livre, il
relate ses retrouvailles avec sa femme Gaby à
Londres le 17 juin 1943, en ces termes : « (...)
Je la regardais comme si je la voyais pour la pre-
mière fois mais l'une des premières questions que je
Imposai après ces étreintes sans fin fut :
- Où sont mes enfants ?
- Ils sont en Auvergne, sous un faux nom, à
l'abri, tranquilles.
- Et ma mère ?
- Elle vit à Bergerac, elle n'est pas du tout
inquiétée. Tout le monde est aux petits soins pour elle.
Dès qu'il y a un danger, elle est prévenue par le
gendarme Paterno, celui-là même qui a participé à
ton évasion. Si tu parles à la radio, dès la fin de
l'émission, quelqu'un vient lui dire qu'il t'a entendu.
Et l'épicier Boyer qui a caché nos officiers anglais en
41 lui donne tout ce qu'elle veut sans ticket. Ta mère
est tranquille, elle n'est aucunement menacée, et tout
le monde sait qu 'elle est la mère de Pierre-Bloch.
Me voilà rassuré. J'étais un homme heureux. Un
éclair de soleil depuis si longtemps ! »
Ce passage, qui illustre une véritable solidarité de
la part de la population française, de surcroît parfai-
tement consciente, donne quand même un éclairage
153 La France LICRAtisée
étonnant à une période et à une population dénon-
cées par la suite dans les termes que l'on sait.
Georges Pompidou sera sévèrement condamné
par la LICRA lorsqu'il accordera, en 1971, sa
grâce à l'ancien chef milicien Paul Touvier, en
déclarant : « Le moment n'est-il pas venu de jeter
le voile, d'oublier ces temps où les Français ne s'ai-
maient pas, s' entredéchiraient et même s' entre-
tuaient, et je ne dis pas ça, même s'il y a ici des
esprits forts, par calcul politique, je le dis par
respect de la France ».
Malgré les vives pressions, Georges Pompidou
refusera de céder et de revenir sur la grâce accor-
dée.
La repentance de Jacques Chirac
La LICRA a toujours considéré que la France
avait occulté le martyre juif et n'avait pas
manifesté une repentance suffisante. Elle fera
tout ce qui est en son pouvoir pour rompre ce
qu'elle appelle « la loi du silence » et pour que
s
les plus hautes autorités de l'Etat finissent par
reconnaître officiellement la faute de la France
dans la déportation des juifs.
Rendant compte, en 1992, des cérémonies
marquant le 50 e anniversaire de la rafle du
154 Politiquement incorrect
Vel' d'Hiv - qui eut lieu les 16 et 17 juillet 1942
- le DDV écrit : « Ce refus de reconnaissance per-
siste. N'entend-on pas aujourd'hui des voix - y com-
pris dans des milieux que l'on ne pourrait soupçon-
ner d'antisémitisme - insinuer que décidément, ces
juifs cherchent encore, à la faveur d'une reconnais-
sance officielle des crimes de Vichy à bénéficier de
dédommagements financiers, de réparation maté-
rielle de l'État français, soupçon qui transparaissait
déjà lors de l'affaire des fichiers juifs retrouvés ».
Malgré sa proximité avec la LICRA, et bien
qu'étant membre de son comité d'honneur,
François Mitterrand refusera toujours de se livrer
à cette repentance.
Lors de ce 50 e anniversaire précisément, en
juillet 1992, il rappellera que la République
française ne peut être tenue pour responsable des
crimes du régime de Vichy.
Il instaure cependant en 1993, conformément
au souhait pressant formulé par la Ligue, une
Journée nationale de commémoration des persécutions
racistes et antisémites de Vichy, qui est fixée au 16
juillet, date anniversaire de la rafle du Vel' d'Hiv.
C'est cette même année que la LICRA finit
également par obtenir un succès qui lui tient à
cœur. Depuis 1987, le chef de l'Etat faisait
155 La France LICRAtisée
déposer régulièrement tous les 11 novembre une
gerbe de fleurs sur la tombe du maréchal Pétain
à l'île d'Yeu, honorant par ce geste le héros de la
guerre 1914-1918^. Un geste considéré com-
me tout à fait choquant et déplacé par la
LICRA, qui ne cessera de s'en plaindre. En
1993, sous les pressions incessantes, François
Mitterrand finit par y renoncer.
Les relations ambiguës de François Mitterrand
avec le régime de Vichy - il existe une photo de
lui avec le Maréchal, il a reçu la francisque en
août 1943, il restera l'ami de René Bousquet -
n'ont curieusement jamais conduit à un ostra-
cisme à son égard de la part de la LICRA. Jamais
il ne sera diabolisé, comme d'autres le seront, et
en particulier comme le sera Jean-Marie Le Pen,
qui n'a pourtant jamais eu le moindre lien avec
Vichy, étant né en 1928. Reste qu'il s'agit là de
faits gênants, mais comme il est président de la
République, socialiste, et - cerise sur le gâteau -
membre de la LICRA. . . il sera amnistié.
Jean Pierre-Bloch parviendra même à fournir
à ces relations compromettantes une explication
aussi ingénieuse qu'invérifiable. Dans son livre
De Gaulle ou le temps des méprises, il relate la
première rencontre entre le général De Gaulle et
156 Politiquement incorrect
François Mitterrand, à Alger, au début de 1944,
rencontre qui se termine aigrement.
Il poursuit : «A partir de ce moment-là, V entou-
rage de De Gaulle se chargea de faire la publicité de
Mitterrand. Quand on parlait de lui, on le présen-
tait comme un vichyste mal repenti, un Camelot du
roi décoré de la francisque. C'étaient là des calomnies
intéressées. C'est sur notre ordre que François Mit-
terrand était resté dans les services de prisonniers de
Vichy. Lorsqu'il avait été proposé pour la francisque,
nous avions été parfaitement tenus au courant. Nous
lui avions conseillé d'accepter cette "distinction" pour
ne pas se dévoiler. La calomnie sert toujours ; vingt-
cinq ans plus tard, on ressortira les mêmes arguments
au cours de la campagne présidentielle. Les services
gaullistes ont de la suite dans les idées ».
Sauf que cette version est des plus contes-
tables. Mitterrand fut bel et bien de ces « résis-
tants pétainistes » proche avant-guerre de l'Ac-
tion Française et de la Cagoule, une association
secrète dirigée par Eugène Deloncle. François
Mitterrand sera du reste embauché après la
guerre par un des responsables de la Cagoule, le
patron de l'Oréal, Eugène Schueller.
Ce vif souhait de la LICRA de voir reconnue la
responsabilité du pays, c'est finalement Jacques
157 La France LICRAtisée
Chirac qui va l'exaucer, à peine élu, en juillet 1995.
Le 16 juillet de cette année-là, lors de la com-
mémoration de la rafle du Vel' d'Hiv, le nouveau
président de la République fait pour la première
fois ce que tous ses prédécesseurs avaient refusé de
s
faire : il reconnaît la responsabilité de l'Etat français
et la « faute collective» commise contre les juifs.
Il déclare notamment : « Oui, la folie criminelle
de l'occupant a été, chacun le sait, secondée par des
Français, secondée par l'Etat français (...) Nous
conservons à l'égard (des déportés juifs de France)
une dette imprescriptible ».
Cet acte est qualifié par la LICRA de « tour-
nant historique » : « En reconnaissant publique-
ment, pour la première fois, la responsabilité de
l'Etat français dans la déportation des juifs pen-
dant la seconde guerre mondiale, Jacques Chirac a
enfin rétabli la vérité historique pour laquelle la
LICRA se bat depuis toujours.
Par ses propos sur le devoir de "transmettre la
mémoire " et de ne "rien occulter des heures sombres de
notre histoire" le chef de l'Etat conforte en outre
le travail quotidien opéré en milieu scolaire, dans
toute la France, par les sections de la LICRA qui
voient là l'une des meilleures méthodes de prévenir
le racisme et l'intolérance ».
158 Politiquement incorrect
Ce faisant, Jacques Chirac accomplissait la
promesse faite durant la campagne électorale.
Pressenti lui aussi d'accomplir le cas échéant le
s
même geste, Edouard Balladur, comme François
Mitterrand auparavant, s'y était refusé.
Dans la foulée, en 1997, l'Eglise de France va
faire, elle aussi, repentance.
Le 3 octobre 1997, au mémorial du camp
d'internement de Drancy, l'évêque de Saint-
Denis, Mgr Olivier de Berranger, présente une
« déclaration de repentance » sur l'attitude de
s
l'Eglise sous Vichy. Il déclare notamment :
« Devant l'ampleur du drame et le caractère
inouï du crime, trop de pasteurs de l'Église ont, par
leur silence, offensé l'Église elle-même et sa mission.
Aujourd'hui, nous confessons que ce silence fut une
faute. Nous reconnaissons aussi que l'Eglise en France
a alors failli à sa mission d' éducatrice des consciences
et qu'ainsi elle porte avec le peuple chrétien la respon-
sabilité de n'avoir pas porté secours dès les premiers
instants quand la protestation et la protection étaient
possibles et nécessaires, même si, par la suite, il y eut
d'innombrables actes de courage ».
Une polémique s'installera autour de cette re-
pentance.
Les procès
Si la détestation à l'égard du régime de Vichy
a été virulente dès la fin de la guerre, ce n'est
curieusement qu'à partir du début des années
1970, soit plus de vingt-cinq ans après les faits,
que la LICA va commencer à traquer sans répit
ceux qu'elle nomme les criminels nazis, mais qui
sont essentiellement des responsables, à des
degrés divers, du régime lié au maréchal Pétain.
En fait, à travers ces procès et bien au-delà des
individus, il s'agit de juger - et de condamner -
toute une époque, tout un pays, et même, dans
s
le cas de l'affaire Touvier, l'Eglise de France.
A propos de cette même affaire Touvier, le
DDV assène : « La France avait cinquante ans
pour faire toute la lumière sur la période sombre
de Vichy et se réapproprier son histoire. Elle a
manqué à ce devoir de vérité.
Il ne restait plus que les prétoires pour faire œu-
vre de mémoire et de pédagogie, par dessus l'épaule
d'un Paul Touvier ».
160 Politiquement incorrect
On va arriver ainsi à des procès se déroulant
quarante, voire cinquante ans après les faits, le
manichéisme de leur traitement croissant en pro-
portion de leur éloignement dans le temps.
Sous prétexte de juger la Collaboration, les
mesures prises par le gouvernement de Vichy,
l'administration de Vichy, on va obliger les Fran-
çais, de gré ou de force, à remettre la shoah au
cœur de leurs préoccupations, et surtout, on
ravivera de la sorte un sentiment de culpabilité
- dont bénéficie Israël - qui pourrait s'émousser
à la longue.
Séances d'auto-flagellation collective, forte-
ment relayées et dramatisées par les médias, ces
procès au caractère politique et médiatique mar-
qué n'auront plus qu'un lointain rapport avec la
justice.
Les époux Klarsfeld, qualifiés par la LICRA de
« militants exemplaires », s'en feront une spécialité.
Elle, Béate Klarsfeld, conscience d'un pays incons-
cient [il s'agit de l'Allemagne, ndla] , selon les
termes du DDV, débusquera partout dans le mon-
de les criminels à grand renfort de publicité. Lui,
Serge Klarsfeld, avocat, assurera la partie « procès ».
Les deux enfants du couple, tous deux avocats, ne
tarderont pas à rejoindre le combat familial.
161 La France LICRAtisée
Des pages entières seront désormais consacrées
dans le DDV aux exploits de ces débusqueurs
d'un genre nouveau, et cette chasse va durer des
années.
L'affaire Klaus Barbie
En septembre 1971, le DDV titre : « Voici
comment la LICA a déclenché l'affaire Klaus Bar-
bie ». En juin de cette année-là, le procureur de
Munich décide d'arrêter les poursuites contre
l'ancien chef de la gestapo de Lyon, caché en
Amérique du sud, et de classer l'affaire. La nou-
velle à peine connue, les époux Klarsfeld déclen-
chent une intense campagne de lobbying auprès
de la presse allemande, mais surtout française. Le
DDV décrit du reste très précisément les étapes
de cette campagne, qu'il est intéressant de suivre
car elle sera bien souvent répétée par la suite :
« Béate [Mme Klarsfeld, ndla] se rend au siège
parisien du Progrès de Lyon.
Le 28 juillet, le Progrès publie un long article
sur la question. La LICA locale demande aux
Lyonnais « épris de justice » d'écrire une lettre
de protestation au procureur général.
Les jours suivants, le quotidien se fait l'écho
de toutes les démarches des diverses associations.
162 Politiquement incorrect
Puis toute la presse nationale, ainsi que l'AFP
et l'ORTF, emboîtent le pas au Progrès.
Le DDV poursuit : « Dimanche 15 août, Phi-
lippe Bernert, journaliste de L'Aurore, prépare, avec
les Klarsfeld qui l'ont alerté, un article sur la mort
de Jean Moulin torturé par Barbie (...) Le 17 août,
le spécialiste des questions allemandes du Monde
reçoit à son tour le dossier Barbie des mains des
Klarsfeld. L'après-midi l'affaire Barbie est réelle-
ment déclenchée si l'on tient compte de l'impor-
tance du Monde dans les milieux politiques ».
Le moins que l'on puisse dire, à la lecture de
ces démarches, c'est que la LICA est remarqua-
blement introduite auprès de la presse, tant
régionale que nationale.
Le problème, c'est qu'il faut un élément nou-
veau pour rouvrir le dossier. La LICA se met
immédiatement en quête de cet élément. Un té-
moin est opportunément retrouvé, Me Raymond
Geismann, directeur régional de l'Union des juifs
de France pendant l'occupation allemande, qui
fournit un certain nombre de documents impli-
quant Barbie dans des opérations de déportation.
Le président de la LICA, accompagné de
Béate Klarsfeld, se rend à Munich pour remettre
les pièces accusatrices au procureur allemand
163 La France LICRAtisée
«A leur descente d'avion, nos amis étaient chaleu-
reusement accueillis par des délégations de la B'nai
B'rith », indique le DDV.
Ils n'ont pas fait le voyage pour rien, le dossier
est rouvert sur le champ.
Jean Pierre-Bloch annonce dans la foulée avoir
« demandé une audience au ministre français des
affaires étrangères, Maurice Schumann, pour lui
rendre compte de sa mission et l'inviter à tout met-
tre en œuvre pour que le parlement allemand rati-
fie dans les plus brefs délais la convention germano-
française sur la poursuite des criminels de guerre ».
La LICA obtient ensuite du gouvernement
français qu'il demande l'extradition de Klaus
Barbie, réfugié en Bolivie, extradition qui ne
deviendra effective que douze ans plus tard, en
1983, à la faveur d'un changement de régime
dans ce pays. Barbie a alors soixante-dix ans.
La LICRA ne cache pas que le procès de Klaus
Barbie doit être l'occasion de faire rendre justice à
s
la communauté juive de France, par l'Etat français.
A la veille de l'ouverture du procès, en 1987,
Un sondage est réalisé, que la Ligue commente
en ces termes : « Ce procès aura valeur pédagogi-
que, historique pour les Français, particulièrement
pour le quart d'entre eux qui ont répondu, dans ce
164 Politiquement incorrect
même sondage, qu'il ne fallait pas faire ce procès.
Mais aussi pour tous ceux qui connaissent mal la
"shoah", le massacre des juifs par les nazis. 14 %
seulement des personnes interrogées ont pu dire que
Klaus Barbie était "un tueur de juif" dont il a
organisé la déportation et 22 % seulement ont pu
dire qu'il était jugé pour la déportation et le
génocide des juifs. C'est donc une grande leçon
d'histoire au pays qui sera donnée à Lyon ».
Mais avant d'arriver à son terme, la procédure
avait été longue et mouvementée et fait surgir
quelques cadavres des placards. L'avocat de Klaus
Barbie, M e Jacques Vergés, avait notamment fait
des déclarations qualifiées d'« ignominieuses » à
propos de Jean Moulin.
Ce qui avait conduit le président de la
LICRA, dans une Lettre ouverte adressée en dé-
cembre 1983 au procureur général et au bâton-
nier de la Cour d'appel de Paris, à demander en
toute simplicité... sa radiation de l'Ordre des
Avocats. Après s'être étonné qu'il ait pu même y
accéder : « Comment se peut-il qu'on ait pu en
arriver là et qu'un M. Vergés dont tout le monde
sait qu'il dissimule une tranche de huit années de
sa vie (où dit-il "il s'est aguerri" !) ait pu, dans ces
conditions, être seulement admis au Barreau ? »
165 La France LICRAtisée
La procédure avait également été marquée par
la décision de la Cour de cassation, à la fin de
1985, d'élargir la notion de crime contre l'hu-
manité et d'inclure certains crimes de guerre
- notamment ceux liés à la Résistance - dans le
procès Barbie, qui ne sera donc pas poursuivi
uniquement pour ses crimes contre les juifs.
Cette décision est qualifiée de regrettable par
M e Serge Klarsfeld, qui représente soixante-dix
parties civiles dans le procès, car, selon lui, « en
introduisant les adversaires actifs [les résistants, ndla]
d'un pareil pouvoir (nazi) parmi les victimes
éventuelles de crimes contre l'humanité [les juifs,
ndla] , les magistrats de la Cour de cassation ont
affaibli la protection des innocents telle que l'ont
envisagée les rédacteurs de la charte de Nuremberg ».
M e Vergés, quant à lui, réagira en ces termes :
« Le corpus juridique bâti depuis quarante ans par
les juristes sionistes à la suite de la jurisprudence de
Nuremberg équivalait à ne considérer comme crimes
contre l'humanité que ceux dirigés contre les juifs... ».
Le DDV qui rapporte ces propos, conclut :
« Une belle démonstration par Vergés que V anti-
sionisme est la nouvelle forme d'antisémitisme ».
Cette décision de la Cour de cassation d'étendre
la notion de crimes contre l'humanité à certains
166 Politiquement incorrect
crimes de guerre est importante et fera naître une
vive polémique à la LICRA. En février 1986, Le
Droit de Vivre publie à ce sujet une libre opinion
de Georges Wellers, dont il est bien précisé qu'il est
membre du Comité directeur de la LICRA et dont
on sent qu'il reflète l'opinion des dirigeants de la
Ligue dans leur ensemble. Il est indigné par cette
décision, qu'il qualifie d'aberrante, car elle ouvre la
voie à la redoutable « banalisation » : « Comment,
dans ces conditions, la Cour de cassation a[-t-elle] pu
mélanger les victimes des crimes de deux catégories de
nature profondément différente, les uns pratiqués avec
plus ou moins de brutalité depuis que l'humanité pra-
tique les guerres, et les autres sans précédent, à peine
croyables et qui risquent dans l'avenir d'ouvrir une
voie épouvantable si on les banalise ! Or, en France,
la Cour de cassation les a banalisés. Pour le bien de
l'humanité tout doit être fait, désormais, pour que
cette décision ne soit pas contagieuse ».
Klaus Barbie est condamné à la réclusion à
perpétuité en 1987 pour crimes contre l'hu-
manité. Il meurt en prison en septembre 1991.
L'affaire Paul Touvier
En novembre 1971, Georges Pompidou accor-
de sa grâce à Paul Touvier, responsable de la mi-
167 La France LICRAtisée
lice de Lyon, qualifié par le DDV de « répugnan-
te bête de proie qui, ayant abattu ses innocentes
victimes, s'est enrichie de leurs dépouilles ».
Il est vrai que le président Pompidou, que la
fin de la guerre « avait trouvé préparant une ver-
sion critique de Britannicus », selon le mot per-
fide de Jean Pierre-Bloch, n'aurait de surcroît pas
eu « de sensibilité particulière au dossier des colla-
borateurs et des miliciens ». Une manière délicate
d'indiquer qu'il a refusé de faire preuve à leur
égard de la haine voulue.
La LICA se scandalise de cette grâce et
menace : « C'est donc ce silence que M. Pompidou
doit rompre sous peine de voir le scandale s'établir,
déborder, se répandre jusqu'à l'éclabousser en même
temps que gronderait la colère de tous ceux qui
furent à la pointe du combat anti-nazi et qui,
déjà, de Paris comme des hameaux les plus reculés
du pays, élèvent la voix et réclament bonne et
prompte justice. Pour eux. Pour leurs morts ».
Mais nous sommes en 1971. Georges Pom-
pidou ne cédera pas et maintiendra sa grâce.
La LICA ne s'avoue pas vaincue et, de campa-
gne de pétitions en manifestations et témoi-
gnages divers, parvient à rassembler les éléments
d'une accusation de « crimes contre l'humanité »
168 Politiquement incorrect
à rencontre de Paul Touvier, qui fait finalement
l'objet d'un mandat d'arrêt en 1981. L'année de
l'arrivée au pouvoir de François Mitterrand.
Il ne sera cependant arrêté et inculpé qu'en
1989. Il est alors âgé de soixante-quatorze ans.
Son procès se déroule à Lyon et, coup de
théâtre !... débouche sur un non-lieu en 1992 !
Sous le titre « Les nouveaux révisionnistes », le
DDV s'étouffe d'indignation et accuse les juges-
historiens de réécrire l'histoire de Vichy.
N'ont-ils pas osé dire qu'« on n'arrivera jamais,
dans la France de Vichy, à la proclamation offi-
cielle que le juif est l'ennemi de l'Etat, comme ce
fut le cas en Allemagne », ou que « aucun des dis-
cours du maréchal Pétain ne contient de propos
antisémites » ?
Le magistrat ayant ordonné le non-lieu, Jean-
Pierre Henné, publie en 1995 un livre intitulé
Un étrange combat, dans lequel il indique :
« Exemple peut-être sans précédent d'acharnement
judiciaire, cette affaire prend place a l'évidence
dans une stratégie destinée à rendre la France col-
lectivement responsable du terrible destin des juifs
pendant la seconde guerre mondiale ».
Mais l'affaire n'est évidemment pas terminée.
La LICRA dépose immédiatement un recours
169 La France LICRAtisée
devant la Cour de cassation afin d'obtenir l'an-
nulation du non-lieu qui, selon ses dires, « cons-
titue une insulte à la mémoire des nombreuses
victimes du milicien Paul Touvier ».
L'arrêt sera partiellement cassé. Dix des onze
chefs d'accusation tombent pour de bon, mais
reste le onzième, l'affaire de Rillieux-la-Pape :
Touvier avait effectivement fait fusiller sept per-
sonnes au lieu des cent, puis des trente exigées
par les Allemands en représailles à l'assassinat,
par un groupe de résistants, de Philippe Henriot,
s
secrétaire d'Etat à l'Information et à la Propa-
gande du gouvernement de Vichy.
Paul Touvier est renvoyé en Cour d'assises
pour crime contre l'humanité. Il est à ce
moment-là - nous sommes en 1994 - le premier
Français passible d'une telle accusation. C'est
donc par excellence un procès « aux vertus péda-
gogiques ».
Le DDV rapporte en ces termes la plaidoirie
de l'un des avocats de la LICRA, chargé de
conclure au procès : « M e Quentin se présente. Il
est catholique. Il a été élevé par les frères maristes.
Il s'honore d'être l'un des conseils de la LICRA qui
s'appelait, en 1927, la Ligue contre les pogroms.
Pour illustrer les ravages de l'antisémitisme, il se
170 Politiquement incorrect
rapproche des jurés, raconte sa jeunesse et sa ren-
contre avec une jeune fille qu'il aime. Tous deux
évoquent leur avenir et elle, timide, comme effrayée
d'une impossibilité : "Mais... je suis juive":
Sa future belle-mère, revenue du camp d'exter-
mination d'Auschwitz, lui dira un jour avoir
durant plusieurs semaines déshabillé les enfants
avant qu'ils ne soient dirigés vers les chambres à
gaz. "Je comprends qu'elle n'ait pas eu la force de
prendre notre petite fille dans ses bras durant plus
d'un an": conclut M e Quentin ».
Patrick Quentin, secrétaire général de la
LICRA, et Philippe Bataille, tous deux avocats
de la LICRA au procès Touvier, rédigeront une
plaquette sur cette affaire, qui sera largement dif-
fusée dans les établissements scolaires par l'inter-
médiaire des inspecteurs d'académie et des ensei-
gnants.
Blanchi une première fois en 1992 pour onze
chefs d'accusation, Paul Touvier est cette fois
condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour
un seul de ces chefs.
Satisfaite du verdict, - « Touvier est le premier
Français à être condamné pour crime contre
l'humanité. C'est la reconnaissance de la complicité
de Vichy avec les nazis », - la LICRA demande
171 La France LICRAtisée
immédiatement que Maurice Papon soit lui aussi
enfin déféré devant ses juges : «Au nom de
l'impérieux besoin de justice des victimes et au nom
de la mémoire et de l'honneur de la France, la
LICRA l'exige ».
La LICRA l'exige.
La finalité de ces procès à répétition apparaît
clairement à la lecture de l'éditorial du Droit de
Vivre de mai 1994 : «La mémoire a des droits
imprescriptibles, Il ne fallait pas que les sept fusillés
de Rillieux-la-Pape soient tués une seconde fois,
comme il ne faut pas effacer de la mémoire collective
les 75 000 juifs de France déportés et exterminés et
les six millions de juifs européens anéantis ».
Paul Touvier meurt en prison deux années
plus tard. Lors de ses obsèques, l'abbé Philippe
Laguérie aura ces mots : « (...) De soulagement
aussi, car nous pensons que le sort de Paul Touvier
est plus enviable entre les mains d'un Dieu qui
pardonne et qui pour cela nous a envoyé son propre
fils, qu'entre les mains des hommes qui ne pardon-
nent jamais quand leur intérêt reste en jeu, même
cinquante ans après (...) Quand Paul Touvier
réduit de trente à sept les victimes nazies de Ril-
leux, il nous semble qu'il n'est pas immoral de
parler des vingt-trois qui lui doivent la vie ;
172 Politiquement incorrect
comme il n'est pas immoral de parler des quarante-
deux prisonniers qu'il fait libérer du 21 au 24
août 1944 pour que l'horreur nazie n'ait plus ce
vivier humain à ses crimes ».
L'affaire Louis Darquier de Pellepoix
Louis Darquier de Pellepoix, ancien commis-
saire général aux questions juives du gouver-
nement de Pétain, est condamné à mort par
contumace en 1947 pour « intelligence avec une
puissance étrangère ». Il se réfugie en Espagne.
C'est là qu'il accorde, en 1978, un entretien à
un journaliste de l'Express. Il nie le génocide des
juifs et déclare que les chambres à gaz n'ont servi
à détruire que les poux. Parlant de la rafle du
Vel' d'Hiv, il charge René Bousquet : « C'est lui
qui a tout fait », ce qui déclenchera la plainte de
Serge Klarsfeld. L'interview provoque le scandale que
l'on peut imaginer.
Il est intéressant de noter que la LICA, en prin-
cipe simple association, s'est, selon ses propres
termes, « immédiatement adressée au gouvernement
espagnol pour demander l'extradition du criminel de
guerre français réfugié en Espagne depuis la fin de la
dernière guerre ». Cette extradition ne pourra pas
être obtenue, car Darquier de Pellepoix n'a
173 La France LICRAtisée
justement pas été condamné comme criminel de
guerre. Il finira ses jours en Espagne en 1980.
La LIC A menace par ailleurs L'Express, qui
appartient alors à Jimmy Goldsmith, de poursuites
judiciaires, à moins qu'il ne publie, dans ses
prochains numéros, les deux types de documents
qu'elle lui décrit avec précision en ces termes :
- le premier de nature historique pour répondre
fondamentalement à la tentative de falsification de
l'histoire des nazis et de leurs collaborateurs présents
et passés.
- le second pour dénoncer par une enquête
journalistique approfondie la tentative de bana-
lisation du nazisme et des racistes qui se manifeste
dans divers domaines.
Nous sommes en 1978. C'est l'époque du
feuilleton américain Holocauste que la télévision
française a dans un premier temps refusé d'ache-
ter, au grand dam de la LICA, au motif que les
français étaient suffisamment et amplement
informés sur ce sujet et qu'il n'était pas utile d'en
rajouter. Une époque décidément difficile à
imaginer aujourd'hui.
La LICA profite de l'« affaire Darquier » pour
réitérer sa demande auprès des responsables de la
télévision et du ministre de la communication,
174 Politiquement incorrect
Jean-Philippe Lecat, et annonce : «A défaut
d'une réponse positive dans un délai convenable, la
LICA se fera un devoir de prendre V initiative de
la projection de ce film dans une salle parisienne
pour répondre à la propagande ».
Le chroniqueur du DDV renchérit : « Il n'en
reste pas moins que, après Darquier, la télévision
française se voit dans l'obligation impérieuse de
projeter le film Holocauste. Puisqu'on a de nou-
veau ouvert la plaie, il faut aller jusqu'au bout. Il
s'agit, pour la télévision française, de pure conscience
professionnelle. Ne pas projeter Holocauste,
c'est couvrir Darquier ».
Pour ne pas « couvrir Darquier », on projettera
donc Holocauste. Le Droit de vivre peut ainsi
annoncer dès janvier 1979 : « Holocauste sera
programmé sur Antenne 2 grâce à l'action de la
LICA ». Il poursuit : « Nous pouvons considérer que
la projection en France sur une chaîne télévisée de
Holocauste est une grande victoire remportée par la
LICA, qui était intervenue auprès des pouvoirs publics
et des directeurs de télévision, qui avait usé de tout
son poids et de toute son influence pour que la France
devienne le trentième acheteur des droits de
reproduction du film ».
Mission accomplie.
175 La France LICRAtisée
L'affaire Maurice Papon
Elle sera particulièrement emblématique pour
la LICRA qui déclarera : « L'événement majeur
permis par ce procès est la condamnation par une
Cour d'assises d'un ancien ministre de la V e Repu
blique ».
Ancien secrétaire général de la préfecture de la
Gironde de juin 1942 à août 1944, chargé des
questions de police et des affaires juives, Maurice
Papon poursuit après la guerre une carrière bril-
lante, devenant préfet de police, député RPR,
puis ministre du budget de Valéry Giscard d'Es-
taingdel978àl981.
L'affaire éclate en mai 1981, entre les deux
tours de l'élection présidentielle. Maurice Papon,
âgé de soixante-dix ans, est brusquement accusé de
complicité dans la déportation de 1 690 juifs
de Bordeaux entre 1942 et 1944.
Il est curieux de noter que ses homologues de
Toulouse, Montpellier et Marseille, par exemple,
ne seront pas poursuivis, alors que de chacune
de ces villes partiront pourtant en moyenne
6 000 à 8 000 déportés, soit nettement plus que
de la Gironde.
S'il est inculpé dès 1981, ce n'est pourtant
qu'au terme de dix-sept années de batailles juri-
176 Politiquement incorrect
cliques que son procès s'ouvrira enfin en 1997,
dans un climat de lynchage médiatique intense.
Maurice Papon avait demandé dès 1981 la
constitution d'un jury d'honneur composé de
résistants, dont fit notamment partie le R.P.
Michel Riquet, membre de la LICRA. Le jury
d'honneur parvint à une conclusion modérée,
reconnaissant la qualité de résistant de Maurice
Papon à partir de 1943, mais considérant qu'il
aurait dû démissionner de ses fonctions en 1942.
Le R.P. Riquet réagira en 1986 à une présen-
tation faite par Le Droit de Vivre des conclusions
du jury d'honneur, présentation qu'il juge « ma-
nipulatrice ». Il adresse donc au journal une
lettre qu'il conclut en ces termes : « On peut
avoir une idée différente au sujet de la démission
que M. Maurice Papon aurait dû donner, mais il
est certainement contraire à toute objectivité com-
me à toute équité de le poursuivre pour des crimes
contre l'humanité qu'il n'a jamais commis ».
À la fin de 1991, pendant l'instruction, et
dans le but d'alourdir encore le dossier Papon, la
LICRA publie un communiqué rappelant sa
responsabilité dans les événements de la nuit
tragique du 17 octobre 1961 à Paris, pendant la
guerre d'Algérie : « Souvenons -nous : le 17 octobre
177 La France LICRAtisée
1961, il y a trente ans, sur directives du préfet
Maurice Papon, des milliers d'Algériens furent
pourchassés dans les rues de Paris, matraqués, abat-
tus comme du gibier; noyés dans la Seine ou arrêtés
et torturés dans les commissariats. (...) Cet épisode
sinistre de notre proche histoire, comparable à bien
des égards à la Nuit de cristal en Allemagne nazie
ou à la rafle du VeV d'Hiv, n'a laissé aucune trace
dans la mémoire officielle... »
Si cet épisode est effectivement peu glorieux, il
faut considérer qu'il s'est déroulé dans un contexte
très particulier : 22 policiers français étaient
tombés au cours des mois précédents sous les
balles du FLN, qui multipliait les attentats en
France. Les syndicats policiers avait réclamé
davantage de fermeté au préfet de police, Maurice
Papon, qui avait donc décrété, le 5 octobre 1961,
le couvre-feu pour les travailleurs algériens. C'est
pour protester contre ce couvre-feu que le FLN
organisera une manifestation massive, que le
général De Gaulle donnera l'ordre au préfet de
police d'interdire et de disperser par tous les
moyens. Ce qui fut fait. Quant au nombre de
morts c'est par dizaines qu'on les comptera, et
certainement pas par centaines ou par milliers,
comme la LICRA voudra le faire croire.
178 Politiquement incorrect
En 1997 arrive enfin l'heure tant attendue de
ce procès qualifié d'historique. Les avocats de la
LICRA, qui le préparaient depuis des années,
sont présents comme parties civiles. L'accent est
mis cette fois sur le « crime de bureau », celui
du haut-fonctionnaire qui ne prend pas lui-
même part aux actes, mais qui donne les ordres
et signe les papiers.
A l'issue de six mois de procès, Maurice Papon
est condamné en 1998 à 10 ans de réclusion
pour complicité de crimes contre l'humanité.
Il est libéré pour raison de santé en 2002, une
décision que la LICRA juge « navrante » : « Nous
avons toujours dit qu'il devait rester en prison car
il a commis des crimes impardonnables. Sa déten-
tion était plus douce que le sort de ceux qui ont
subi ses décisions à Bordeaux et n'ont pas eu comme
lui la chance même de rester en prison ».
En Israël, le responsable du centre Simon
Wiesenthal qualifie cette libération de « décision
éminemment regrettable ».
L'affaire René Bousquet
René Bousquet, plus jeune préfet de France en
1940, est secrétaire général de la police de Vichy
d'avril 1942 à décembre 1943. Il est condamné
179 La France LICRAtisée
en 1949 à cinq ans d'indignité nationale, con-
damnation qui sera aussitôt annulée pour « faits
de résistance ».
Contrairement à Maurice Papon, il disparaît
ensuite de la scène publique, se consacrant aux
affaires, ce qui ne l'empêchera pas d'être un ami
intime de François Mitterrand, qui déclarera à
son propos : « Ce n'était pas un vichy ssois fana-
tique, comme on Va présenté... c'était un homme
d'une carrure exceptionnelle. Je l'ai trouvé plutôt
sympathique, direct, presque brutal. Je le voyais
avec plaisir. Il n'avait rien à voir avec ce qu'on a
pu dire de lui ».
François Mitterrand éprouvait d'ailleurs un
plaisir pervers à demander à ses amis socialistes,
à l'issue de l'un ou l'autre déjeuner auquel Bous-
quet avait été convié : « Savez-vous avec qui vous avez
déjeuné ? Savez-vous qui est Bousquet ? ».
Après quasi cinquante ans d'indifférence, lui
aussi se voit brusquement poursuivi en 1990, à
l'âge de quatre-vingt ans, pour crimes contre
l'humanité. Il est accusé d'avoir aidé à la dépor-
tation de juifs, notamment lors de la rafle du
Vel' d'Hiv.
Pour pouvoir le poursuivre pour crimes contre
l'humanité, il fallait trouver un fait nouveau. En
1 80 Politiquement incorrect
cherchant bien, les avocats de la LICRA, Mes
Klarsfeld et Libman, finiront par trouver que fin
août 1942, René Bousquet avait fait annuler
plusieurs dispositions réglementaires mettant à
l'abri des rafles certaines catégories d'enfants
juifs en fonction de leur âge.
Mais l'instruction traîne en longueur, et la
LICRA s'impatiente. Le 15 novembre 1990, elle
appelle à manifester devant le Palais de Justice de
Paris et devant tous les Palais de Justice des
grandes villes de France : «A l'heure où certains
nient ou contestent la réalité du génocide et de la
solution finale il est important que le procès de
René Bousquet ait lieu, non pas seulement pour
punir, mais aussi pour rappeler à l'opinion publi-
que le rôle criminel de la collaboration du gouver-
nement de Pétain ».
Mais il n'y aura pas de procès. René Bousquet
est assassiné en 1993 par un déséquilibré, ce que
la LICRA commente en ces termes : « C'est la
consternation, non parce que Bousquet est mort,
mais parce que ce meurtre a empêché que le procès
qui commençait à se profiler ait lieu ».
Serge Klarsfeld ajoutera en guise d'épitaphe :
« L'affaire elle-même a été un formidable levier péda-
gogique. Ne regrettons rien. Si ce n'est un procès qui
181 La France LICRAtisée
aurait été une grande victoire pour la société fran-
çaise. De cela, c'est vrai, nous serons privés ».
* *
Un souci d'équité et de justice, s'agissant de
crimes contre l'humanité, aurait pu conduire la
LICRA ou d'autres organisations défendant les
droits de l'homme, à dénoncer pareillement les
criminels de guerre ayant opéré dans le camp
communiste et à faire pression pour qu'ils con-
naissent, eux aussi, un châtiment exemplaire. Ils
sont au moins aussi nombreux que de l'autre
côté. Sans remonter jusqu'à la dernière guerre
mondiale, les bourreaux du peuple cambod-
gien^, par exemple, non seulement n'ont fait
l'objet d'aucun jugement, mais plusieurs ex-
dirigeants khmers rouges ont-ils été reconnus et
légitimés par la communauté internationale.
Certes, les crimes communistes n'ont pas été
commis par « racisme » mais pour d'autres rai-
sons follement idéologiques. En sont-ils moins
terrifiants et plus excusables pour autant ?
Quoi qu'il en soit, la dimension internationale
dont se targue la LICRA lui aurait permis
d'exercer une pression, au moins médiatique. On
a vu en d'autres circonstances que son efficacité
1 82 Politiquement incorrect
pouvait être décisive. Il faut reconnaître que rien
de tel ne s'est produit.
Ce devoir de mémoire, qui touche pourtant
des dizaines de millions de victimes du com-
munisme en général, reste encore à accomplir.
En France, ces procès à répétition qui inter-
viennent des décennies après les faits et s'achar-
nent contre des vieillards, répondent en réalité à
bien d'autres nécessités que le souci de justice ou
le devoir de mémoire.
Ils sont là tout d'abord pour rappeler à
l'opinion publique la dette de la France à l'égard
des juifs, et donc d'Israël.
Mais ils doivent également opposer un
démenti éclatant aux assertions des révision-
nistes, qui se font de plus en plus insistants.
La LICRA et les révisionnistes
Après la seconde guerre mondiale, un danger
nouveau et gravissime vient menacer un équili-
bre vital à la fois pour Israël et la diaspora : d'an-
ciens déportés, des universitaires, ou même des
historiens, s'interrogent sur certains aspects de la
shoah et remettent en question la vérité officielle
issue en 1945-1946 des délibérations du Tribu-
nal de Nuremberg.
Cette vérité officielle concerne essentiellement
le nombre des victimes juives, que le Tribunal
chiffrera à six millions, chiffre sacralisé depuis
lors.
Tout ce qui entoure le Tribunal militaire de
Nuremberg est d'ailleurs à ce point sacralisé qu'il
s'est trouvé une loi en France, votée en 1990,
pour criminaliser tout questionnement et tout
doute sur les méthodes et les conclusions du Tri-
bunal.
pourtant, lors de son installation, un certain
nombre d'objections furent soulevées.
1 84 Politiquement incorrect
Le Tribunal militaire de Nuremberg
Ce Tribunal, constitué par les puissances
s
victorieuses - Etats-Unis, Angleterre, URSS et
France - siégea d'octobre 1945 à octobre 1946
pour juger les criminels de guerre nazis.
Nahum Goldmann, qui fut, après la guerre,
président à la fois du Congrès Juif Mondial
(CJM) et de l'Organisation sioniste internatio-
nale, écrit dans ses mémoires, The Jewish Para-
dox, que seuls les efforts redoublés du CJM réus-
sirent à convaincre les Alliés de convoquer ce
Tribunal dont la tenue fut loin de faire l'unani-
mité.
Un certain nombre de voix de juristes et d'his-
s
toriens se firent entendre aux Etats-Unis mêmes
pour mettre en doute sa validité.
Le sénateur américain Robert A. Taft, consi-
déré comme la conscience morale du Parti répu-
blicain, émit publiquement ce jugement sur le
Tribunal de Nuremberg le 5 octobre 1946 : « Le
jugement du vaincu par le vainqueur ne peut être
impartial quelles que soient les formes juridiques mises
en œuvre. (...) Tout ce procès se résume à la
soif de vengeance, et la vengeance est rarement le
synonyme de justice. La pendaison de onze hommes
condamnés sera une tache sur la conscience améri-
1 85 La France LICRAtisée
caine que nous allons longtemps regretter. A Nu-
remberg, nous avons accepté le principe soviétique
qu'un procès sert les intérêts politiques du gouver-
nement et non l'idéal de justice. Cette conception
est très éloignée de l'idée anglo-saxonne du droit
qui est notre héritage. En travestissant la politique
avec les oripeaux du formalisme judiciaire, nous
avons discrédité l'idée même de justice en Europe
pour les années à venir ».
Cette participation soviétique au procès, avec le
s
soutien des Etats-Unis, conduisit d'ailleurs le
diplomate et historien américain George F. Ken-
nan à condamner tout le processus de Nuremberg
comme une « horreur » et une « farce ».
Le Tribunal introduisit dans le domaine du
droit international la notion de crimes contre
l'humanité, ce qui constitue un progrès réel, à
condition bien évidemment que tous les crimes
contre l'humanité, sans exception, soient pris en
compte.
Son article 6 définissait ainsi ces crimes :
« L'assassinat, l'extermination, la réduction en es-
clavage, la déportation et tout autre acte inhumain
commis contre toutes populations civiles, avant ou
pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des
motif politiques, raciaux ou religieux lorsque ces
1 86 Politiquement incorrect
actes ou persécutions, qu'ils aient constitué ou non
une violation interne du pays où ils ont été per-
pétrés, ont été commis à la suite de tout crime ren-
trant dans la compétence du Tribunal ou en liai-
son avec ce crime ».
Il est clair que cette définition aurait pu s'ap-
pliquer également aux puissances juges et parties
au Tribunal. Et en tout premier lieu à l'URSS qui
siégeait au Tribunal en qualité de procureur, alors
que les victimes de Staline se comptaient déjà à
cette époque par dizaines de millions et que, six
ans auparavant, la France et l'Angleterre avaient
voté son expulsion de la Société des Nations pour
avoir agressé sans motif la Finlande.
s
Ou aux Etats-Unis, dont le président, Tru-
man, n'avait pas hésité à envoyer deux bombes
atomiques, les 6 et 9 août 1945, sur les civils vivant à
Hiroshima et Nagasaki.
Ou à l'Angleterre qui avait rasé des villes alle-
mandes, notamment Dresde, dont le bombarde-
ment au phosphore, sans aucune raison stratégi-
que, du 13 au 15 février 1945, fit périr dans les flammes
des dizaines de milliers de personnes.
Il est intéressant de noter que les modalités du
Tribunal de Nuremberg avaient été préalable-
ment fixées par les Accords de Londres, qui
1 87 La France LICRAtisée
avaient également défini les chefs d'inculpation
nazis.
Or ces Accords avaient été signés le 8 août
1945, soit très exactement entre les deux séries
de bombardements sur Hiroshima et sur Naga-
saki... Sans apparemment de troubles de cons-
cience de la part des vainqueurs.
Mais le Tribunal de Nuremberg n'avait à juger
que des crimes allemands, et l'article 6 ne s'ap-
pliquait exclusivement qu'à eux.
Les preuves requises par le Tribunal faisaient
l'objet de trois articles ainsi libellés :
Article 19 : le Tribunal ne sera pas lié par les
règles techniques relatives à l'administration des
preuves. Il adoptera et appliquera autant que possi-
ble une procédure rapide et non formaliste et ad-
mettra tout moyen qu'il estimera avoir une valeur
probante
Article 20 : le Tribunal pourra exiger d'être in-
formé du caractère de tout moyen de preuve avant
qu'il ne soit présenté, afin de pouvoir statuer sur sa
pertinence
Article 21 : le Tribunal n'exigera pas que soit
rapportée la preuve de faits de notoriété publique,
mais les tiendra pour acquis. Il considérera égale-
ment comme preuves authentiques les documents et
188 Politiquement incorrect
rapports officiels des gouvernements des Nations
unies, y compris ceux dressés par les commissions
établies dans les divers pays alliés pour les enquêtes
sur les crimes de guerre, ainsi que les procès-
verbaux des audiences et les décisions des tribunaux
militaires ou autres tribunaux de l'une quelconque
des Nations unies.
En vertu de quoi l'exécution massive, en mai
1940, de 4123 officiers polonais à Katyn, une
forêt près de Smolensk en Russie, fut attribuée
sans sourciller par le Tribunal de Nuremberg à
l'« envahisseur fasciste » et ce, sur la foi du
document soviétique URSS-54.
Il faudra attendre 1990 pour que les autorités
russes finissent par reconnaître officiellement ce
qui était parfaitement connu dès la fin de la
guerre par les occidentaux, à savoir que la tuerie
de Katyn avait en réalité été perpétrée par le
NKVD, la police secrète stalinienne, dans le but
de décapiter l'intelligentsia polonaise.
Malgré ces évidents problèmes liés aux preuves et
aux témoignages plus ou moins fiables, et pollués
de surcroît par des impératifs idéologiques et poli-
tiques, il est totalement interdit, aujourd'hui plus
que jamais, de contester de quelque manière que
ce soit les conclusions du Tribunal de Nuremberg.
1 89 La France LICRAtisée
Pourtant, des années plus tard, en janvier
1996, le DDV publiera sous le titre « Le TPI »,
un article annonçant la création du Tribunal Pé-
nal International en ces termes assez étonnants :
« Deux résolutions de l'ONU, 808 du 22 février
1993 et 827 du 25 mai 1993, adoptées à l'una-
nimité, ont créé le Tribunal Pénal International
pour les crimes commis sur le territoire de V ex-
Yougoslavie et défini son domaine d'intervention.
Le conseil de sécurité a rendu ce TPI obligatoire.
La France y a joué un rôle déterminant sur les
plans diplomatique et juridique. La création de ce
TPI est un événement en droit international car il
rompt avec les expériences précédentes : ce n'est ni
un u tribunal de vainqueurs" comme ceux de Nu-
remberg et de Tokyo, ni un tribunal de victimes. Il
a été conçu pour être impartial et indépendant et
possède une assise juridique solide ».
Ainsi donc, selon les propres termes du DDV, le
Tribunal de Nuremberg n'aurait été qu'un tri-
bunal de vainqueurs, ni impartial, ni indépen-
dant et ne possédant pas d'assise juridique soli-
de ?
Affirmation pour le moins étrange venant de
laLICRA...
190 Politiquement incorrect
Qui sont les révisionnistes?
Sous le terme générique de révisionnisme se
cachent en réalité des notions très diverses, allant
de la négation pure et simple du génocide nazi
aux querelles sur les méthodes d'extermination et
le nombre des victimes, voire sur la définition
même du terme génocide.
Et les révisionnistes ne sont pas tous « d'ex-
trême droite », tant s'en faut.
Le premier d'entre eux, chronologiquement, est
d'ailleurs un ancien militant successivement com-
muniste, puis socialiste et pacifiste, Paul Rassinier.
C'est en tant que résistant qu'il est arrêté en 1943
et déporté à Buchenwald et à Dora, deux camps
nazis qui présentaient la particularité d'avoir une
véritable « direction parallèle » aux mains des
communistes, principalement allemands. Les S S
leur avaient délégué un certain nombre de fonc-
tions dont ils usèrent à leur gré.
Paul Rassinier fait paraître en 1950 Le men-
songe d'Ulysse, dans lequel il conteste l'existence
des chambres à gaz - qui, de fait, n'existaient pas
dans les deux camps où il avait été détenu - et
donne libre cours à sa haine des communistes.
Ce livre marque le début d'une guerre sans
merci de la LICRA contre les « faussaires de
191 La France LICRAtisée
l'histoire », qu'elle accuse de vouloir effacer la
shoah de la mémoire de l'humanité. Ou de la
banaliser, ce qui revient au même.
La shoah est et doit rester le pire crime qui se
soit jamais produit sous la voûte des cieux. Rien
ne lui est comparable, rien ne peut ni ne doit lui
être comparé.
Mais le danger est grand, car Paul Rassinier ne
va pas rester un cas isolé. D'autres auteurs, de plus
en plus nombreux, vont suivre, y compris à l'étran-
ger. En Allemagne, Thies Christophersen publie Le
mensonge d'Auschwitz, et en Angleterre, c'est David
Irving qui publie en 1977 La guerre d'Hitler.
David Irving dira plus tard : « En 1977, j'ai
été l'objet de pressions pour inclure dix pages de
contre-vérités à propos de ce qui est appelé "holo-
causte": J'ai refusé. En conséquence, des contrats
ont été annulés avec le Sunday Times, le Reader's
Digest et des éditeurs américains ».
En France, l'un des plus célèbres révisionnistes
est Robert Faurisson, universitaire lyonnais, qua-
lifié de « chef de file des détracteurs de l'histoire ».
Il publie en 1978 une étude, Recherches sur la
genèse de la légende des chambres à gaz.
La LIC A l'assigne en justice en 1979 pour
falsification de la vérité historique et indique
192 Politiquement incorrect
subtilement à la justice quelle « marche à sui-
vre » lui donnerait satisfaction :
«Si le tribunal admet que "l'historien" a man-
qué de prudence et de sérieux dans ses assertions,
qu'il n'a pas fait preuve d'honnêteté intellectuelle et
de rigueur dans ses recherches, que ses conclusions
historiques sont fausses parce qu'il a interprété des
textes ou des témoignages et que, par voie de con-
séquence, il a travesti la vérité pour tromper l'opi-
nion, M. Faurisson sera disqualifié et la mémoire
des victimes des nazis sera respectée ».
Mais le châtiment judiciaire éventuel ne suffit
pas à la LIC A. Sans attendre le jugement du
tribunal, le président Pierre-Bloch écrit au ministre
s
de l'Education nationale pour l'inviter à « interdire
à M. Faurisson d'utiliser sa qualité de maître de
conférence et le nom de l'Université de Lyon 2 pour
exposer ses thèses, objet de poursuites judiciaires, et à
suspendre les enseignements de M. Faurisson qui sont
en relation avec ces mêmes poursuites, et ce aussi
longtemps que la justice n 'aura pas statué ».
En mars 1981, à la veille d'un procès dont l'is-
sue ne semble faire aucun doute pour la LICRA,
le DDV justifie son action en ces termes :
« En faisant comparaître en justice M. Fauris-
son, la LICRA ne porte pas atteinte à la liberté
193 La France LICRAtisée
d'expression. Elle la responsabilise, ce qui est tout
autre chose. Le tribunal ne sera pas invité à bâil-
lonner la voix ou à interdire les études de l'accusé,
mais à constater que M. Faurisson n'a pas dit ni
écrit toute la vérité, rien que la vérité sur les camps
d'extermination nazis, les chambres à gaz et l'am-
pleur du génocide. (...) Condamné, il ne le sera
pas au détriment de la liberté d'expression mais au
bénéfice de la vérité qu'il a volontairement malme-
née pour nuire à la mémoire des victimes du
national- socialisme et du même coup, tenter de
réhabiliter les criminels de guerre nazis ».
La LICRA ne se trompait pas. Robert Faurisson
est condamné en juillet 1981 à une forte amende
en dommages et intérêts.
De l'autre côté de l'échiquier politique, les
révisionnistes se sont regroupés autour des édi-
tions d'extrême gauche La Vieille Taupe, autre
bête noire de la LICRA. Considérant que Roger
Faurisson a droit à la liberté d'expression, Jean-
Gabriel Cohn-Bendit, frère de « Dany le
rouge », fait paraître en 1981 un ouvrage collec-
tif Intolérable intolérance, qui nie les chambres à
gaz et les déportations.
Il est évident que les témoignages, y compris
ceux des survivants, ne sont pas obligatoirement
194 Politiquement incorrect
fiables. Même de bonne foi, des erreurs peuvent
survenir, s'agissant d'un sujet aussi passionnel et
sensible. Et les risques d'erreurs augmentent
lorsque les faits remontent à plusieurs décennies.
Les exemples suivants en offrent l'illustration.
Le difficile problème des témoins
Le DDV consacre en 1985 une page entière au
film de Claude Lanzmann, Shoah, qui vient de
sortir et qui dure neuf heures trente minutes. Un
film qualifié de « projet d'intérêt national » par
s
l'Etat d'Israël, qui a participé à son financement.
Le cinéaste raconte dans cette interview la
difficulté qu'il a eue à retrouver des témoins et
la manière dont il les a dirigés, ce que le DDV
rapporte en ces termes :
« Lanzmann les a poussés, forcés à revivre l'hor-
reur, avec pour seule attestation du vrai, les mimi-
ques du visage, lorsqu'ils racontaient. Ces événe-
ments sont d'une telle magnitude qu'ils créent leur
propre mythologie fondatrice. A quel moment le
mythe intervient-il ? Lanzmann donne pour exem-
ple un épisode du film où les paysans polonais ra-
content la routine des navettes des camions à gaz
qui défilent chaque jour. La routine se brise à par-
tir d'un événement inouï : un accident : le camion
195 La France LICRAtisée
à gaz se renverse, les portes s'ouvrent et les juifs, à
demi asphyxiés, tombent sur la route.
Il y a eu un seul témoin qui l'a raconté aux autres,
et tous l'ont raconté comme s'ils en avaient été les
vrais témoins : légende et aussi vérité. C'est tout cela
qui a permis au film de vivre au présent ».
Le film Shoah sera également diffusé en Polo-
gne, et à ce propos, Claude Lanzmann déclare
au DDV : « Pour en revenir aux dirigeants polo-
nais, ils ont été infâmes en envoyant des journa-
listes interroger certains paysans qui sont dans mon
film pour leur faire dire que c'est moi, Lanzmann,
qui leur avait mis des idées antisémites dans la tête
mais qu'ils n'étaient pas le moins du monde de cet
avis. En somme, je les aurais payés pour qu'ils
disent ce qu'ils ont dit. Extraordinaire! C'est une
attitude qui les condamne eux-mêmes ».
Pourtant, André Glucksmann avait déclaré lors
d'une projection du film à Dijon, et ces propos
sont quand même assez étonnants : « La force de
ce film est de montrer non ce qui s'est passé - il s'en
garde bien - mais la possibilité de ce qui s'est passé ».
On pourra mesurer une nouvelle fois l'ambi-
guïté qui s'attache aux témoignages en 1993. Le
Droit de Vivre annonce la publication, aux éditions
du CNRS, d'un ouvrage du pharmacien Jean-
196 Politiquement incorrect
Claude Pressac^ sur Les crématoires d'Auschwitz,
ouvrage qui déclenche une polémique. Pour cer-
tains, en effet, cette enquête « apporte une preuve
irréfutable de l'existence des chambres à gaz et fours
crématoires ». Pour d'autres, poursuit le DDV,
« dont Claude Lanzmann, le danger de cette enquête
technique est de fragiliser les nombreux témoignages
de survivants qui ont tout dit en la matière et dont
la parole n'a pas à être soumise à un quelconque
doute, y compris scientifique ».
L ' affaire Dem j anjuk
Cette affaire, non pas française mais israélo-
américaine, prouve elle aussi à quel point les
témoignages peuvent se fourvoyer. Elle trouve
son épilogue en 1993. L'accusé, John Demj an-
juk, condamné une première fois à mort, sera
finalement déclaré innocent des crimes dont on
l'accusait, car il y eut tout bonnement erreur sur
la personne.
Le DDV relate en ces termes plutôt curieux
son acquittement : «Après l'acquittement par la
Cour suprême israélienne de John Demjanjuk, dit
Ivan le terrible, bourreau du camp d'extermination
nazi de Treblinka, Elie Wiesel déclarait qu'il y a
«pour la première fois conflit entre justice et
197 La France LICRAtisée
mémoire. Je ne doute pas de la sincérité des juges
en Israël je respecte leur souveraineté, mais quand
je songe aux six survivants de Treblinka, qui ont
mis leur mémoire, leur vie, leur expérience sur la
balance, j'ai mal pour eux et avec eux ».
En d'autres termes, pour ne pas faire de peine
aux survivants de Treblinka, il aurait mieux valu
condamner un innocent et ne pas faire tant
d'histoires ?
Car c'est là tout l'extraordinaire de ce cas, sur
lequel le DDV est fort peu loquace, bien qu'il
persiste dans son article à qualifier John Demjan-
juk de bourreau du camp de Treblinka, qu'il n'a
jamais été.
s
Ukrainien émigré aux Etats-Unis en 1952,
John Demjanjuk est accusé au début des années
1980 par l'OSI^ d'être Ivan le terrible, bourreau
de Treblinka, et ce, sur la foi de témoignages.
Malgré ses dénégations, on lui retire sa ci-
toyenneté américaine, et il est extradé vers Israël
en 1986. Là, il est déclaré coupable et condamné
à mort en 1988.
Les condamnations à mort en Israël sont
obligatoirement soumises à la Cour suprême.
C'est ce qui le sauve, car durant cette procédure,
l'URSS s'effondre. L'avocat de Demjanjuk aura
198 Politiquement incorrect
accès à des archives judiciaires auparavant inac-
cessibles et y découvre la preuve irréfutable
qu'Ivan le terrible avait été un autre Ukrainien,
du nom d'Ivan Marchenko, disparu en Yougos-
lavie en 1944. Cet avocat, Yoram Sheftel, sera
d'ailleurs traîné dans la boue et manquera d'être
aveuglé par un jet d'acide lancé par un ancien
déporté d'Auschwitz.
Il faudra cependant attendre 1993 pour que Demjanjuk
soit définitivement acquitté et puisse
s
enfin rentrer aux Etats-Unis, où il sera accueilli
de très mauvais gré. Après treize années de
poursuites dont sept années dans une prison de
très haute sécurité en Israël !
Nouvellement créé au début de l'affaire, l'OSI,
qui tenait essentiellement, pour des raisons de
crédibilité et de financement, à ce que le procès
ait lieu et à ce que l'accusé soit condamné, fut
fortement suspecté d'avoir retenu volontaire-
ment, bien avant sa condamnation, des éléments
prouvant son innocence.
Roger Garaudy et l'abbé Pierre
Les procès à répétition ne suffisent cependant
pas à endiguer le flot des parutions révision-
nistes. Face aux offensives répétées de ces der-
199 La France LICRAtisée
niers et à la fragilité évidente de certains témoi-
gnages, il faut imposer le silence coûte que
coûte. Frapper plus fort et rendre le sujet
shoah définitivement tabou. Ce sera le rôle assi-
gné à la loi Fabius-Gayssot, votée en 1990.
Cette loi n'empêchera pourtant pas l'ancien
communiste Roger Garaudy de publier en 1995
un ouvrage retentissant, Les mythes fondateurs de la
politique israélienne.
Il s'agit là d'un nouvel épisode particulière-
ment marquant de l'histoire du révisionnisme.
Dès la parution du livre, tout l'establishment
unanime se déchaîne contre lui. C'est qu'il a
enfreint le tabou suprême : non seulement
il remet en cause un certain nombre de vérités
officielles concernant la shoah, qu'il replace dans
le contexte meurtrier de l'époque, mais il se
montre également très critique envers la poli-
tique d'Israël à l'égard des Palestiniens.
Le scandale est d'autant plus grand que Roger
Garaudy se voit soutenu par... l'abbé Pierre, qui
devient ainsi, à son corps défendant, le plus
illustre des révisionnistes.
Qu'est donc venu faire l'abbé Pierre dans cette
galère ? Son crime est d'avoir accordé sa caution
morale au livre de son ami « de quarante ans »
200 Politiquement incorrect
et, devant le lynchage médiatique, d'avoir persis-
té et signé.
Naïveté ou provocation? Dans un courrier de
soutien à Garaudy, l'abbé Pierre écrit : « II est
tout à fait normal que nous ayons été portés à des
exagérations après la guerre. J'étais encore à Ausch-
witz il y a six mois, là où l'on avait inscrit sur une
plaque qu'il y avait eu quatre millions de morts.
Puisqu'on est revenu aujourd'hui au chiffre d'un
million, c'est que le chiffre de quatre millions était
exagéré ».
Il est des comptabilités dangereuses : L'abbé
Pierre ne va pas tarder à s'en rendre compte.
Sommé par les institutions religieuses, politi-
ques et morales du pays de se rétracter, il réaffir-
me au contraire son soutien à Roger Garaudy
aussi longtemps que « les erreurs contenues dans
son livre ne lui auront pas été démontrées » et
propose de convoquer un colloque d'historiens
avec les révisionnistes !
Une proposition qui se verra repoussée avec
indignation : « Le jour où l'on accepte un de ces
messieurs dans un débat public à la télévision ou
dans un colloque d'historiens, ils ont gagné la
partie, ils sont considérés comme une école. Il faut
le leur refuser impitoyablement », dira Pierre
20 1 La France LICRAtisée
Vidal-Naquet, historien fortement engagé dans
la défense des droits de l'homme.
Autrement dit, il ne faut discuter qu'entre
gens du même avis.
Tout comme Roger Garaudy, l'abbé Pierre est
désavoué par l'establishment unanime et, su-
prême punition, se voit exclu du comité d'hon-
neur de la LICRA !
Mais il ne sera pas, curieusement, poursuivi en
justice comme bien d'autres.
D'ailleurs, loin de faire repentance, il ne tarde
pas à aggraver son cas. Dans une interview à Libé-
ration, il déclare : « C'est un terrain sur lequel un
organisme comme la LICRA déclare d'une manière
absolument dogmatique qu'il s'agit d'un sujet sacré et
que toute recherche historique (....) n'est pas néces-
saire. Ils n'acceptent absolument pas le dialogue, con-
trairement à Garaudy. Ils considèrent que le débat est
clos. Qu 'oser le rouvrir n 'est pas possible. Par exemple
sur la question des chambres à gaz, il est vraisem-
blable que la totalité de celles projetées par les nazis
n'ont pas été construites... mais mes amis de la
LICRA me disent qu'avancer de telles affirmations,
c'est contester la shoah. Ce n'est pas sérieux ».
Séjournant après ces péripéties en Italie, il
confie à la presse : « L'Eglise de France est ensuite
202 Politiquement incorrect
intervenue pour me faire taire sous la pression de
la presse inspirée par un lobby sioniste internatio-
nal »
Un lobby sioniste international, mais où va-t-il
chercher tout ça ?
Le dernier épisode en date de la lutte de la
LICRA contre les révisionnistes sera la mise en
cause de Bruno Gollnisch, député européen FN,
après que « sans nier les chambres à gaz homici-
des », il ait déclaré en octobre 2004 qu'il fallait
laisser les historiens en discuter et que « cette
discussion devait être libre ».
A cette occasion, Patrick Gaubert, président de
la LICRA et lui aussi député européen, ful-
minera : «Personne ne dit que c'est inacceptable, je
trouve abject ce silence de tout le monde... La classe
politique et les députés au Parlement européen sont
en dessous de tout. (...) Ce qu'il a dit est pire que
ce qu'avait dit Jean-Marie Le Pen et au Parlement
européen cette fois, ni le Parti Populaire Européen,
ni les Verts, ni les socialistes n'ont bougé ».
Les noms de rue
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, ce
sujet n'est nullement anecdotique. Nous sommes
là dans le domaine du symbole, qui revêt une
grande importance, la LICRA le sait parfaite-
ment bien.
Le nom donné à une rue est un nom qui passe
à la postérité. Et certains noms ne doivent juste-
ment pas passer à la postérité.
La Ligue a donc toujours porté une grande
attention a cette question, et nous verrons que
le rejet absolu de Vichy a également trouvé à se
manifester dans ce domaine.
En avril 1972, Deauville décide d'inaugurer,
dans un nouveau quartier, une rue du Maréchal
Pétain.
s
Emotion à la LICA, qui laisse poindre la
menace : « Nous nous refusons encore à croire que
M. d'Ornano, maire de la "plage fleurie" se prê-
terait à cette triste comédie au risque de provoquer
de graves incidents et de compromettre sa saison ».
204 Politiquement incorrect
La LICA n'aura pas à mettre sa menace à
exécution, car heureusement, trois numéros plus
tard, le DDV annonce que la campagne qu'elle
a déclenchée a porté ses fruits et que la muni-
cipalité a renoncé à son projet.
Par contre, en novembre de la même année, le
DDV s'interroge: « A quand une rue Vincent
Auriol ? ». Il faut dire que la mémoire de Vin-
cent Auriol, ancien président de la Républi-
que^, socialiste et membre d'honneur de la
LICA, est spécialement chérie.
Ce sera chose faite dès 1975. Daniel Benas-
saya, conseiller de Paris et membre du comité
central de la LICA, fait adopter par le conseil
municipal le Boulevard Vincent Auriol, dans le
XIII e arrondissement.
Avant les municipales de 1977, la LICA
demande aux candidats des engagements sur de
futures rues Bernard Lecache et Jules Isaac à
Paris. Jacques Chirac devient maire de la capi-
tale, et la rue Bernard Lecache est inaugurée dès
octobre 1979. Il y aura par la suite bien d'autres
rues ou squares Bernard Lecache en France,
spécialement dans les municipalités socialistes.
A partir de 1992, l'intérêt porté aux noms de
rues devient conflictuel. Il ne s'agit plus seule-
205 La France LICRAtisée
ment d'empêcher certaines créations inoppor-
tunes, ou d'en réclamer d'autres, opportunes
celles-là. La LICRA veut à présent débaptiser des
lieux publics portant des noms non politi-
quement corrects.
Comme celui d'Alexis Carrel, médecin et
biologiste français, prix Nobel de médecine en
1912, dont François Mitterrand disait encore en
juin 1992 : « Ce fut un des esprits les plus clair-
voyants depuis un siècle et demi ». Le nom de ce
grand savant, précurseur des greffes d'organes,
s
ayant fait l'essentiel de sa carrière aux Etats-Unis,
va tout à coup faire couler beaucoup d'encre.
Dans son ouvrage le plus célèbre, paru en
1935, L'homme, cet inconnu, Alexis Carrel prô-
nait une certaine forme d'eugénisme, ou
sélection biologique, théorie alors très en vogue
dans les pays anglo-saxons et en Europe du
nord^. Sur cette base, on va faire de lui carré-
ment le théoricien des chambres à gaz et déchaî-
ner une cabale devant laquelle presque toutes les
villes de France s'inclineront.
Pourtant, durant ces mêmes années 30, en
URSS, Maxime Gorki, l'un des fondateurs de la
LICRA en 1927, proposait, lui, des expérimen-
tations eugéniques sur « les ennemis de classe » du
206 Politiquement incorrect
régime, qualifiés d'« êtres de type inférieur, dégé-
nérés physiquement et moralement ».
Et en France même, en 1937, sous le Front
populaire, était édité un timbre-poste représen-
tant une mère portant son enfant avec le slogan :
« Pour sauver la race ».
Pour faire monter la pression, un livre est
publié en 1992 par Lucien Bonnafé et Patrick
Tort : L'homme cet inconnu ? Alexis Carrel, Jean-Marie
Le Pen et les chambres à gaz. Les auteurs
ne craignent apparemment ni les amalgames, ni
les raccourcis. Mais il est vrai, précise le DDV,
que c'est «pour briser le silence sur cette question
et donner à comprendre (...) Avec cet ouvrage, il
s'agit de cultiver la mémoire des "faits" afin que
reste en éveil permanent la conscience humaine ».
Dans ces conditions, il n'y a évidemment rien
à dire...
La campagne d'intimidation menée par la
LICRA débute à Lyon, dont la faculté de méde-
cine Alexis Carrel est contrainte, sous la pres-
sion, de changer de nom.
En 1993, c'est au tour de Strasbourg de faire
passer à la trappe sa rue Alexis Carrel.
Mais là, il faut dire que la municipalité
socialiste, trop heureuse de complaire à la
207 La France LICRAtisée
LICRA, a pris les devants. Dorénavant, à la
place, on trouve la rue Heidi Hautval, médecin
psychiatre d'origine alsacienne, déportée à Aus-
chwitz pour avoir pris la défense d'une famille
juive. C'est le DDV qui nous l'apprend.
La campagne nationale anti-Alexis Carrel se
poursuit sur tout le territoire. Des villes se
soumettent immédiatement, comme Limoges ou
Lyon. Suivront Dunkerque, Tours. En 1994, pas
moins de vingt villes françaises auront retiré ce
nom honni de la circulation.
Mais à Paris, la LICRA rencontre de la résis-
tance. Réclamant en 1994 que la rue Alexis Car-
rel, dans le xv e arrondissement, soit débaptisée,
elle se heurte, à son grand étonnement et à sa grande
fureur, à un refus ainsi motivé :
« II ne lui apparaît pas [à la commission de
dénomination des voies, ndla] opportun de dé-
baptiser toutes les voies qui portent les noms de
ceux qui, se fondant sur un raisonnement scien-
tifique et sur la présomption d'une amélioration
indéfinie de l'espèce humaine, ont vu dans l'eugé-
nisme, en pleine vague de V idéologie du progrès,
une suite logique de la sélection darwinienne, sans
pressentir les conséquences dramatiques de V ap-
plication radicale de leur thèse ».
208 Politiquement incorrect
Bien évidemment, la LICRA ne désarme pas
et fait monter la pression. Une manifestation va
solennellement se livrer à un simulacre de « dé-
baptême » de la rue.
Malgré les pressions, le maire de Paris, Jean
Tibéri, n'a toujours pas cédé en 1997. C'est le
maire suivant, le socialiste Bertrand Delanoë,
grand ami de la LICRA, qui lui donne enfin
satisfaction. Ce sera même une de ses premières
décisions, puisqu'en date du 10 avril 2001, à
peine élu, il annonce que la rue Alexis Carrel sera
rebaptisée... rue Jean Pierre-Bloch, du nom de
l'ancien président de la LICRA ! Coup double !
La nouvelle rue est inaugurée en grande
pompe en mars 2003 devant un parterre de
personnalités. Bertrand Delanoë déclare à cette
occasion : « Nous vivons ce moment avec d'autant
plus d'émotion qu'il traduit aussi la fin d'un
outrage. Cette rue s'appelait Alexis Carrel. Alors
nous revient à l'esprit le combat pour refuser le
nom indigne qui rime avec eugénisme. Ensemble,
avec la LICRA, la Ligue des Droits de l'Homme,
le MRAP nous avons lutté pendant toutes ces
années pour dénoncer l'inacceptable.
Comment notre ville a-t-elle pu accueillir si
longtemps sur ses murs ce scientifique antisémite, ce
209 La France LICRAtisée
promoteur d'une "aristocratie biologique" alors
même que chaque semaine, résonnent devant des
écoles parisiennes, les noms de jeunes juifs, frappés
au cœur de leur enfance, partis pour un voyage sans
espoir de retour ?
Aujourd'hui, réunis rue Jean Pierre-Bloch, nous
tournons cette page funeste pour en écrire une
autre, placée sous le signe de l'honneur, du courage
et de la droiture ».
Mais il reste encore une poche de résistance :
Compiègne. Le sénateur-maire UMP de Com-
piègne, Philippe Marini, refuse longtemps de
débaptiser sa rue Alexis Carrel et crée une com-
mission à cet effet, espérant noyer le poisson.
C'est mal connaître la LICRA et ses méthodes :
Acte 1 : on dramatise à outrance : « C'est une
ignominie à la limite du révisionnisme ! Je [Patrick
Gaubert, président de la LICRA, ndla] l'ai dit au
sénateur et je vais la dénoncer sur un plan moral et
philosophique. Alexis Carrel n'est pas jugeable car il
a déjà été jugé. Cette commission n'a pas lieu d'être ».
Acte 2 : on va se plaindre en haut lieu : « La
LICRA a officiellement demandé l'arbitrage de son
président d'honneur, Jacques Chirac, dans son
combat pour débaptiser la rue Alexis Carrel à
cornpiègne. De même, le président de l'UMP
210 Politiquement incorrect
Alain Juppé, lui aussi membre du comité d'hon-
neur, a été contacté il y a un peu plus de huit
jours », indique le DDV de mars 2003.
Sans parler bien sûr de la campagne de presse,
venimeuse à souhait, qui accompagne toutes ces
péripéties.
Philippe Marini finit par céder, lui aussi, en
septembre 2003 et par débaptiser cette fatidique
rue Alexis Carrel. Mais, afin d'avoir quand
même le dernier mot, il crée dans la foulée une
Allée de l'ambulance du docteur Carrel.
La LICRA fulmine et emploie les grands
mots : «Personne n'a le droit de toucher à la
République. Or à Compiègne, elle a été touchée ».
Compiègne est désormais pour la LICRA la
« capitale nationale des crypto-pétainistes ».
En tout cas, toute la France, qui peut-être
l'ignorait, sait à présent qui était Alexis Carrel.
Il y aura aussi la rue Pierre-Drieu la Rochelle à
Saint-Cyprien, dans les Pyrénées orientales, qui
sera promptement débaptisée en 1992 après une
campagne de la LICRA. Ce « collaborateur con-
nu pour ses écrits antisémites » sera désormais
remplacé par une valeur sûre, Jean Moulin.
Exit également la pourtant modeste Impasse
Maurras, à Sainte-Maxime dans le Var, après un
211 La France LICRAtisée
courrier courroucé de la LICRA au maire de la
ville.
La LICRA se mobilisera aussi en 1992 contre
le projet d'une rue François-Coty à Montbazon,
écrivant au maire de la ville pour dénoncer de
façon très détaillée tout le parcours délictueux
du parfumeur, qui fut aussi un homme politique
« d'extrême droite » avant-guerre. Dans son
courrier, la LICRA n'oubliera pas de fournir
cette ultime information : « La Nouvelle Répu-
blique du 12 mai 1990 précisait que lors de ses
obsèques en 1934, son cercueil était entouré d'hom-
mes qui faisaient le salut fasciste ».
L'affaire de la Mort aux juifs n'a, pour une fois,
rien à voir avec Vichy, mais est assez cocasse : il
s'agit ou, plutôt, s'agissait d'un lieu-dit dans le
Loiret, appelé ainsi depuis la nuit des temps. La
LICA, prévenue par un acquéreur de résidence
secondaire, s'en émeut dès 1977. Le conseil
municipal juge cependant inutile de changer la
dénomination du hameau.
Mais en 1992, les temps ont changé, la LICRA
s'est considérablement renforcée, et elle n'a pas
oublié. Elle demande à nouveau le changement de
Ce nom qui « représente une insulte aux victimes du
nazisme », pour poursuivre, sans rire : « J'ai [le
212 Politiquement incorrect
président local de la LICRA, ndla] alerté les ins-
tances nationales afin qu'on envisage que l'affaire
aille en Conseil d'Etat. Il faut que la grande Histoire
balaye la petite histoire locale ».
Dieu merci, l'affaire n'ira pas en Conseil
s
d'Etat. En 1993, la mairie, finalement vaincue,
elle aussi, transforme sa Mort aux juifs en Route
de Louzouer, nettement moins conflictuelle.
Vous avez dit racisme ?
Chalom Aleikhem, écrivain yiddish du début
du XX e siècle, met en scène dans un de ses livres
un personnage qui veut se rendre en France et
qui est mis en garde par ses amis : «Attention,
vous risquez gros. Là-bas, on a arrêté un capitaine
juif et la moitié de la France est contre lui ». La réponse
de l'écrivain par le biais de son person-
nage est la suivante : « Je veux sans plus attendre
aller dans ce pays où un juif peut être capitaine et
où il n'a que la moitié des gens contre lui ! ».
Cette petite histoire est rapportée dans Le
Droit de Vivre de mai 1985.
La France est-elle un pays raciste et antisé-
mite ? On pourrait très facilement le croire à la
lecture du DDV, année après année.
Pourtant, en octobre 1978, le DDV annonce
le décès du professeur Bernard Halpern en des
termes qui semblent prouver - même si tel
n'était pas le but de l'article - que malgré son
antisémisme et son racisme supposé et perpé-
214 Politiquement incorrect
tuellement dénoncés, la France était, et reste
encore, un refuge et un lieu permettant de vivre
normalement. Bien mieux, en tout cas, que dans
le paradis communiste :
« Notre ami, le professeur Bernard Halpern est
mort. Il nous avait fait l'honneur de présider un
de nos derniers dîners de la LICA.
Né le 2 novembre 1904 en Russie, toute sa vie
fut jalonnée d'épreuves, de miracles et de triomphes.
Dans sa jeunesse en Ukraine, il connut la misère
et les persécutions.
Par miracle, il échappe à la déportation après la
révolution soviétique et se retrouve en France où,
doué de dons exceptionnels, il réussit à faire sa
médecine en gagnant sa vie comme garçon de
laboratoire.
Directeur de recherches en 1948, il obtient en
1961 la chaire de médecine expérimentale au
Collège de France et en 1964, il est responsable du
service d'immuno- allergies de l'hôpital Broussais et
membre de l'Académie des Sciences.
Commandeur de la Légion d'Honneur, le pro-
fesseur Halpern a été l'un des maîtres de l'aller go-
logie ».
Dans sa sécheresse, cette chronique nécrolo-
gique est cependant très révélatrice du parcours
215 La France LICRAtisée
que peut réussir un juif ukrainien misérable
réfugié dans un pays qui n'a pas à rougir de
l'accueil qu'il réserve aux étrangers, malgré ce
qu'on essaie de lui faire croire.
Tout au long de son existence, la LICRA ne
va pourtant pas cesser de se plaindre d'une
montée constante, d'après elle, de ces fléaux
en France, entretenant de la sorte un climat qui
offre de nombreux avantages, dont celui de se
placer elle-même au centre de l'intérêt ainsi
suscité, de réclamer à cor et à cris l'arsenal juri-
dique antiraciste que l'on connaît. Et d'interdire
toute critique à l'égard d'Israël, peuplé par
définition de victimes du racisme.
En mai 1969, déjà, Le Droit de Vivre titre :
« Contre la montée du racisme, la vraie démocratie
reste le meilleur des remparts - si le pogrom n'est
pas à la porte, les excès de la politique commandent
la vigilance ».
Pour lutter contre le racisme, il faut prendre
exemple, une fois encore, sur la Révolution fran-
çaise, car, indique le chroniqueur : « C'est la
Révolution française qui a mis le racisme hors la
loi, qui a déclaré d'utilité publique cette lutte
contre le racisme tellement toujours à recommencer
que nous ne nous voyons pas aujourd'hui dispensés,
216 Politiquement incorrect
bien au contraire, de la poursuivre. Dussé-je me
faire traiter de "passéisme": je tiens que cette révo-
lution doit être encore pour nous, politiquement, la loi
et les prophètes ».
L'année 1971 est consacrée par l'ONU à la
lutte contre la discrimination sous toutes ses
formes. Vaste programme !
La LICA y participe en organisant à Paris en
novembre, en collaboration avec l'UNESCO,
une manifestation à haut niveau qui verra deux
cents personnalités appartenant au monde politi-
que et diplomatique, au Barreau, aux lettres et
aux sciences, à la haute finance, au commerce et
à l'industrie, décider d'intensifier la lutte anti-
raciste.
Pourtant, ni le racisme, ni l'antisémitisme ne
semblent vraiment à l'ordre du jour dans la France
de 1971. Cette année-là paraît le Guide juif de
France. Préfacé par René Cassin, c'est un ouvrage
officiel très complet sur les divers aspects de la vie
juive dans notre pays, et même dans le monde.
Le Guide consacre justement un chapitre inti-
tulé «Mutations dans la psychologie du juif» à
l'absence de problèmes de cet ordre en France :
«D'autre part, dans la société française actuelle,
le juif peut s'accepter comme juif et cela est pour
217 La France LICRAtisée
lui un fait intégré dans l'existence normale d'un
homme normal s' admettant différent et semblable
(...) Il ne s'agit pas d'un phénomène mineur ou de
cas isolés, mais d'un changement radical dans les
attitudes.
Si, avant guerre, on avait demandé à cent juifs
pris au hasard :" Êtes -vous juif ?": on aurait sans
doute obtenu plus de deux tiers de réponses embar-
rassées ou de "non-réponses".
Une enquête sur les étudiants juifs à Paris donne
plus de 90% de "oui": étonnés que la question se
pose, sans qu'il y ait de différence sensible entre
filles et garçons, "européens" ou "nord-africains" »
[c'est-à-dire askhénazes ou sépharades, ndla].
En 1975, Jean Pierre-Bloch dénonce la « recru-
descence du racisme », à l'issue d'un entretien avec
le ministre de l'Intérieur de l'époque, Michel
Poniatowski.
En 1978, la dramatisation monte d'un cran.
En février, sous l'énorme titre de sa première
page, «VAINCRE L'ANTISÉMITISME à n'im-
porte quel prix pour éviter le pire », le DDV
dénonce le regain d'antisémitisme qu'il aperçoit
à l'œuvre en France, et menace :
« Est-ce que l'antisémitisme auquel nous assistons
va persister ? (...) La LICA devra-t-elle se faire
218 Politiquement incorrect
justice elle-même comme des militants la rendaient
avant la dernière guerre en rendant les coups que
leur donnaient les ligues fascistes ? Pour les antira-
cistes, la question est simple : ou les pouvoirs
publics réagissent rapidement et efficacement à la
vague antisémite qui n'est pas étrangère à l'impu-
nité dont les criminels de guerre nazis ont bénéficié
et à la mansuétude qui s'est manifestée à l'égard des
collaborateurs ou bien la LICA demandera à ses
militants de répondre comme il convient à ceux
qui n'ont pas compris que les temps ont changé et
que le crime ne paie plus ».
Quelques mois plus tard, sous le titre « Néo-
nazisme et antisémitisme », on peut lire dans le
DDV ces propos très virulents :
« On assiste actuellement au développement d'un
plan concerté du néo-nazisme international, ten-
dant à recréer un climat de haine raciale dont
l'aboutissement serait la mise en condition de l'opi-
nion pour instaurer un système politique s'inspirant
des thèses du national- socialisme ».
Pas moins ! Et le journal poursuit en ces ter-
mes :
« On constate une recrudescence de l'antisémi-
tisme avec son cortège d'attentats, de graffitis, de
profanations et de menaces de mort. On se trouve
219 La France LICRAtisée
aujourd'hui plongé dans une atmosphère raciste
aussi dangereuse que celle que la France a connue
au moment de l'affaire Dreyfus avec la "Ligue
antisémitique" et à l'époque des ligues factieuses des
années 32 à 39, sans parler de la période de
l'occupation allemande ».
Le DDV conclut une nouvelle fois par des
menaces : « S'il devait y avoir défaillance de la
part des autorités, la LICA ferait appel à ses mili-
tants et aux démocrates pour qu'ils se constituent
en groupes d'autodéfense. Cela rappellera des souve-
nirs aux anciens qui se sont battus avant la guerre
contre les ligues fascistes ».
Pourtant, en mai de cette même année (1978)
Le Droit de Vivre annonce avec beaucoup de
satisfaction : «Avec l'élection à la présidence de
l'Assemblée nationale de Jacques Chaban-Delmas,
député-maire de Bordeaux et président d'honneur
de la fédération girondine, la LICA est particuliè-
rement bien représentée au Parlement, car au
Palais du Luxembourg, le président du Sénat,
Alain Poher, est également un membre actif de la
Ligue ».
La LICA peut donc difficilement se plaindre
de manquer d'interlocuteurs et d'appuis à haut
niveau.
220 Politiquement incorrect
Cette obsession du racisme omniprésent va se
nicher dans les endroits les plus inattendus : en
1979, c'est au tour de la biscuiterie Lu-Brun
d'être clouée au pilori. Elle commercialise en effet
un gâteau enrobé de cacao nommé « Papou »,
accompagné du slogan « Papou, c 'est bon des deux
côtés ».
Un slogan pourtant bien anodin. Pas pour Le
Droit de Vivre, qui commente aigrement : « La
formule nous paraît de fort mauvais goût. Elle recèle
un danger de racisme évident surtout si l'on sait que
cette publicité s 'adresse aux enfants ».
La LICRA crée « SOS racisme » en octobre
1982. Ce nom, qui sera repris plus tard par
d'autres antiracistes, est en réalité une création
de la Ligue qui espère ainsi toucher un maxi-
mum de jeunes, cibles prioritaires de cette nou-
velle structure présentée en ces termes : « SOS
racisme est né de la volonté d'un groupe de jeunes,
copains de milieux et de couleurs différents, de ne
pas rester sans réagir face à la vague montante du
racisme qui n 'épargne plus la jeunesse elle-même.
C'est à l'opinion publique, à tous et à chacun,
et plus particulièrement aux autres jeunes que nous
voulons nous adresser, en dépassant le nombre de
ceux qui sont déjà mobilisés ».
22 1 La France LICRAtisée
C'est que la gauche vient d'arriver au pouvoir
et qu'il s'agit à présent de mettre les bouchées
doubles pour enrôler les jeunes sous la bannière
de l'antiracisme en exploitant à fond, à la fois
leur générosité naturelle et leur vaste ignorance
de l'histoire.
La grande force de SOS racisme sera sa per-
manence juridique hebdomadaire et gratuite. On
y guide ceux qui souhaitent engager une action
judiciaire et on y délivre également d'autres con-
seils, «particulièrement en ce qui concerne les
cartes de séjour ou de travail des immigrés ».
L'avocate responsable de SOS racisme pourra
affirmer : « La LICRA a ainsi mis en place un
véritable arsenal extrêmement efficace pour une
répression rapide des délits racistes ».
Jamais la pression ne se relâche. En 1991, le
président de la LICRA lance, à l'ouverture de la
convention nationale : «Aujourd'hui, nous avons le
droit
d'être inquiets. J'ai l'impression d'être en
1934 ou 38. On me dit que j'exagère, comme on
me le disait alors ».
En novembre 1992, lors d'un meeting orga-
nisé pour commémorer la Nuit de cristal, on
peut entendre : « L'Europe du fascisme progresse.
Nous sommes en 1938. Hitler avait commencé par
222 Politiquement incorrect
faire matraquer les journalistes, comme viennent de
le faire les hommes de main de Le Pen. Les hom-
mes qui entourent Le Pen sont des nazis ».
En décembre 1992 : « Dans pratiquement tous
les pays d'Europe, la démocratie est menacée par la
montée en puissance du racisme, de l'antisémitisme
et de la xénophobie. Jamais la haine de l'autre n'a
été aussi forte et l'intolérance raciale aussi impla-
cable ».
Ailleurs, on parle de «L'Europe qui s'embrase et
laisse craindre un déferlement raciste ».
Vrai ou faux, cela donne en tout cas à la
LICRA l'occasion d'organiser en février 1993,
avec ses associés habituels, une manifestation
monstre à Paris « contre le racisme ». Cette ma-
nifestation sera très largement relayée en province.
La date n'a pas été choisie au hasard, car rien
n'est laissé au hasard, à la LICRA : ce sera le 6
février, date anniversaire de la « tentative de coup
d'Etat anti-républicain fomenté par l'extrême
droite française le 6 février 1934 ».
La tentative de coup d'Etat est relatée en ces
termes par Le Droit de Vivre: « Une manifes-
tation de ligues d'anciens combattants, Croix de
feu et Camelots du Roi réunis place de la Concorde
pour protester contre le parlementarisme, avait
223 La France LICRAtisée
tourné au drame : le service d'ordre, débordé, avait
tiré sur la foule, faisant seize morts et une centaine
de blessés (...) Cet événement, ressenti comme le
signe d'une grave menace fasciste, a été considéré
comme le ferment du Front populaire ».
C'est là une vision pour le moins réductrice de
l'événement, survenu dans la foulée de l'affaire
Stavisky^ et de l'énorme escroquerie montée
grâce aux relations parlementaires du financier
véreux, dans un contexte de crise économique
aiguë, suite au krach de 1929. La manifestation
du 6 février a dégénéré, c'est vrai, mais les
manifestants débordaient très largement les rangs
de la droite ou de l'extrême droite. L'Union
nationale des combattants et la Fédération des
contribuables y participaient, et l'Humanité avait
annoncé le matin même une manifestation à
part sur le même thème.
Cette journée du 6 février 1934 sera en tout
cas le prétexte à la réconciliation des commu-
nistes et des autres partis de gauche, brouillés
depuis la scission de Tours en 1920. Le 12 fé-
vrier, lors d'un défilé, ils s'unissent face à
l'ennemi commun : le « fascisme ».
Mais revenons à la manifestation unitaire du
6 février 1993. Insistant dans son compte-rendu
224 Politiquement incorrect
sur la forte mobilisation de la province, le DDV
signale que la Fédération de Bordeaux a, pour se
rendre à Paris, « obtenu de sa mairie une rame de
TGV empruntée par quelque 800 Bordelais ».
Il faut reconnaître que rares sont les associa-
tions qui jouissent de la part des pouvoirs pu-
blics - et à fortiori dans un pays autant suspecté
de racisme - de pareils privilèges...
En 2001, sous le titre «Sondage inquiétant»,
le DDV s'alarme :
« Le sondage de la Commission nationale consul-
tative des Droits de l'Homme recense 60% de Fran-
çais estimant qu'il y a trop de personnes d'origine
étrangère. Le sondage appuie les conclusions du rap-
port annuel qui constate un durcissement des opinions
à l'égard des questions liées à l'immigration. On re-
marque également que le nombre de violences racistes
et antisémites a augmenté de façon importante ».
Le DDV conclut, avec une logique imparable :
« La lutte contre le racisme est donc plus que
jamais une priorité ».
Une pluie de décorations
Chaque numéro du Droit de Vivre comporte
depuis l'origine un Carnet où sont annoncées,
225 La France LICRAtisée
outre les naissances, mariages, décès, etc, toutes
les distinctions et décorations attribuées aux
membres de la LICRA. Elles s'accompagnent à
chaque fois des chaudes félicitations du journal.
Tout au long des années, alors qu'à en croire
les pages principales du DDV, racisme et anti-
sémitisme sévissaient en France, une véritable
pluie de décorations s'est pourtant abattue sur
les membres de la LICRA : Légion d'Honneur à
tous les grades, Palmes académiques, Ordre des
Arts et des Lettres, Mérite national, etc, on
trouve dans ce Carnet un catalogue complet de
s
toutes les distinctions imaginées par l'Etat fran-
çais pour honorer ses membres les plus émi-
nents. Distinctions dont il n'a jamais été avare
envers la LICRA, c'est le moins que l'on puisse
dire. Les membres de la famille du président
Pierre-Bloch n'étant bien sûr pas oubliés. Ainsi,
sa femme Gaby et son fils Jean-Pierre auront
droit, eux aussi, à leur Légion d'honneur.
N'est-ce pas extraordinaire, dans un pays aussi
raciste ?
L'arsenal des législations antiracistes
se met en place
« II s'agit de voter pour les antiracistes, de ne
voter et faire voter que pour eux. Il s'agit de voter et
faire voter contre tous les autres ! »
Tel est le mot d'ordre de la LICA apolitique
aux électeurs lors des législatives de 1967.
A peine élus, tous les députés reçoivent un
questionnaire leur demandant notamment :
« Croyez-vous que les lois actuelles soient suffisantes
pour endiguer la résurgence du racisme et de l'anti-
sémitisme dans notre pays ? »
Nous sommes en 1967, et que les Français
aient à cette époque d'autres préoccupations
qu'un supposé racisme ou antisémitisme impor-
te peu !
L'essentiel n'est pas là. L'essentiel est de
contribuer à créer un climat dont l'exploitation
permettra de tracer le chemin du pouvoir pour
la gauche, même si cet objectif apparaît encore
lointain.
228 Politiquement incorrect
Pour y parvenir, il faudra travailler les esprits
et arriver à accoucher, au forceps s'il le faut,
d'une France nouvelle. Une France qui ne
pourra cependant être vraiment nouvelle que si
sa population subit des modifications sensibles.
L'immigration de peuplement, essentiellement
afro-maghrébine, sera donc à partir de ce mo-
ment-là systématiquement soutenue et encoura-
gée.
Il était inévitable que cette pression immi-
grationniste rencontre des oppositions. Notam-
ment de la part de la droite, par nature plus
soucieuse d'identité et de cohésion nationales^.
Ou du moins, dont on s'attendrait à ce qu'elle
le soit.
Dès le départ, ces oppositions vont donc être
délégitimées et même criminalisées. Toutes les
questions sensibles vont sortir du champ
politique, trop dangereux car il autorise le débat,
pour entrer dans la sphère morale, forteresse à
peu près inexpugnable, dont la LICRA se fera
gardienne vigilante.
Seront désormais stigmatisés sous le vocable de
racistes tous les opposants à ce qui deviendra très
vite la pensée unique. Faute d'applaudir sans
réserve à la multiculturalité obligatoire et au métis-
229 La France LICRAtisée
sage^ - nouvel horizon radieux offert aux masses
- on sera lynché et exclu de la vie publique.
Pour punir et dissuader les esprits forts, rien
de plus efficace qu'un arsenal juridique renforcé.
Celui de la France va vite devenir, en matière
d'antiracisme, l'un des plus répressifs qui soient
au monde.
Il ouvrira toutes grandes à la LICRA les portes
du combat judiciaire, et très vite, dans la foulée,
politique.
La loi antiraciste de 1972
1972 est une année faste pour la LICA et la
première année noire pour la liberté de pensée et
d'expression en France, car cette loi va offrir à la
Ligue un levier extrêmement puissant dont elle
se servira sans relâche au cours des décennies
suivantes.
Cette législation antiraciste, la LICA la récla-
mait depuis l'origine. Elle avait déjà obtenu en
avril 1939 la promulgation du décret-loi Mar-
chandeau, qui punissait les injures et diffama-
tions racistes. Cependant, seules les personnes
directement visées par les faits avaient la possi-
bilité de déclencher l'action publique. Les asso-
ciations en tant que telles ne le pouvaient pas.
230 Politiquement incorrect
La LIC A souhaitait beaucoup mieux. Elle va
l'obtenir grâce à la ténacité de deux membres de
son comité central, les sénateurs Gaston Mon-
nerville, radical de gauche, et Pierre Giraud,
socialiste, qui présenteront, défendront et feront
voter la loi antiraciste. L'action de Gaston Mon-
nerville, en particulier, membre de la première
heure de la LIC A, et président du Sénat de 1948
à 1968, sera décisive en la matière.
Dans ses Mémoires, Jean Pierre-Bloch notera :
« Juillet 1972 marque une date inoubliable dans
l'histoire du combat antiraciste mené par la LIC A.
Le projet de loi réprimant le racisme est voté à
l'unanimité par le parlement français. La nouvelle
loi réclamée par la LICA depuis sa création, et
dont j'avais élaboré le texte avec Gaston Monner-
ville, avant la dernière guerre, alors que nous
siégions tous les deux à la chambre des députés... ».
C'est donc assez improprement que la loi de
1972 est appelée loi Pleven, du nom du garde
des sceaux de l'époque. Le gouvernement ne
souhaitait pas cette loi, considérant que la
législation française était suffisante et que la
Constitution assurait correctement l'égalité des
droits et des devoirs de tous les citoyens. Il
existait déjà de toute manière la loi de juillet
23 1 La France LICRAtisée
1881, qui réglementait la liberté d'expression
dans la presse et en sanctionnait les abus. Le
gouvernement ne prendra donc pas l'initiative de
la loi, mais il laissera faire.
Il est vrai que l'année précédente, en 1971, il
y avait eu l'affaire de la grâce accordée par Geor-
ges Pompidou au milicien Paul Touvier, grâce
qui avait déchaîné les foudres de la LICA. Un
rééquilibrage s'imposait-il ?
La loi de 1972 crée un délit nouveau, celui de
provocation au racisme : « Ceux qui, par l'un des
moyens énumérés à l'article 23 (discours, cris,
menaces, écrits, imprimés, affiches ou autres) au-
ront provoqué à la discrimination, à la haine ou
à la violence à l'égard d'une personne ou d'un
groupe de personnes à raison de leur origine ou de
leur appartenance, ou de leur non-appartenance à
une ethnie, une race ou une religion déterminée,
seront punis d'un emprisonnement d'un mois à un
an et d'une amende de 2 000 à 300 000 FF ou
à l'une de ces deux peines seulement ».
La loi autorise par ailleurs les organisations
antiracistes ayant plus de cinq ans d'existence
- ce qui est le cas de la LICA, évidemment - à
se porter partie civile. Elles pourront désormais
prendre l'initiative des poursuites.
232 Politiquement incorrect
La LICA reconnaît modestement à son con-
grès de décembre 1972 : « Le vote de cette loi
consacre l'aboutissement de quarante-cinq années
de lutte conduite à cette fin par l'organisation, ses
militants, ses amis politiques et ses juristes ».
Juristes au premier rang desquels figure, il
convient de le noter, Gérard Rosenthal, ancien
avocat de Léon Trotski.
Lors de ce même congrès, Gaston Monnerville,
sénateur et rapporteur de la loi songe déjà à
l'avenir : « La loi nouvelle est une arme puissante
dans nos mains, nous devons veiller à en faire bon
usage afin que soit respectée la personne humaine.
Nous devons également user de notre influence pour
qu'elle devienne la loi du monde car elle a le mérite
de favoriser la coopération internationale ».
Grâce à cette loi, la LICA peut désormais
poursuivre tous ceux qu'elle désigne comme
racistes. Elle jouit du privilège exhorbitant de
déclarer qui est raciste et qui ne l'est pas. Qui
est antisémite et qui ne l'est pas. Elle peut distri-
buer à sa guise les bons et les mauvais points.
La liberté d'expression des opposants à l'immi-
gration massive qui démarre à peu près à ce
moment-là, va se trouver considérablement res-
treinte dans la bonne vieille tradition des métho-
233 La France LICRAtisée
des de la gauche qui consistent à exclure et à
diaboliser l'adversaire au lieu de débattre avec lui.
Cette loi marque véritablement une nouvelle
étape dans la montée en puissance de la Ligue,
qui ne se privera pas désormais d'user et d'abuser
de son nouveau droit de se porter partie civile.
Sous le titre « Conseil juridique », elle annonce
dès octobre 1972 : « Tous les adhérents et amis de
la LICA qui ont éprouvé un acte relevant de la
discrimination raciale seront heureux d'apprendre
que, renouant avec une vieille tradition, la LICA
assurera désormais une permanence juridique (...)
Les conseils de nos juristes seront donnés tous les
samedis après-midi de 14h à 16h dans nos bu-
reaux, 40 rue de Paradis à Paris 10 ».
D'innombrables procès vont suivre au fil des
années. Il vaudra mieux désormais éviter d'émet-
tre la moindre critique, même sur le mode
humoristique.
Cela va aller très loin et finir par instaurer un
véritable filtre idéologique auquel les journalistes
en tout premier lieu seront priés de se soumettre.
En témoigne un procès-type qui se déroule à
Marseille en 1976 et que Le Droit de Vivre relate
sous le titre : « L 'incitation à la haine raciale,
même involontaire est condamnable ».
234 Politiquement incorrect
Cette fois, la LICA poursuit en justice des
journalistes « dont on connaissait les sentiments
antiracistes, mais qui, dans une envolée littéraire,
avaient écrit un article qui pouvait inciter à la
haine raciale ». Un article, soit dit en passant, sur
la vie pittoresque du port de Marseille et sur la cuisine
locale. « Pour éviter aux journalistes le
désagrément d'être accusés d'incitation à la haine
raciale », poursuit Le Droit de Vivre, « la LICA
a déposé une plainte permettant aux parties en
présence de s'expliquer et ainsi de dissiper toute
équivoque sur l'interprétation de l'article afin que
celui-ci n'apporte pas d'eau au moulin des racistes.
Les plaidoiries de nos avocats firent donc modé-
rées mais sans tendresse à l'égard des accusés dont
les écrits ont dépassé la pensée ».
Si cet exemple n'est pas une illustration par-
faite de la police de la pensée que dénoncera
plus tard l'historienne Annie Kriegel, il y ressem-
ble très fortement. Il montre en tout cas quelle
méthode est employée pour imposer la pensée
unique. Des procès, encore des procès, toujours
des procès. Le moyen le plus sûr pour intimider
et faire plier.
Le problème, c'est qu'aux yeux de la LICA, les
« racistes » ne sont généralement pas suffisam-
235 La France LICRAtisée
ment condamnés. En tout cas, pas à la hauteur
de l'immensité de leur forfait.
C'est pourquoi le DDV lance sur une page
entière, en 1978, « Un appel à la conscience des
juges chargés de condamner des actes racistes ».
Car enfin, leur responsabilité est lourde : con-
damner légèrement, ou pire, relaxer des actes
racistes, c'est se rendre coupable de complicité
dans la montée du racisme et de l'intolérance.
Telle est du moins l'opinion de la LICA qui,
partant d'une récente agression contre un Algé-
rien, met clairement en garde la justice :
« Souhaitons que le tribunal de Toulouse par le
jugement qu'il prononcera désarmera les racistes
qui, dépassant le stade de la menace et des injures,
passent maintenant à l'offensive meurtrière sachant
qu'ils ne risquent pas de graves peines s'ils se réfè-
rent à la clémence scandaleuse de certains tribu-
naux appelés à juger d'affaires similaires (...)
Le tribunal de cette ville porte aujourd'hui une
lourde responsabilité : celle de condamner les trois
racistes inculpés à des peines exemplaires ou de leur
trouver des circonstances atténuantes. Selon le choix
qu'ils feront, leur jugement sera dissuasif ou il sera
un encouragement à renouveler de tels actes barba-
res ».
236 Politiquement incorrect
En 1979, lors de son congrès, la LICRA se
plaint comme à l'accoutumée du climat d'anti-
sémitisme régnant en France et avertit : « Contre
ce renouveau de l'antisémitisme, l'Etat dispose
d'une législation appropriée. La LICRA exige qu'il
en soit fait une application rigoureuse et que dans
ce but une action plus efficace soit obtenue
des services de police et de répression. La LICRA sera
partie prenante devant les tribunaux et, s'il le faut,
dans la rue pour que soit brisée dans l'œuf toute
tentative de discrimination raciale ».
Elle tiendra largement parole.
La Ligue fait preuve d'une extraordinaire
pugnacité dans les procès qu'elle intente : lors-
qu'elle se voit déboutée une première fois, puis
une seconde fois en appel, elle n'hésite pas à se
tourner vers la Cour de cassation. Même lorsque
l'affaire est, somme toute, mineure. C'est le cas
à Dijon en 1983. Elle poursuit Pierre Jaboulet-
Verchère, directeur de Beaune -Information pour
incitation à la haine raciale en raison d'un tract
« Je suis un arabe heureux » vantant les « avanta-
ges dont bénéficieraient les maghrébins en
France. Le tribunal correctionnel relaxe le pré-
venu. Espérant un « jugement plus éclairé » en
appel, la LICRA perd cependant une seconde
237 La France LICRAtisée
fois. Qu'à cela ne tienne. « Après avoir pris con-
seil auprès de ses avocats, la LICRA de la Côte
d'Or a résolu de se tourner vers la Cour de cassa-
tion pour que l'affaire dont elle avait saisi la justice
soit rejugée », indique Le Droit de Vivre en
septembre 1983.
En 1985, le DDV se félicite en ces termes :
« Poursuivi par la LICRA à Marseille - Le seul élu
du Front national condamné pour racisme ». Quel-
ques heures après sa victoire aux cantonales de
Marseille, l'unique conseiller général du FN, avo-
cat de son état, est en effet condamné pour incita-
tion à la haine raciale. Son crime est d'avoir écrit
dans un tract : « Le centre ville ne peut plus sup-
porter le trop grand nombre de nord- africains. Cer-
tains quartiers de notre cité sont, aux dires mêmes
de la police, invivables pour les Français, le seuil de
tolérance étant très largement dépassé ».
Un procès exemplaire du racisme, commente
un journal local.
La LICRA parvient même à faire condamner
des expressions, telles que : internationale juive,
condamnée à Rouen et à Paris, ou parti cosmo-
polite, condamné à Paris.
A Paris, le terme (X internationale juive sera
considéré comme une provocation raciste, et
238 Politiquement incorrect
non comme une diffamation raciste. Le tribunal
estimera que la provocation est caractérisée
lorsque « le texte, incriminé tend à inciter le public
à la discrimination, à la haine ou à la violence
envers une personne ou un groupe de personnes
déterminé », mais que la diffamation réclame
quant à elle « l'imputation ou l'allégation d'un
fait précis et déterminé, susceptible de faire l'objet
d'une preuve et d'un débat contradictoire ».
Arrêtons-nous un instant sur un colloque que
la LICRA organise en juillet 1992 pour fêter les
20 ans de la loi de 1972, sur le thème : « Les
journalistes et la lutte contre le racisme et l'antisé-
mitisme ». Les journalistes étant considérés com-
me des partenaires à part entière de la lutte
antiraciste, sauf ceux de la presse dite d'extrême
droite, est-il besoin de le préciser ?
La LICRA le précise elle-même de toute
façon, dès l'ouverture du colloque, et balise en
ces termes les territoires respectifs :
«Mais à la vérité, il n'existe pas d'antagonisme
entre les médias et les associations de lutte contre le
racisme, A l'exception bien sûr de ses marges, je
pense ici à la presse d'extrême droite. Au nom
d'une éthique à caractère universel, les uns s'em-
ploient à informer et les autres à assister les victi-
239 La France LICRAtisée
mes, à faire cesser les discours d'exclusion et de
violence. Ensemble, ils débusquent, ils dénoncent
auprès de l'opinion et des pouvoirs publics, non
sans risques, non sans bavures, non sans courage »
Paul Amar, journaliste à FR 3, anime durant
le colloque une table ronde sur La liberté et la
responsabilité des médias. Il y évoque ses débuts
en ces termes :
« Il y a vingt et un ans, lors de mes premiers
pas dans ce très beau métier... j'abordais les années
70 avec l'enthousiasme d'un jeune journaliste prêt
à couvrir les guerres en Asie du sud-est, l'affaire du
Watergate, la conquête pour le pouvoir en France,
les relations difficiles entre le parti communiste et
le parti socialiste, entre Giscard et Chirac. Il n'était
jamais question de racisme, en tout cas pas dans le
cadre de mon métier. J'abordais les années 80 avec
l'intérêt que pouvait porter un journaliste moins
jeune à l'arrivée de la gauche au pouvoir. Allait-
elle réussir ? Comment allaient se comporter les
communistes ? Que devenait Giscard, etc ?
Du racisme, il n'en était toujours pas question,
jusqu'au moment où un certain Jean-Marie Le Pen
est apparu ou plutôt réapparu ».
La citation est un peu longue, mais elle per-
met d'apprendre, de la bouche même d'un
240 Politiquement incorrect
journaliste de télévision qui se qualifie lui-même
de témoin de son temps, une chose stupéfiante :
selon lui, il n'y avait pas de racisme en France
dans les années 70 et 80.
Pour quelle raison une loi antiraciste était-elle
donc si nécessaire en 1972 ?
A ce colloque décidément très instructif, une
angoissante question se pose : doit-on donner la
s
parole aux pestiférés de l'extrême droite ? Evi-
demment, s'ils en profitaient pour se ridiculiser,
on pourrait la leur laisser, mais l'ennui, c'est
qu'ils arrivent à convaincre. Donc, danger.
Démocratie, liberté d'expression ? Pas quand il
s'agit de ces ennemis du genre humain. On
pourra donc entendre ce petit florilège très évo-
cateur des contradictions qui en découlent :
Paul Amar : « Je veux bien être, comme jour-
naliste, le spectateur des années qui passent pour en
rendre compte de la manière la plus fidèle qui soit,
la plus honnête qui soit, mais lorsqu'il s'agit de
réhabiliter les années passées, années de haine, d'in-
tolérance et de racisme, je choisis d'être un u spec-
tateur engagé" pour reprendre le mot de Raymond
Aron ».
Yvan Levaï : « L'enfer est pavé de bonnes inten-
tions... Je me disais alors : il faut montrer au
241 La France LICRAtisée
public que Faurisson est un petit bonhomme, un
nihiliste, certainement pas un universitaire. On
entendra sa voix et il sera démasqué. Je me suis
trompé. On ne montre pas l'ignoble. Il faut faire
le tri. Du reste, toute l'information est triée, hié-
rarchisée. Il y a des choses qui ne se disent ni ne se
montrent ».
Daniel Bilalian : « Plus on les fait parler et plus
on a de chance d'éviter que leur propagande prenne
corps sur la société française. Le tort de certains est
de les sacraliser en les empêchant de parler. Plus ils
parlent et plus ils s'enfoncent. Il ne faut pas être
fasciné par ces gens comme la victime par le
serpent. Qu'ils déblatèrent ».
La loi de janvier 1985
Sous le titre « Une nouvelle arme contre les
crimes racistes », le DDV se félicite en ces termes
du vote de cette loi : « Le gouvernement et le par-
lement ont donc satisfait une demande que la
LICRA formulait depuis de nombreuses années,
particulièrement au cours de rencontres avec le gar-
de des sceaux et avec le président de la commission
des lois de l'Assemblée nationale ».
Il n'est pas inutile de préciser que le garde des
sceaux en question est alors - la gauche est dans
242 Politiquement incorrect
l'intervalle enfin arrivée au pouvoir - le socialiste
Robert Badinter, par ailleurs membre éminent
de la LICRA, dont il avait été l'avocat durant de
nombreuses années.
La loi de 1985 étend le champ d'application
de la loi de 1972, puisqu'elle permet désormais
aux associations de se porter partie civile égale-
ment en cas de meurtre, de coups et blessures et
de destructions racistes. Jusqu'à cette date, en
vertu de la loi de 1972, elles ne pouvaient le
faire que dans les cas d'infractions moins graves.
La loi antirévisionniste Fabius-Gayssot du 13
juillet 1990
Il s'agit là d'une date-clé dans l'histoire de la
dictature de la pensée unique en France, car elle
légalise pour la première fois le délit d'opinion.
Il convient de rappeler que la première loi
s
antirévisionniste avait été votée par l'Etat d'Israël
en 1986. A l'initiative de Laurent Fabius, alors
député socialiste et membre du comité d'hon-
neur de la LICRA, une première proposition de
loi similaire est présentée à l'Assemblée nationale
en 1988. Mais ce n'est que le 13 juillet 1990
qu'elle sera finalement votée et portera offi-
ciellement le nom de Jean-Claude Gayssot,
243 La France LICRAtisée
député communiste chargé de la présenter à
nouveau.
Entre-temps, Laurent Fabius était devenu pré-
sident de l'Assemblée nationale, et en cette
qualité, avait apporté un fort soutien à la loi.
Il est juste de dire que ce projet de loi, qui
traînait depuis plusieurs années, avait rencontré
des obstacles et fait l'objet de vives oppositions.
C'est dans le cadre de ces oppositions que
s'inscrit le célèbre article de l'historienne Annie
Kriegel paru dans Le Figaro du 3 avril 1990 sous
le titre « Le leurre de l'antisémitisme ». Juive elle-
même et ancienne communiste, Annie Kriegel
écrivait :
« Les effets pervers de cette pratique de l'interdit
sont éclatants. En confiant au pouvoir judiciaire la
tâche détestable de paraître traquer le délit d'opi-
nion et d'expression, en espérant de la concurrence
entre organisations "antiracistes" une obsessionnelle
chasse aux sorcières qui présente les mêmes excès que
n'importe quelle chasse de cette nature, en s' abritant
derrière des institutions juives inquiètes pour
légitimer une insupportable police juive de la pen-
sée - par exemple dans un cas navrant récent où
on a suspendu un professeur d'université coupable
d'avoir laissé s'exprimer un jeune collègue qui
244 Politiquement incorrect
exposait des énormités (comme si l'université, de-
puis vingt ans, n'avait entendu que des propos
équilibrés et raisonnables) - Michel Rocard devrait
s'interroger en conscience s'il ne se prête pas à une
assez répugnante instrumentalisation des concepts
de racisme et d'antisémitisme en vue d'objectifs peu
avouables ».
Mais sur ces entrefaites survient le 9 mai 1990 un
événement qui aura pour effet de balayer
tous les obstacles et d'accélérer très notablement
le vote de la loi : le cimetière juif de Carpentras
est profané.
« L'acte le plus barbare que la France ait connu
depuis les affres de l'occupation allemande a eu lieu
dans la ville qui renferme l'une des plus vieilles
communautés juives d'Europe. Profanations, exhu-
mations et sévices corporels sont les effroyables réalités
de cette tragédie humaine (...) Les mots ne seront
jamais assez forts pour décrire l'horreur de Car-
pentras.... » peut-on lire, entre autres, dans le DDV.
Le retentissement médiatique de cet événe-
ment est gigantesque. Les coupables sont bien
sûr désignés d'avance, et le ministre de l'Inté-
rieur de l'époque, Pierre Joxe, n'hésite pas à
déclarer : « Il n'y a pas besoin d'enquête policière
pour savoir qui sont les criminels, coupables de
245 La France LICRAtisée
cette abomination raciste ». Il faudra pourtant six
ans d'enquête pour arrêter finalement quatre
jeunes skinheads.
La LICRA est en première ligne pour exploiter
au maximum le climat créé par la profanation de
Carpentras. Elle parvient d'ailleurs pour l'oc-
casion à faire diffuser sur toutes les chaînes de
télévision le film d'Alain Resnais datant de 1955,
« Nuit et Brouillard^- 1 ».
Cette intense exploitation médiatique aura en
tout cas pour effet de paralyser toutes les velléités de
résistance à la loi, qui est publiée au Journal
Officiel du 14 juillet 1990.
La loi Fabius-Gayssot crée une infraction nou-
velle : celle de contestation des crimes contre
l'humanité commis pendant la seconde guerre
mondiale par les Allemands. En d'autres termes,
il est dorénavant défendu à tout historien, ou à
quiconque, de remettre en cause de quelque
façon que ce soit les conclusions du Tribunal de
Nuremberg.
Cette loi couvre donc un champ très précis et
comme telle, ressemble comme deux gouttes
d'eau à une loi de circonstance.
Elle vise directement les révisionnistes qui, tels
Robert Faurisson, Jean Plantin, Henri Roques et
246 Politiquement incorrect
bien d'autres, contestent tout ou partie de la
vérité officielle relative aux crimes hitlériens issue
des conclusions du Tribunal militaire interna-
tional de Nuremberg, en 1946.
La nouvelle loi y fait du reste explicitement
référence. A la suite de l'article 24 de la loi de
juillet 1881 sur la liberté de la presse, elle insère
un article 24bis ainsi libellé : « Seront punis des
peines prévues par le sixième alinéa de l'article 24
ceux qui auront contesté, par un des moyens
énoncés à l'article 23 l'existence d'un ou plusieurs
crimes contre l'humanité tels qu'ils sont définis par
l'article 6 du statut du Tribunal militaire interna-
tional annexé à l'accord de Londres du 8 août
1945 et qui ont été commis soit par les membres
d'une organisation déclarée criminelle en applica-
tion de l'article 9 dudit statut soit par une per-
sonne reconnue coupable de tels crimes par une
juridiction française ou internationale ».
On a vu que cet article 6 ne faisait référence
qu'aux seuls crimes commis par les nazis et ne
prenait en compte aucun autre crime contre
l'humanité.
La loi Gayssot - le nom d'un communiste,
quel symbole ! - introduit donc, dans un pays
qui fut celui de la liberté de penser, le délit
247 La France LICRAtisée
d'opinion.. Dorénavant, et comme aux plus
beaux jours du communisme triomphant, seule
la vérité officielle a le droit de s'exprimer et a
force de loi.
Un tel dispositif conduit inévitablement à se
poser la question : toute autre vérité serait-elle à
ce point dangereuse qu'il faille la protéger par un
arsenal répressif aussi dissuasif ?
Cette loi intellectuellement inacceptable sus-
cite un certain malaise, y compris chez les ma-
gistrats.
Dès 1992, la 17 e chambre du tribunal correc-
tionnel de Paris, ayant à juger Robert Faurisson,
énonce curieusement ceci : « Des critiques peu-
vent à juste titre être développées, concernant l'or-
ganisation la structure et le fonctionnement du
Tribunal militaire international de Nuremberg,
tant sur le plan juridique qu'historique ou philoso-
phique.
En revanche, l'article 24bis de la loi du 29 juil-
et 1881 rend délictueuse toute contestation même
inscrite dans un discours logique et cohérent, dès
lors qu'elle conduit à contester, en les niant en des
termes de mépris envers les victimes l'existence d'un
crime contre l'humanité ayant entraîné des con-
damnations de ce chef par le Tribunal militaire
248 Politiquement incorrect
international de Nuremberg. Tel est le cas en
l'espèce ... »
Et la 17 e chambre condamne Robert Fauris-
son.
La loi Lellouche du 10 décembre 2002
Le DDV titre : « Loi Lellouche .. les appels de
la LICRA entendus ».
En 2002, les actes antisémites se multiplient
en France. Ils ne sont pas le fait, hélas, de l'ex-
trême droite, mais de certains éléments de l'im-
migration arabo-musulmane. Pour essayer de les
endiguer, un nouvel étage sera ajouté au dispo-
sitif antiraciste.
La loi Lellouche ne crée pas cette fois une
nouvelle incrimination, mais aggrave davantage
encore les sanctions pénales pour les crimes
racistes, antisémites et xénophobes.
Elle double carrément les sanctions prévues
pour un délit si ce dernier est commis avec
une intention raciste. Qui devra. apprécier
cette intention ? Le juge. La dérive s'accélère.
Nous ne sommes plus dans le droit objectif, mais
dans la justice morale, par définition subjective. A
tout prix, le Bien doit terrasser le Mal, comme
Saint-Georges a terrassé le dragon.
249 La France LICRAtisée
* *
Ces diverses étapes, où l'on retrouve systéma-
tiquement la LICRA à l'œuvre, et le plus sou-
vent au premier rang, ont doté la France d'un
arsenal de première force pour empêcher toute
pensée et toute expression déviantes. Ne sont
plus autorisées que les opinions conformes à la
ligne décidée par ceux qui mènent le pays.
Un totalitarisme de la pensée qui, pour être
moins sanglant que le totalitarisme bolchevique,
n'en est pas moins extrêmement pesant.
En fait, cette avalanche de dispositifs répressifs
et cette escalade dans les lois constituent aussi et
surtout, pour le système au pouvoir, un formida-
ble aveu d'échec. Faute de pouvoir remédier aux
conséquences d'un mal - l'absence de toute
maîtrise de l'immigration - dont il est totalement
responsable, il ne sait que tenter de faire taire par tous
les moyens ceux qui le dénoncent.
Pour assurer le suivi des lois qu'elle a suscitées,
la LICRA entretient des contacts étroits avec la justice,
les institutions politiques et la presse.
L'exemple de l'Alsace est particulièrement
significatif à cet égard.
250 Politiquement incorrect
Tous complices - le cas de l'Alsace
La LICRA Bas-Rhin fait preuve de beaucoup
d'esprit d'initiative dans ces contacts et sait user
de tous les leviers possibles pour réduire les op-
posants au silence.
Le fait que son président, l'avocat Raphaël
Nisand, soit un élu socialiste, n'est que pure
coïncidence, et seuls des esprits malveillants
pourraient contester le parfait apolitisme de cette
association humanitaire.
Toujours est-il qu'en 2001, on peut lire dans
le DDV ces propos pour le moins curieux:
« Le président départemental de la LICRA
Strasbourg, Raphaël Nisand, s'est étonné de ne pas
avoir encore vu de condamnation en matière de
discriminations dans la région, suite au lancement
du numéro gratuit 114 permettant à des victimes
ou à des témoins de signaler ce qu'ils estiment être
une discrimination.
Le secrétaire général de la préfecture du Bas-
Rhin a tenté de calmer la légitime impatience de
certains en affirmant « être face à un problème qui
demande du temps et de la volonté ».
Quelle hâte de voir tomber des têtes ! On songe
à l'anecdote que rapporte Soljénitsyne dans son
livre retraçant la saga des juifs et des Russes de
25 1 La France LICRAtisée
1800 à nos jours, intitulé Deux siècles ensemble :
en 1929, un dénommé Silberman se plaint dans
l'Hebdomadaire de la Justice soviétique de ce que
trop peu d'affaires liées à l'antisémitisme aient été
jugées par les tribunaux de Moscou au cours de
l'année écoulée. Il n'y en a eu que 34 ! Soit tout
de même un procès tous les dix jours pour
antisémitisme, rien qu'à Moscou.
Nous restons exactement dans le même regis-
tre.
S 'agissant toujours de l'Alsace, les dessous
d'une collaboration très étroite avaient déjà été
révélés en ces termes en décembre 1997 : « Les
rencontres bimensuelles avec le Procureur de la
République perdurent dans un très bon climat, qui
permettent de faire régulièrement le point sur les
affaires de racisme ».
En avril 2003, on obtient des précisions
supplémentaires qui ne manquent pas d'intérêt :
« La LICRA Bas-Rhin rencontre le Procureur de
la République de Strasbourg tous les mois depuis
1996 afin d'échanger les informations et les points
de vue sur les dossiers judiciaires et sur les questions
d'ordre public. Depuis quelques années le Parquet
de Strasbourg nous avise d'ailleurs systématique-
ment lorsqu'il y a une procédure de racisme de
252 Politiquement incorrect
façon à ce que nous puissions nous constituer partie
civile ».
Il existe des raisons financières à une telle
sollicitude auprès du Procureur : il faut savoir
que si la LICRA entreprend elle-même une
procédure qui se conclut par la relaxe, elle se voit
condamnée aux dépens.
Si par contre la LICRA obtient du Procureur
que ce soit lui qui enclenche la procédure et
qu'elle-même se constitue partie civile, elle ne
risque aucun débours en cas d'échec. Et en-
grange de substantiels dommages-intérêts en cas
de condamnation.
En d'autres termes, à défaut de gagner à tous
les coups, elle ne perd jamais.
Si les relations de la LICRA Bas-Rhin avec le
Parquet sont idylliques, elles sont tout aussi ex-
cellentes avec la presse locale. Le responsable local
de la Ligue « souligne qu 'il écrit systématiquement
à l'AFP et aux Dernières Nouvelles d'Alsace qui
prennent le relais de manière excellente ».
Encore plus fort : c'est carrément dans les
locaux du Conseil Régional d'Alsace que la
LICRA locale se réunit en juin 2005. Les Der-
nières Nouvelles d'Alsace en rendent compte très
abondamment et très complaisamment sous le
253 La France LICRAtisée
titre : « La LICRA se pose en partenaire privilégié du
Conseil Régional ».
« Vous êtes le président exemplaire d'une région
exemplaire » dira Raphaël Nisand à Adrien Zel-
ler, président de la région Alsace. Quel adou-
bement ! Et quel aveu !
Inutile de préciser que cette manière de pro-
céder est présentée comme un magnifique exemple
à suivre dans toutes les régions de France.
Vive l'immigration massive !
Les juifs aux premiers rangs pour la défense des
droits de l'homme
En 1988, le président de la LICRA rappelle le
combat inlassable de l'abbé Grégoire en faveur des
juifs de France pendant la Révolution de 1789.
Car c'est la Révolution française, dans la foulée de
sa Déclaration des droits de l'homme et du citoyen,
qui va faire d'eux pour la première fois des
citoyens à part entière. A partir de ce moment-là
- septembre 1791 - les juifs se sont toujours
trouvés « au premier rang pour la défense des droits de
l'homme », déclare Jean Pierre-Bloch, qui pour-
suit en ces termes : « Dans cette Europe jadis meurtrie,
où la barbarie nazie a cédé au comble de
l'horreur et du mépris de l'homme, les juifs demeu-
rent des témoins pour rappeler que V émancipation et
V intégration - certes réussies en ce qui les concerne
- sont des conquêtes éphémères lorsque les droits de
de V homme sont niés, violés. Les juifs de France et
d'Europe sont là pour le rappeler inlassablement ».
256 Politiquement incorrect
Il est pourtant cocasse de rappeler les propos
de l'abbé Grégoire concernant les juifs, parus en
1787 dans son Essai sur la régénération physique,
morale et politique des juifs. Après avoir rappelé
que le Talmud est un "cloaque où sont accumulés
les délires de l'esprit humain 7 ', il affirme que « tout
peuple placé dans les mêmes circonstances que les
Hébreux, et vexé par la misère qui nécessite presque
des crimes, leur deviendra semblable (...) Il était
méprisé, il est devenu méprisable, à sa place, peut-
être eussions-nous été pires. Les juifs ont produit les
effets, vous aviez posé les causes., quels sont les
coupables ? ».
Curieuse façon a priori de défendre ses pro-
tégés. En réalité l'abbé Grégoire méconnaît tota-
lement la nature du judaïsme. Prêtre catholique,
il vise par son action l'assimilation des juifs,
pour ne pas dire leur conversion : « L'entière
liberté religieuse accordée aux juifs sera un grand
pas en avant pour les réformer, et j'ose le dire, pour
les convertir », dira-t-il avec quelque naïveté.
C'est dans cette optique qu'il demande, et ob-
tient dans une indifférence quasi générale, cette
fameuse émancipation.
Reconnaissante malgré tout, la LICRA obtien-
dra en 1989, à l'occasion du bicentenaire de la
257 La France LICRAtisée
Révolution, le transfert au Panthéon des cendres
de l'abbé, ainsi qu'un timbre à son effigie.
Deux ans plus tard, en octobre 1991, un
colloque célèbre le 200 e anniversaire de l'éman-
cipation des juifs de France. C'est à nouveau
l'occasion de rappeler le lien étroit existant entre
les juifs et les droits de l'homme. Robert Badin-
ter, alors président du Conseil constitutionnel -
et membre de la LICRA - réaffirme dans ses
propos de conclusion qu'en raison même des
circonstances de cette émancipation, les juifs
sont appelés à exercer une responsabilité parti-
culière dans la défense de ces droits : « (...) Et
cela veut dire, mes amis, ne l'oubliez jamais, que
si nous juifs nous sommes fondés à nous réclamer
des droits de l'homme, les droits de l'homme sont
fondés toujours et partout à exiger des juifs leurs
services.
Et qu'entre tous les déserteurs, celui d'entre les
juifs qui déserterait la cause des droits de l'homme
trahirait et les hommes et les siens ».
Les juifs se considérant comme des sentinelles
avancées en matière de droits de l'homme, il n'y
a rien de surprenant à ce qu'un Français prési-
dent de l'Alliance israélite universelle de 1943 à
1976, membre actif de la LICRA, René Cassin,
258 Politiquement incorrect
soit en grande partie à l'origine de la Déclaration
universelle des droits de l'homme, qui sera adoptée
en décembre 1948 par les Nations Unies.
Personne ne songerait à nier que la défense des
droits de l'homme est dans son principe néces-
saire et qu'elle constitue un réel progrès. Encore
faut-il s'entendre sur la définition de ces droits
et sur l'usage politique qui en sera fait.
En 1998, à l'occasion du cinquantenaire de la
Déclaration universelle, la LICRA aura l'occasion
d'en préciser son interprétation, qui est particu-
lièrement extensive.
Voire révolutionnaire : « Au lendemain de la
shoah, elle fut et reste aujourd'hui l'acte fondateur
d'un nouvel ordre international dont les piliers,
selon l'expression de René Cassin, sont les droits de
l'homme. Tous les droits, pour tous les hommes :
cette déclaration qui engage tous les Etats de la
planète et tous les êtres humains est donc universelle
et indivisible. Ses destinataires sont les victimes,
quels que soient le lieu ou les conditions de leur
persécution, quelle que soit la nature de celle ci,
civile et politique, économique, sociale et culturelle.
La LICRA y demeure fidèle et vigilante, aux côtés :
de toutes les victimes, pas seulement celles qui
souffrent du racisme et de la xénophobie ».
259 La France LICRAtisée
Tous les droits pour tous les hommes. On perçoit
immédiatement les conséquences d'une pareille
définition, notamment en matière d'immigra-
tion. En vertu de ce droit imprescriptible, cha-
cun pourrait donc s'installer où bon lui semble
et y revendiquer l'égalité absolue des droits avec
les nationaux ? Et ceux qui s'y opposeraient,
société ou individus, seraient immédiatement
accusés de racisme?
Il est intéressant de noter qu'au nom de la
fraternité universelle, c'est principalement l'Eu-
rope - et plus particulièrement la France, patrie
des droits de l'homme - qui est sommée d'accueil-
lir des populations immigrées de plus en plus
nombreuses.
En fait, ce qui était conçu à l'origine pour être
une base universelle, une reconnaissance des
droits essentiels liés à la qualité d'être humain,
va vite se trouver détourné et devenir un instru-
ment de promotion systématique des minorités.
Sous couvert de défense des droits de l'homme,
va se développer un vrai terrorisme intellectuel
défendant les revendications les plus pernicieuses
et les plus outrées.
Alors même que les droits les plus élémen-
taires et les plus vitaux - en particulier ceux des
260 Politiquement incorrect
femmes et des enfants - sont allègrement ba-
foués sur une bonne partie de la planète, la
LICRA va se faire le censeur vigilant des droits
de l'homme en France. Au nom de ce généreux
principe, argument moral donc inattaquable, elle
va soutenir l'immigration, essentiellement
maghrébine et africaine, dès les années 1970.
A partir de cette période, les articles dans ce
sens vont être extrêmement nombreux dans les pages du
DDV. Il sera rarissime qu'un autre type d'immi-
gration, celle en provenance des pays asiatiques
par exemple, soit évoquée. Très curieusement,
elle ne semble nullement intéresser la LICRA.
Frères ennemis au Proche Orient, mais frères
en Europe
Il apparaît clairement à la lecture des DDV que
juifs et arabes sont fondamentalement considérés
comme frères. On y évoque à plusieurs reprises
leur origine commune, les uns et les autres étant
des sémites, c'est-à-dire des descendants de Sem,
fils de Noé. Selon la tradition biblique, les arabes
se seraient ensuite détachés à partir d'Ismaèl, fils
d'Abraham, et les juifs à partir d'Israël (autre nom de
Jacob), petit- fils d'Abraham.
26 1 La France LICRAtisée
Ces considérations bibliques établies, et avant
de développer le thème proprement dit de
l'immigration, il faut prendre en compte deux
aspects qui lui sont étroitement liés et qui
permettent de mieux comprendre les actions et
réactions de la LICRA :
- Il existe une double vision du monde arabo-
musulman, selon qu'il est considéré sous l'angle
s
des rapports avec l'Etat d'Israël, ou sous l'angle
de l'immigration vers l'Europe, et par voie de
conséquence, il existe un double discours adapté à ces
deux cas de figure.
- L'assimilation, celle des juifs comme celle
des arabes, est toujours condamnée en termes
très virulents. Ce qui amènera la LICRA dans
un premier temps à défendre bec et ongles le
droit à la différence. Avant de se rendre compte
de ses effets pervers, ce qui la conduira à
infléchir quelque peu son discours.
Une double vision du monde arabo-musul-
man et un double discours
La version « lune de miel »
C'est la version destinée à faire accepter la
poussée migratoire massive en direction, notam-
ment, de la France et de sa communauté juive.
262 Politiquement incorrect
Elle nous apprend, à travers les pages du
DDV, que juifs et arabes ont généralement coha-
bité pacifiquement. Et qu'en tout état de cause,
la situation des juifs a toujours été bien moins
cruelle dans les pays arabes qu'en occident.
Pas d'holocauste, peu de pogroms antijuifs dans le
monde musulman. Rien à voir avec ce qui se
passait dans cette Europe foncièrement hostile.
André Chouraqui, Français juif né en Algérie,
installé ensuite en Israël où il devient maire-
adjoint de Jérusalem, illustre parfaitement cette
vision des choses dans ces propos tenus en avril
1969 et rapportés par Le Droit de Vivre : « La
division est moins profonde qu'il y paraît. Nos deux
peuples sont frères nos langues sont jumelles, nos
histoires, depuis la Bible, sont parallèles. Nous
avons une même vocation... que notre Dieu, celui
d'Abraham devienne le Dieu des nations.
En fait, depuis trois mille ans nous avons vécu
en symbiose : Hérode, le roi des juifs, était idu-
méen, c'est-à-dire arabe. Mahomet a pris son inspi-
ration dans l'héritage biblique. Pendant tout le
Moyen Age, les juifs ont vécu généralement en paix
au milieu des arabes. Les pogroms eux-mêmes y
étaient moins graves que les incidents entre tribus
arabes. L'histoire des juifs dans ces pays ressemble à
263 La France LICRAtisée
une idylle par rapport à ce qu'ils ont connu en
occident, depuis les bûchers jusqu'aux fours cré-
matoires ».
Outre cette communauté de destin fréquem-
ment soulignée, la LICRA insiste également sur
le fait qu'en protégeant les droits des immigrés,
elle protège en même temps ceux de la com-
munauté juive. Elle le fait à plusieurs reprises,
dans le but assez évident de justifier cette
pression immigrationniste auprès de certains de
ses propres adhérents qui pourraient s'en éton-
ner. Le Droit de Vivre déclare ainsi en mai 1974
sous la plume de Jean Pierre-Bloch : « S'il [le
racisme, ndla] s'en prend aujourd'hui aux arabes,
aux nord-africains, aux travailleurs étrangers, il
peut désigner demain d'autres victimes. Nul ne
saurait se flatter d'être à l'abri de ses ravages ».
L'année suivante, en juin 1975, sous le titre
«Arabes et juifs... un même combat antiraciste», on
peut lire : «Aujourd'hui les originaires d'Afrique du
nord en sont les principales victimes. Demain cette
haine pourrait se retourner au gré des circonstances ou
des événements politiques contre n 'importe qui, gens de
couleur, gitans, arméniens ou juifs. C'est pourquoi
tous, doivent marquer leur solidarité avec ceux qui
subissent les conséquences des préjugés raciaux.
264 Politiquement incorrect
Certes, entre juifs et musulmans de sérieux dif-
férends se sont élevés à la suite du conflit israélo-
arabe. Le déferlement du racisme n'en devrait pas
moins provoquer la constitution d'un front com-
mun de défense ».
Au début du septennat de Giscard, en 1976,
un décret officialise la religion musulmane en
France. Un temps d'antenne à la radio et à la
télévision est désormais réservé à l'islam.
Il est intéressant de noter que cette décision
intervient au moment même où l'Algérie natio-
nalise les écoles privées, notamment catholiques,
et chasse sans états d'âme les religieux qui y
enseignaient .
La LICA réclamait cette reconnaissance offi-
cielle de l'islam en France depuis trois ans et elle
s'en félicite en ces termes :
« Nous sommes heureux et fiers de penser que la
LICA n'est pas étrangère à ce décret. En effet,
depuis des mois, son président œuvrait auprès des
pouvoirs publics pour obtenir pour tous les musul-
mans vivant sur notre sol des droits égaux pour
leur religion ».
Le Droit de Vivre indique - nous sommes en
1976 - le chiffre de «plus de deux millions de
musulman en France », ce qui en fait déjà à cette
265 La France LICRAtisée
époque, par le nombre, la deuxième religion pré-
sente sur notre sol, et se prononce pour le respect,
en particulier de la part des employeurs, des
grandes fêtes islamiques, allant jusqu'à préciser :
« Espérons que les communautés musulmanes pour-
ront dorénavant donner à ces fêtes tout l'éclat qu'elles
méritent, car bien souvent elles étaient éclipsées par
les fastes du Noël chrétien et leurs enfants finissaient
par ne plus les connaître ».
Pourtant, déjà à cette époque-là, la LICA sait
parfaitement à quoi s'en tenir sur un certain
nombre de réalités concernant l'islam.
Et ceci nous amène tout droit à :
La version « lune de fiel»
Sous le titre « La laïcité dans les États arabes »,
le DDV fait, en avril 1975, le tour des constitu-
tions des pays arabes pour conclure qu'il n'existe
pas de laïcité dans ces pays, car elle est incom-
patible avec la doctrine traditionnelle de l'islam
« qui confond largement l'Etat et la religion mu-
sulmane mais accorde aux minoritaires un régime
de tolérance. Cette tolérance n'est jamais que rela-
tive. Elle dépend des circonstances. Le sort des noirs
catholiques du Soudan massacrés par leurs conci-
toyens musulmans de Khartoum, celui des Kurdes
266 Politiquement incorrect
d'Irak, la législation d'exception qui frappe les juifs
dans plusieurs pays arabes et notamment en Irak
témoignent des caractères que peut parfois revêtir
cette « tolérance ». L'article rappelle enfin les pro-
pos tenus par un professeur libanais lors d'une
conférence en 1969 : « Foncièrement théocratique,
l'islam est organiquement réfractaire à tout système
politique ayant pour but la séparation de la
religion et de l'Etat et donc à toute conception de
laïcité dans le sens que l'on donne à ce mot en
Europe » .
Voilà qui est clair. Il est vrai que le but de
cette enquête est de démontrer que face à ces
pays obscurantistes, Israël est, lui, laïque et
démocratique. Et qu'il est donc exclu d'envisa-
ger, comme Yasser Arafat l'avait fait, la création
s
d'un Etat où juifs et palestiniens vivraient côte à
côte.
Pour Le Droit de Vivre, il règne plus de liberté
en Israël que dans aucun autre pays arabe, et
dans ce cas : « Pourquoi donc les citoyens d'Israël
abandonneraient-ils leur liberté, qui est effective,
en échange d'une liberté qui leur est promise par
un Etat qui n'existe pas, et par des hommes qui
n'ont prouvé aucune disposition particulière en vue
de sauvegarder la liberté des juifs ? ».
267 La France LICRAtisée
En 1978, le DDV fait la critique d'un nouveau
titre de l'Encyclopédie du monde actuel - une
collection éditée par le Livre de Poche - consacré
aux Arabes.
D'emblée il indique, le contraire serait sur-
prenant, que le conflit israélo-arabe n'est pas
présenté avec l'objectivité nécessaire et qu'il
s'inspire souvent des thèses de l'extrémisme
arabe. Sa critique se poursuit en ces termes :
« Si l'on montre les arabes, il faut les montrer
tels qu'ils sont. On ne peut omettre d'analyser leur
tentative d'asservissement du monde industrialisé
par le chantage pétrolier. On doit montrer l'ana-
chronisme et la cruauté de leurs systèmes sociaux :
la législation barbare qui prévaut encore en Libye
et en Arabie ; la conduite inhumaine qu'ils ont eue
en 1967 comme en 1973, quand de nombreux
prisonniers israéliens ont été torturés et assassinés en
Syrie et en Egypte. On doit montrer le fanatisme
religieux qui a conduit, notamment pendant les
dix-neuf années d'occupation tr ans jordanienne de
Jérusalem, à la destruction de nombreux lieux
saints juifs et à leur profanation systématique ».
En 1979, sous le titre « Des femmes et des
mœurs », le DDV nous apprend que : « Comme
chacun sait, maintenant, avec l'arrivée au pouvoir
268 Politiquement incorrect
en Iran de la religion islamique, les femmes musul-
manes ne sont pas à la noce.
Obligation leur est faite de porter le voile, de se
soumettre à la seule volonté de leur époux, de se
consacrer uniquement et exclusivement à la tenue de
leur maison et aux besoins de leurs enfants.
Là où l'islam dirige les États, l'émancipation de la
femme est devenue impossible ».
En 1980, c'est la critique du livre Le dhimmi
-Profil de l'opprimé en Orient et en Afrique du
nord depuis la conquête arabe, ouvrage écrit par
l'historienne Bat Ye'or - pseudonyme de Giselle
Littman - qui fournit une fois de plus l'occasion
au DDV de mettre les choses au point :
« L'un des mythes les plus tenaces colportés au
sujet de l'islam et dont la propagande des pays
arabes se sert abondamment, est celui de la tolé-
rance dont auraient joui les non musulmans,
notamment les juifs, en terres arabes (...)
Basé sur des textes arabes et des témoignages
d'époque, il [le livre, ndla] établit ce qu'a été
véritablement la relation de vainqueur à vaincu
que les musulmans ont imposée à tous les peuples
ayant vécu, en quasi-esclaves, dans les pays qu'il
ont conquis par les armes, et aux individus qui
n'ont pas embrassé l'islam. La loi réglant ces rela-
269 La France LICRAtisée
tions, le djihad, doit, selon l'islam, durer jusqu'au
jour du jugement dernier ! ».
Le DDV poursuit en ces termes :
« La prétention d'Israël à l'égalité est réellement
ressentie par les arabes comme une révolte d'esclaves
qu'il faut mater sous peine de voir une brèche
irréparable infligée à l'édifice de l'islam. L'actuelle
flambée d'intégrisme musulman s'explique bien
aussi à la lumière du statut du dhimmi. Elle est la
simple manifestation d'une tradition qui a quinze
siècles de durée et qui ne pouvait s'épanouir libre-
ment à l'époque où les arabes ne jouissaient pas de
l'indépendance politique. Elle ressurgit évidemment
après la décolonisation et à la faveur du pouvoir
dont les arabes jouissent dans l'arène internatio-
nale, depuis l'acquisition de leur richesse pétrodol-
lar dière.
L'islam n'a pas pénétré dans la modernité, aux
temps modernes. Avec le khomeinisme, le khad-
dafisme et son président séoudien, il continue à se
mouvoir en plein Moyen Age ».
Il est tout de même extraordinaire de lire en
1980 une pareille description de l'islam que,
bien qu'elle le dépeigne parfaitement rétrograde
et réfractaire à la laïcité, la LICRA s'emploie
cependant à promouvoir inlassablement en
270 Politiquement incorrect
France. Et que les Français sont invités à accueil-
lir avec empressement, sous peine d'être traités
de racistes.
En 1985, le DDV consacre un dossier à l'escla-
vage et titre : « Le cheptel humain : l'esclavage
existe encore en pays musulmans ». Le dossier n'est pas
tendre pour les pays arabes, détaillant certai-
nes pratiques sévissant en Arabie Saoudite, terre
sainte de l'islam : «Aujourd'hui encore, des Afri-
cains sont incités à faire le pèlerinage à La Mecque
où, après avoir été vendus dans le souk El Abd,
désocialisés et dépersonnalisés, ils passeront le reste
de leurs jours comme esclaves. Lord Maugham a
rapporté avoir rencontré un cheik parti pour La
Mecque avec six enfants, revenu seul après les avoir
tous vendus. Il s'en était servi comme de trave-
lers'checks humains. De telles pratiques n'appartien-
draient pas au passé ».
Durant ces mêmes années, le DDV va égale-
ment publier à plusieurs reprises des articles
dénonçant la détérioration des conditions de vie
des juifs dans les pays arabes, qui s'est accentuée
après la guerre des Six Jours. Le journal n'hésitera
pas à parler d'épuration ethnique, qu'il illustre par
ces chiffres : sur les 900 000 juifs qui vivaient
s
dans les pays arabes avant la création de l'Etat
27 1 La France LICRAtisée
d'Israël, il n'en resterait plus qu'environ 50 000.
Tous les autres ont émigré - essentiellement vers
Israël - soit de leur plein gré, soit contraints et
forcés. Et beaucoup ont vu leurs biens confisqués.
Ces articles visent essentiellement à faire contre-
poids à l'accusation adressée à Israël d'avoir chassé
des centaines de milliers de palestiniens. Le DDV
estime qu'il s'est agi dans les deux cas de transferts
de populations qui finalement s'équilibrent.
Vingt ans plus tard, une immigration musul-
mane massive s'est installée en France, avec la
bénédiction et l'appui de la LICRA. Seulement,
voilà : elle s'accompagne de plus en plus d'actes
antisémites dont l'origine ne peut plus être
pudiquement dissimulée.
Mais qui ne sont pas, hélas, le fait de l'extrême
droite.
Alors - mais uniquement parce qu'un climat
d'antisémitisme s'est installé - certaines manifes-
tations de l'islam en France vont quand même
faire l'objet de critiques de la part de la LICRA.
On pourra lire en décembre 2003, dans le DDV,
Une tribune instructive portant le titre « Pour un
Vatican II de l'islam », qui s'interroge en ces
272 Politiquement incorrect
termes : «Peut-on critiquer l'islam? Vaste et
dérangeante question... Comment y répondre sans
tomber dans un vulgaire racisme troupier et sans
être taxé de xénophobie par une certaine intel-
ligentsia française qui interdit tout débat au nom
de la pensée unique ? ».
Qui interdit tout débat au nom de la pensée
unique ! Voilà donc les arroseurs arrosés qui se
plaignent d'une pensée unique qu'ils ont très
largement contribué à imposer au pays, mais qui
commence apparemment à leur échapper. D'où
leur trouble.
Mais revenons aux débuts de l'immigration
massive. Ces étrangers, largement incités au fil
des années à s'installer dans notre pays, ont-ils
au moins été priés de s'assimiler au plus vite à
nos mœurs et coutumes et invités à se fondre
dans le paysage ? Surtout pas. La LICRA va
défendre avec acharnement leur droit de conti-
nuer à vivre chez nous selon leurs propres coutu-
mes et considérera qu'il appartient au pays hôte
- en l'occurrence, la France - de s'y adapter.
Assimilation ou droit à la différence ?
L'assimilation est régulièrement présentée dans
les pages du DDV comme le drame suprême du
273 La France LICRAtisée
juif. Car l'assimilation, c'est à terme la dispari-
tion de l'identité juive.
La philosophe Simone Weil, d'origine juive
mais convertie au christianisme, morte en 1943,
avait eu des mots très durs à l'égard de sa
communauté d'origine : « Les juifs, cette poignée
de déracinés, a causé le déracinement de tout le
globe terrestre... la malédiction d'Israël pèse sur la
chrétienté... ».
Le DDV, qui rapporte ces propos en commen-
tant un ouvrage paru en 1978 sous la plume de
Paul Giniewski, membre de la LICA, ouvrage
intitulé Simone Weil ou la haine de soi, considère
qu'il s'agit d'un « cas-limite, tragique par son
intensité, des méfaits de l'assimilation des juifs à
leurs milieux ».
Il en profite pour faire la leçon : « Les minori-
taires qui veulent se fondre dans les majorités,
les majorités qui veulent imposer la totalité de leur
héritage culturel pourront la méditer. Enseigner
« nos ancêtres les gaulois » aux malgaches, comme
aux juifs des bords de la Seine, est la même erreur
et engendre des maux équivalents ».
On sent poindre dans ces propos une irri-
tation marquée à l'égard d'une France centralisa-
trice et voulant imposer son modèle.
274 Politiquement incorrect
Nous sommes en 1978. Le combat que la
LICA mènera désormais en faveur du droit à la
différence pour les immigrés, est aussi, et peut-
être surtout, une façon de revendiquer une
reconnaissance plus affirmée de sa propre his-
toire et identité. Et de casser à la fois un schéma
assimilateur jugé arrogant et une identité « natio-
nale » trop homogène, perçue en tant que telle
comme une menace. A ses yeux, tout ce qui
soude une communauté, dont elle pourrait se
sentir exclue, doit être combattu.
On peut lire d'ailleurs, toujours en 1978, dans
le DDV, ces lignes dénuées de toute ambiguité :
« L'assimilé, le raciste honteux sont des victimes
d'une mauvaise démocratie. Toute société qui re-
quiert ou pousse à l'assimilation est une société raciste.
La laïcité démocratique, c'est la cœxistence
de toutes les minorités dans V égalité et la fraternité.
Ce n'est pas l'abolition des différences et des origi-
nalités ethniques ».
Ce thème du refus de l'assimilation revient
dans un livre paru en 1979 sous la plume d'An-
dré Harris et Alain de Sédouy, Juifs et Français.
L'heure est - tout au moins aux yeux de la
LICRA - au désenchantement et même à l'an-
goisse des juifs de France en raison de la poli-
275 La France LICRAtisée
tique étrangère du pays, jugée pro-arabe. Le
DDV commente abondamment le livre tout en
regrettant que ses auteurs n'aient pas dénoncé
plus explicitement la responsabilité profonde de
la France dans cette situation, et déplore : «A
l'époque des auto -déterminations et de la décoloni-
sation, la France, une certaine France, veut assimi-
ler les juifs, c'est-à-dire les détruire spirituellement
et culturellement. C'est un anachronisme. Annie
Kriegel résume bien cette situation : u Pas d'anti-
sémitisme, mais pas de culture juive ! et pas de réa-
lité juive ! plus de juifs ! c'est la solution finale sans
souffrances, finalement, proposée par l'assimilation
républicaine et par l'assimilation socialiste" : La
France est centralisatrice, nivelatrice, elle veut fon-
dre dans un moule unique ceux qui la composent
et en cours d'opération, les détruit (...)
Et ceux qui demandent aux juifs de s'assimiler,
les exhortent à s'assimiler à eux, c'est-à-dire à un
particularisme politique ou philosophique, à un
intérêt momentané à les servir. Mais dans la
France d'aujourd'hui, qui est en train de perdre son
âme à cause du pétrole, c'est aux juifs de France
que tous les Français devraient s'assimiler ».
La dernière phrase de ce passage éclairant est
singulièrement révélatrice et lourde de menaces.
276 Politiquement incorrect
Toujours en 1979, le chancelier autrichien
socialiste Bruno Kreisky publie un essai intitulé
L'Autriche entre l'Est et l'Ouest. Le moins que l'on
puisse dire, c'est que cet ouvrage déplaît forte-
ment au DDV, qui se livre à une critique féroce
de la partie consacrée au sionisme. Là encore,
c'est la volonté d'assimilation qui est pointée du
doigt : « Il est inutile de chercher à prescrire à
autrui ce qu'il devrait être. Il est sans intérêt de
reprocher au juif Kreisky de se vouloir parfaitement
assimilé et de réussir le tour de force, quand il
brosse le tableau des maux qui ont accablé l'Autri-
che après l'Anschluss de 1938, de ne pas même
mentionner le pogrom sanglant qui s'abattit sur les
juifs. Et qui, s' expatriant alors de son pays, com-
mente : "Je n'ai jamais considéré que mon émigra-
tion avait été la conséquence de mes origines juives.
D'autres origines sociales ne m'auraient pas empê-
ché d'être pareillement poursuivi" ».
s
S 'exprimant sur l'Etat d'Israël, Bruno Kreisky
enfonce le clou. Commentaire du DDV :
« Quant à l'Etat d'Israël on est obligé de constater
avec regret, s' agissant du chef d'un gouvernement
européen en exercice, qu'à part deux ou trois
compliments de circonstance, il est jugé à l'arabe.
On est même choqué qu'un chef de gouvernement
277 La France LICRAtisée
ait cru pouvoir s'exprimer aussi crûment sur un
sujet où sa fonction aurait appelé plus de réserve.
Par exemple :
« Le sionisme a un intérêt évident à ce que les
juifs vivant en dehors d'Israël continuent d'être
soumis à des persécutions ».
« A mon avis, le sionisme de stricte observance
représente un racisme ».
Le DDV en tirera le même type de conclusion
que dans le cas de la philosophe Simone Weil.
Toute critique à l'égard d'Israël ou des juifs en
général est considérée, lorsqu'elle émane d'un
non-juif, comme de l'antisémitisme, et lors-
qu'elle émane d'un juif, comme le signe d'une
quasi-maladie mentale appelée « haine de soi » :
« Pourtant, son acharnement à se distancer des
juifs et d'Israël la coloration passionnée donnée à
l'articulation de ses thèmes indiquent que nous
sommes aussi - peut-être surtout - en présence d'un
cas-limite de juif poussé à la haine de soi par
l 'outrance dans l'assimilation ».
Ce thème du refus de l'assimilation ne doit
pas être sous-estimé. Il court tel un fil conduc-
teur à travers toute l'action de la LICRA.
Sous le titre « Vichy et les juifs », le DDV rend
compte très abondamment, en juin 1981, du
278 Politiquement incorrect
livre de l'historien américain Robert Paxton sur
Vichy. Ce sera une nouvelle occasion de flétrir
l'assimilation, jusqu'à en faire une forme de fas-
cisme :
« Est-ce à la décharge de Vichy qu 'on a évoqué
ce terrain fétide sur lequel Vichy a germé ? Nulle-
ment. Simplement, les idéologues de Vichy ont été
aussi coupables, en 1940, que le sont les idéologues
continuant, en 1981, à prôner des formes "d'unité
nationale" du même acabit. L'exigence contempo-
raine de l'assimilation est aussi dangereuse et répré-
hensible que celle qui a conduit au malheur il y a
plus de quarante ans.
Pour faire barrage à l'exigence fasciste de l'assi-
milation et de l'homogénéité nationale, il faut pra-
tiquer la différence et le pluralisme. Ce sont des droits
et des richesses. Ce sont les seules barrières ef-
ficaces contre un retour du nazisme et de son ava-
tar français... Vichy ».
On touche là, exprimé de façon parfaitement
claire, le ressort fondamental de toute l'action de la
LICRA.
A constater l'aversion de la Ligue pour toute
exigence d'assimilation, et même pour toute
homogénéité nationale, il n'y a pas lieu de
s'étonner de son combat acharné pour que les
279 La France LICRAtisée
minorités aient le droit de conserver leurs par-
ticularités, leurs mœurs et puissent éduquer leurs
enfants comme ils l'auraient fait dans leur pays
d'origine.
Loin d'être encouragés à s'assimiler au plus tôt
à la société française, les étrangers vont donc au
contraire être incités à vivre chez nous dans leur
propre contexte culturel.
En 1985, en plein angélisme, on pourra lire
dans le DDV cette définition de l'antiraciste :
«Etre antiraciste, ce n'est pas demander à l'autre de
devenir soi-même, c'est l'accepter comme il est,
c'est s'enrichir à son contact, c'est aller vers lui ».
Le Droit de Vivre va ouvrir toutes grandes ses
colonnes à ceux qui abondent dans son sens.
Ainsi le généticien et homme de gauche Albert
Jacquart est-il invité en mars 1985 à développer
ses thèses sur une page entière, sous le titre
« Albert Jacquart fait un éloge de la différence ».
Les sous-titres sont éloquents: « Pas de races humai-
nes », « Tous des métis », « Maladie infantile ». Ce
dernier point concerne le racisme, bien sûr.
Albert Jacquart aura ces mots empreints
d'amabilité à l'égard des militants du Front
national : « Lors d'une émission de télévision à
laquelle j'ai participé, on avait donné la parole à
280 Politiquement incorrect
quelques individus ouvertement racistes dont cer-
tains du Front national. Je l'ai regretté car norma-
lement quand on fait une émission sur une
maladie on ne donne pas la parole aux microbes
Or, on avait bien donné la parole aux microbes ! »,
Curieuse, cette allusion aux microbes. Exacte-
ment du même genre qu'une citation de l'écri-
vain Louis Ferdinand Céline, que le DDV
reproduit dans le même numéro, deux pages
plus loin : « Deux qui sortent par la porte,
36 000 qui rentrent par la fenêtre. Et les demi-
juifs ? Pourquoi pas les demi-microbes? ».
Mais Céline est antisémite, tout le monde le
sait, tandis qu'Albert Jacquart parle des microbes
réputés racistes. Et ça, c'est permis. Et même
recommandé.
Le sacro-saint droit à la différence sera donc le
credo de la LICRA. Du moins au début de sa
croisade. Car elle va finir par en découvrir les
effets pervers. Si l'islam et la religion juive ont
de lointaines racines communes, leur implication
dans la vie publique et leur traduction dans la
vie privée sont néanmoins fort différentes.
Le droit à la différence mène tout droit au
communautarisme - à la fois repli et affirmation
agressive de son identité, lourds tous deux de
28 1 La France LICRAtisée
conflits potentiels - dont la LICRA va finir par
comprendre les dangers. Ne serait-ce que sous
l'angle d'un différentiel démographique qui lui
est déjà défavorable à la base et qui ne pourra
que se creuser encore à son détriment.
Des années plus tard, en 2003, Patrick
Gaubert, président de la LICRA, écrira à Jacques
Chirac pour se plaindre. Cette fois, il n'est plus
question d'accepter l'étranger « comme il est », ou
de « s'enrichir à son contact ».
On entend à présent un autre son de clo-
che : « La règle de vie commune si particulière à la
société française, qui en fait un modèle regardé, doit
être respectée par tous. Une infime minorité, parmi
les derniers entrés dans la citoyenneté française, ne
peut imposer une autre règle de vie incompatible
avec les valeurs que le monde éclairé nous envie.
Continuer de laisser faire serait désastreux ».
Mais revenons à nouveau aux débuts de la
poussée migratoire. La défense agressive du droit
à la différence ne tardera pas à provoquer les
tensions qu'il était facile de prévoir, car la
cohabitation des Français de souche avec une
forte population arabo-musulmane encouragée à
282 Politiquement incorrect
conserver des mœurs et des coutumes fonda-
mentalement différentes, deviendra de plus en
plus conflictuelle au fil des années.
La LICRA ne remettra pourtant nullement en
cause la pertinence de la poursuite de l'immigra-
tion, mais elle en tirera une conclusion sans
appel : les Français sont racistes.
Elle mettra donc les bouchées doubles pour
combattre le racisme.
Les gouvernements successifs tenteront bien,
au fil de la dégradation de la situation, de mettre
en place certaines limitations à l'immigration.
Ces tentatives seront surveillées avec beaucoup
de vigilance et de suspicion par la LICRA qui,
la plupart du temps, y mettra tous les freins
dont elle disposera et jouera à fond sa partition
d'association morale défendant les droits de
l'homme.
Avec ses alliés, et ses nombreux relais mé-
diatiques, elle saura judicieusement faire monter
la pression et influencer fortement, dans le sens
qu'elle souhaite, les décisions prises au niveau
politique. Car la « droite » sera toujours ter-
rorisée à la seule idée de paraître raciste, et
assimilée à Vichy - l'horreur suprême ! - ce dont
la LICRA saura jouer avec un art consommé.
283 La France LICRAtisée
De 1969 à 1974 - Georges Pompidou
Sous le titre « L'exploitation de l'homme par
l'homme - le drame des travailleurs étrangers en
France », le DDV indique en mai 1970 le chiffre
de plus de trois millions de travailleurs immigrés.
En juin de cette année-là, des affrontements
violents opposent des membres des commu-
nautés juive et musulmane à Belleville, faisant de
nombreux blessés. Le DDV titre : « Travailleurs
musulmans et juifs, prenez garde aux provoca-
teurs ! » et accuse les communistes d'avoir provo-
qué les incidents.
Dès juin 1973, il est question d'un « climat
malsain » dû aux répercussions en France du
conflit israélo-arabe. Sont visées à ce moment-là
les organisations gauchistes qui organisent des
manifestations pro-palestiniennes où l'on peut
entendre, déjà, « Mort aux juifs ! ». Le DDV
déplore le climat d'insécurité qui règne dans les
lycées et universités pour les jeunes juifs parti-
sans d'Israël, traités par les gauchistes de «fascis-
tes de la clique impérialiste ».
La LIC A réclame et obtient en juin 1973 la
création d'un intergroupe parlementaire antira-
ciste pour s'occuper du sort des travailleurs
étrangers.
284 Politiquement incorrect
Fin 1973, les attaques contre le gouvernement
à propos de l'immigration se font plus violentes.
Sous le titre « Trop d'expulsions arbitraires », le
DDV accuse : « Depuis plusieurs mois le gouverne-
ment emboîte le pas aux xénophobes dont les cam-
pagnes contre les étrangers se font de plus en plus
violentes ».
De 1974 à 1981 - Valéry Giscard d'Estaing
Le candidat naturel de la LICRA, François
Mitterrand, n'est pas élu. Il s'est pourtant allié
sans états d'âme aux communistes - imagine-t-
on les cris d'orfraie de la gauche si la droite
s'était alliée au FN ? - pour proposer aux Fran-
çais un Programme commun de gouvernement.
Mais à ce moment-là, le sillon n'est pas encore
suffisamment creusé et les temps ne sont pas
murs.
Sous la plume de Jean Pierre-Bloch, on peut
lire ce que la LICA attend du nouveau président :
« En prenant en charge les destinées de la France,
M. Valéry Giscard d'Estaing s'est créé des obligations
dont l'une des moindres n'est pas la réconciliation de
tous, y compris celle des Français avec les millions
d'hommes et de femmes d'origines diverses. Nord-
Africains, Sénégalais ou Portugais, gitans ou apatri-
285 La France LICRAtisée
des contribuent à l'enrichissement matériel et intel-
lectuel de notre pays, terre d'élection des opprimés
qui ne se nourrissent pas seulement de pain mais
aussi de liberté, d'égalité et de fraternité ».
s
Elle sera entendue. Un secrétaire d'Etat aux
travailleurs immigrés, dont la création avait été
réclamée par la Ligue, est installé. Dans une
interview au DDV, son titulaire, Paul Dijoud,
est interrogé sur un supposé racisme des Fran-
çais. Sa réponse est intéressante, car elle donne
des chiffres : « Notre rôle est donc de faire com-
prendre aux Français que ces quatre millions
d'étrangers dont 1 800 000 travailleurs, qui vivent
en France, sont indispensables ».
Nous sommes en 1974 et le chiffre officiel est
déjà de 4 millions d'étrangers. Trois ans plus tard,
en octobre 1977, la LICA apportera quelques
précisions : « Le nombre [d'étrangers qui résident
France, ndla] est évalué à 4 205 000 personnes,
dont 2 000 000 d'actifs sur lesquels on compte
100 000 chômeurs environ ».
La LICA applaudit bien évidemment aux
mesures de regroupement familial décidées par le
gouvernement Chirac en 1976, tout en en
dénonçant « les limitations ». Cette décision his-
torique et calamiteuse, prise par « humanisme »,
286 Politiquement incorrect
change radicalement la nature de l'immigration,
qui devient ainsi, conformément aux plus chers
souhaits de la gauche, une immigration de
peuplement. Mais que ne ferait pas la droite
pour ne surtout pas être assimilée à Vichy ! Des
années plus tard, Giscard regrettera cependant
d'avoir laissé la bride sur le cou à Jacques Chirac,
son premier ministre, à propos de cette mesure
extrêmement lourde de conséquences.
Mesure dont nous « fêtons » cette année, dans la
discrétion la plus totale, le 30 e anniversaire. Il
serait pourtant intéressant de demander quelques
comptes à son principal instigateur...
En 1978, face à la crise économique et à l'aug-
mentation du chômage, le gouvernement décide
quand même de réglementer plus sévèrement le
séjour des étrangers et de réduire progressivement
le nombre des immigrés, notamment par la réfor-
me des cartes de travail. Cette nouvelle réglemen-
tation est jugée « intolérable » par la LICA, qui s'en
explique en ces termes : « Elle est intolérable parce
qu'elle rompt avec la tradition française d'hospitalité.
Parce qu'elle légalise des pouvoirs administratif dis-
crétionnaires. Parce qu'elle augmente l'insécurité des
étrangers déjà traumatisés par le racisme, les dis-
criminations de toutes sortes (...) La LICA, devant
287 La France LICRAtisée
cette situation, a alerté ses parlementaires de l'oppo-
sition et de la majorité, les invitant à amender le
projet et à défaut, à s'y opposer ».
Elle organise la même année un forum au Sénat sur
les « Droits de séjour et d'asile ». Une bonne
occasion de rappeler qu'en France, « le droit d'asile
était sacré et que seul le gouvernement de Vichy
l'avait violé dans des conditions abominables ».
Nous sommes en mars 1980 - l'échéance prési-
dentielle s'approchant, le ton se fait plus dra-
matique.
« Pour défendre les droits des immigrés, NON aux
sévices, aux tortures racistes, à la répression des
travailleurs clandestins, au fichier informatisé pour
les étrangers », titre le DDV, qui enchaîne : « ... A
moins de prendre des mesures sévères pour désamorcer
le courant xénophobe et raciste grandissant, notre pays
est parvenu à la limite au-delà de laquelle l'irrémé-
diable pourrait se produire entre une fraction de la
communauté française et une grande partie de la
population étrangère ».
La perspective d'informatiser les cartes des
résidents étrangers suscite tout particulièrement
l'ire de la LICRA, qui rappelle le fichier de recen-
sement des juifs établi par Vichy, pour conclure
très clairement : « Pour nous-mêmes demain, nous
288 Politiquement incorrect
devons donc nous opposer aujourd'hui à l'établis-
sement de ce fichier pour les étrangers car rien ne
nous garantit qu'une telle disposition ne puisse servir,
dans l'avenir, de sombres desseins qui nous feraient
regretter notre indifférence présente. A l'égard des
immigrés et de nous-mêmes ».
Là encore, il est clair que la défense systé-
matique des étrangers est également considérée
comme un moyen de se protéger soi-même.
Juste avant l'élection présidentielle, une fois
n'est pas coutume, le torchon brûle sévèrement
entre la LICRA et le parti communiste à propos
de l'affaire du bulldozer de Vitry. La Ligue va
jusqu'à porter plainte contre le maire commu-
niste de Vitry, Paul Mercieca, qui avait démoli
un foyer de travailleurs maliens.
Dans un éclair de lucidité, d'inspiration il est
vrai nettement électorale, le PCF s'en était pris au
gouvernement, accusé, malgré ses déclarations
lénifiantes, de poursuivre l'immigration, et avait
même déclaré : «...Cette politique aggrave les pro-
blèmes de rapports humains, de charges sociales, de
scolarité, de chômage ».
Du coup, le PCF est accusé de passer avec
armes et bagages dans le camp du racisme et de
la xénophobie.
289 La France LICRAtisée
En janvier 1981, quelques mois avant l'élec-
tion fatidique, la pression s'intensifie. Le DDV
publie un dossier alarmiste intitulé « Racisme,
antisémitisme, xénophobie, respect des droits de
l'homme... le bilan 1980 reste négatif». On peut y
lire : « Les murs se couvrent de graffitis appelant
à la haine ou au meurtre. Des lettres ou des coups
de téléphone de menaces pleuvent, sous le sceau de
l'anonymat. Des cimetières sont profanés. Des édi-
fices religieux sont souillés ».
Le dossier est illustré de photos qui, indique le
journal, « témoignent de l'action et des réactions de
la LICRA qui s'est toujours placée en tête de la
riposte, de la protestation et de la protection des victi-
mes, dès lors qu'il s'agissait, en France comme ailleurs,
de défendre le droit à la différence, le respect de la
personne humaine et les conditions d'existence des
travailleurs immigrés et des minorités ethniques ».
De 1981 à 1988 - François Mitterrand/1
Cette fois, ça y est ! L'Union de la gauche -
socialistes, radicaux et communistes réunis sans
états d'âme ni problèmes métaphysiques - l'a
enfin emporté !
Cette victoire historique plonge la LICRA
dans l'euphorie. Le DDV titre en gros caractères
290 Politiquement incorrect
sur sa couverture de juin 1981 : «Première vic-
toire pour les travailleurs immigrés : arrêt des
expulsions des jeunes étrangers nés en France, li-
berté de regroupement des familles. Un septennat
antiraciste ? ».
Pour la première fois dans les pages du DDV,
sous la plume de son président, la LICRA « adres-
se ses félicitations les plus vives au nouveau président
de la République, élu au suffrage universel
La LICRA le fait avec d'autant plus de respect
et d'amitié, du fait de l'appartenance de M. Fran-
çois Mitterrand à son comité d'honneur.
Point de rencontre de tous les courants démocra-
tiques, la LICRA souhaite que l'action des pouvoirs
publics se dirige, avec célérité, vers le châtiment
exemplaire des actes de racisme et d'antisémitisme,
qu'une politique humaine envers les travailleurs
immigrés, et notamment ceux de la deuxième géné-
ration, soit instaurée et qu'un meilleur équilibre de
la diplomatie au Proche Orient s 'établisse ».
Voilà la feuille de route générale que la LICRA
assigne sans équivoque, dès le départ, au nouvel
élu de la nation. Au cas où il lui resterait encore
quelques interrogations, ce même éditorial lui
précise que la LICRA s'attend à le voir, dans les
meilleurs délais :
29 1 La France LICRAtisée
« - compléter la loi de 1972 en étendant son
champ d'action aux crimes racistes, en faisant de
l'injure ou de la diffamation raciste non-publique,
un délit ;
- protéger les travailleurs immigrés et leurs
enfants contre l'arbitraire ;
- dissoudre les groupuscules 'fascistes et nazis" ».
Si François Mitterrand est le plus illustre
membre de la LICRA au pouvoir, il n'est pas le
seul. Dès juin 1981, Le Droit de Vivre dresse
avec fierté la liste des membres du gouvernement
également membres de la Ligue : le premier
ministre, Pierre Mauroy, Gaston Def ferre, mi-
nistre de l'Intérieur, Charles Hernu, ministre de
la Défense, André Delelis, ministre du Com-
merce, Louis Mexendeau, ministre des PTT,
s
Joseph Franceschi, secrétaire d'Etat aux person-
nes âgées. Ils seront très vite rejoints par Robert
Badinter, ministre de la Justice.
Officiellement, à cette date, 4,5 millions
d'étrangers résident en France. Les chiffres devien-
dront de plus en plus évasifs par la suite.
L'un des premiers gestes du nouveau ministre
de l'Intérieur, Gaston Defferre, est de suspendre
les expulsions de jeunes délinquants étrangers.
En effet, aussi surprenant que cela paraisse
292 Politiquement incorrect
aujourd'hui, le précédent ministre de l'Intérieur
du gouvernement Barre, Christian Bonnet, avait
commencé à expulser les « jeunes » étrangers
coupables de délits, même nés ou élevés en Fran-
ce, qui étaient renvoyés dans le pays d'origine de
leurs parents. Une mesure jugée « impitoyable »
que la LICRA avait vivement condamnée.
Avec cette décision de Christian Bonnet, nous
sommes loin de la suppression de la « double
peine » façon Sarkozy^. Une décision emblé-
matique que même la gauche n'avait pas osé
prendre ! Un exemple, parmi bien d'autres d'ail-
leurs, du besoin pathétique de la « droite » du
système de quêter en toutes circonstances l'ap-
probation de la gauche, et d'en rajouter si
nécessaire...
Dès octobre 1981 la loi Def ferre relative aux
conditions d'entrée et de séjour des étrangers en
France remplace donc la loi Bonnet de janvier
1980, qui réprimait l'immigration clandestine
selon « des moyens et des méthodes en contra-
diction avec la générosité traditionnelle de notre
pays ». La LICRA s'en félicite, mais pour cerner
aussitôt que quelques points négatifs ou demeurés
flous. Notamment la procédure visant à régler la
situation des immigrés clandestins.
293 La France LICRAtisée
En février 1982, la LICRA est reçue par le
s
secrétaire d'Etat chargé des immigrés, François
Autain, afin d'examiner la nouvelle politique
d'immigration. Cette rencontre est importante
car elle marque le point de départ d'une véri-
table collaboration. Et d'une montée en puis-
sance de la LICRA dans ce domaine également.
Le Droit de Vivre relate le déroulement de
l'entretien sur une page entière.
La Ligue attaque d'emblée de façon claire : « La
LICRA est la plus ancienne et la plus connue des
organisations antiracistes. M. le Président de la
République fait partie de son comité d'honneur. Nous
estimons juste que la LICRA bénéficie de la part des
pouvoirs publics de tous les avantages moraux et
matériels dus à son influence. Les responsables et les
membres de la LICRA souhaitent que, dans la lutte
antiraciste menée par le gouvernement, la LICRA
soit partie prenante et partie participante ».
Cette assurance lui sera aussitôt fournie :
« ...Vous souhaitez participer à l'action antiraciste
du gouvernement. Nous le souhaitons aussi. Je vous
indique d'ailleurs qu'en la matière, c'est nous qui
sommes demandeurs. Nous pensons que la LICRA,
qui est une organisation connue, méritante, aura
dans les prochains mois un rôle important à jouer ».
294 Politiquement incorrect
Question suivante : « La philosophie de la
LICRA, c'est le droit à la différence. Pensez-vous
qu'elle s'inscrira, à brève ou moyenne échéance
dans la réalité de la société française ? »
s
Réponse du secrétaire d'Etat... « Je le crois abso-
lument. La société multiraciale, on arrivera à la
faire accepter dans les esprits car elle est déjà une
expression de la réalité française... Nous avons
beaucoup à gagner à travailler ensemble. Il y a tout
à faire encore ».
S'il est vrai que la LICRA n'a pas ménagé ses
efforts pour aider la gauche à prendre le pouvoir,
elle n'a pas affaire à des ingrats.
Dès la fin de 1982, pointe une revendication
nouvelle : «L'opinion s'émeut périodiquement du
problème de l'octroi aux immigrés des droits politiques
et des droits syndicaux. (..) Un fait est certain., il
ne serait pas admissible que du point de vue du droit
individuel les étrangers ne bénéficient pas du même
sort que celui qui est réservé aux Français ».
Pierre Giraud, vice-président délégué de la
LICRA et député socialiste, qui s'exprime en ces termes,
poursuit en Précisant : « Toutes les politi-
ques seront mauvaises, sauf celles qui seront inspirées
par l'esprit de la LICRA : tolérance et respect de la
différence. (...) L'action de la LICRA est capitale :
295 La France LICRAtisée
elle doit s'exercer auprès de la population immigrée,
auprès des citoyens français, auprès des organismes
locaux (conseils municipaux, départementaux, régio-
naux) et auprès des pouvoirs publics ».
Bref, la LICRA doit intervenir partout et en
tout lieu.
Mais hélas, les problèmes sont têtus, même
avec un gouvernement de gauche et l'angélisme,
réel ou apparent, peine à les résoudre.
La LICRA s'interroge donc : « Une grande
campagne audio -visuelle pourrait être aussi le
moyen d'ouvrir les yeux aux Français sur le pro-
blème de l'immigration et dissiper les préjugés et les
peurs qu'éprouvent nombre de nos concitoyens lors-
qu'ils sont en présence de travailleurs étrangers ».
Une campagne audiovisuelle pour régler les
problèmes de l'immigration !
Sans oublier le dernier gadget à la mode : « Vin-
tercultur alité, source d'enrichissement mutuel pour
les communautés ». Vingt ans après, on commence
a en apprécier pleinement les résultats.
Jacques Chirac et Lionel Jospin sont interrogés
tous deux par le DDV en décembre 1983. Ce
sera l'occasion, pour ces deux proches de la
LICRA, d'énoncer un certain nombre de perles,
du style :
296 Politiquement incorrect
« En ce qui concerne la France d'aujourd'hui, il
est évident qu'elle compte trop de demandeurs d'em-
ploi, y compris dans la population immigrée qui se
trouve déjà chez nous, pour pouvoir envisager l'ar-
rivée de nouveaux étrangers, arrivée qu'il convient
résolument d'empêcher » (Jacques Chirac).
« Notre politique en ce domaine est tout à fait
claire. L'immigration est suspendue : la France n'ac-
cueille donc plus de travailleurs immigrés» (Lionel
Jospin) ...
De l'art de jouer sur les mots et d'endormir les
populations...
Cela n'empêche pas la LICRA de souffler sur les
braises et de faire monter la pression afin de se
placer elle-même en situation d'arbitre. De pousser
à l'immigration tout en criant au racisme.
En février 1984, on peut lire sous la plume de
Patrick Gaubert, alors responsable de la Ligue
pour les Hauts-de-Seine, cette offre de services :
«Actuellement le racisme est un véritable déto-
nateur et devant la carence de la classe politique,
la LICRA qui lutte contre les discriminations ra-
ciales depuis 1927, est la seule organisation qui
soit particulièrement apte et indépendante pour ai-
der à trouver la solution à ces problèmes d'enver-
gure nationale ».
297 La France LICRAtisée
Commence également à se poser avec de plus
en plus d'acuité le problème de la délinquance liée
à l'immigration, même s'il s'agit là d'un sujet
particulièrement tabou. Le journaliste Ivan Levaï,
membre du comité directeur de la LICRA, se
plaint en novembre 1984, lors d'un dîner-débat
sur le droit à la différence, de ce qu'à cause de Le
Pen, le « terreau de l'insécurité » soit devenu un
problème politique. Et il cite à titre d'exemple le
nombre d'interpellations sur la sécurité à l'Assem-
blée nationale, qui est passé de 7 en 1976 à 83
en 1982 ! Ivan Levaï y voit d'office l'effet Le Pen,
qui n'avait pourtant, en 1982, pas encore opéré sa
grande percée. N'aurait-il pas été plus pertinent
d'y voir plutôt une montée bien réelle de
l'insécurité ? Une insécurité qui ne fera que croître
par la suite, alors qu'il était possible de l'endiguer
dès ses débuts par une politique de fermeté
à l'égard des délinquants.
Un tel refus de voir la réalité en face est assez
sidérant. Et l'on mesure à quel point Jean-Marie
Le Pen a joué un rôle essentiel pour la gauche. En
rejetant tous les problèmes de l'immigration sur lui
- problèmes dédaigneusement qualifiés de « fonds
de commerce du FN » - elle a surtout évité
d'avoir à les affronter et plus encore, à les résoudre.
298 Politiquement incorrect
C'est simple, si Le Pen n'avait pas existé, il
aurait fallu l'inventer.
L'alarmisme monte d'un cran en 1985 et la
LICRA accuse certains intellectuels de faire sau-
ter les tabous et de transgresser des interdits mo-
raux. On pourrait objecter que c'est justement la
raison d'être des intellectuels.
Ailleurs peut-être, mais pas dans ce domaine
sacro-saint, et surtout pas en France. C'est que
certains - des journalistes, essentiellement
osent s'attaquer à l'antiracisme, qui ferait le lit
du racisme ! Le DDV les accuse de lancer un
nouveau terrorisme : « Crier au racisme, c'est por-
ter atteinte à l'honneur de la France », et sous le
titre «Menacés d'être anti-français», s'alarme :
« Et c'est ainsi que le tabou raciste pourrait com-
mencer à sauter. Pas seulement dans le discours de
la droite, mais aussi dans celui de la gauche, qui
ne se voudrait pas moins patriote que la première.
Et alors le piège aurait fonctionné et juifs, arabes,
immigrés, se trouveraient coupés de la Nation,
marginalisés pour être mieux exclus ».
La palme de l'angélisme revient en 1985 à
Bernard Stasi, alors vice-président centriste de
l'Assemblée nationale, qui, à l'occasion de la
sortie de son livre L'immigration, une chance pour
299 La France LICRAtisée
la France, a droit à deux pleines pages dans Le
Droit de Vivre C'est un tout un collier de perles
qu'égrène pour l'occasion ce membre éminent de
la LICRA :
A propos de la délinquance : « J'admets, même si
l'on tient compte de ce correctif, qu'il y a une sur-
délinquance étrangère en ce qui concerne la drogue .
Mais cela s'explique très bien pas les conditions de
vie difficile des immigrés qui, plus que d'autres,
peuvent parfois checher une u fuite", une conso-
lation, un paradis artificiel, dans le dépaysement
qu 'ils vivent ».
A propos de la démographie : « C'est d'abord
une chance au point de vue démographique : au
cours de ces dernières décennies, la croissance de la
population en France a été due pour moitié aux
naissances dans les familles étrangères ».
A propos d'économie, un petit morceau d'an-
thologie : « Par ailleurs, il ne faut pas négliger l 'atout
des jeunes d'origine maghrébine qui, parlant arabe,
pourraient nous aider à conquérir certains marchés.
Nos relations avec les pays arabes, qui sont certaine-
ment appelées à se développer, peuvent être facilités par
la présence sur notre territoire de jeunes dynamiques,
connaissant l'arabe, pouvant nous aider à manifester
notre présence commerciale dans les marchés arabes ».
300 Politiquement incorrect
A ce stade, il est franchement superflu de faire
des commentaires...
Il n'empêche que les années 1984-1985 mar-
quent un tournant. Le Front national com-
mence, logiquement, à enregistrer des succès
électoraux et le DDV, qui l'ignorait pratique-
ment jusque-là, va désormais s'y intéresser jus-
qu'à l'obsession, le diaboliser et l'associer sys-
tématiquement à Vichy. Dans un premier temps.
Car devant l'insuccès, on passera au niveau
d'intimidation supérieur et le Front national sera
carrément traité de parti fasciste et néo-nazi.
Avec vingt années de recul, il est extraordinaire
de constater dans le texte l'arrogance de certains
journalistes donneurs de leçons à partir de leur
microcosme parisien. Ainsi, sous le titre « Bana-
lisation dangereuse du racisme », on peut lire dans
le DDV ces propos d'Ivan Levaï, encore lui : « Le
journaliste que je suis est un témoin. Je constate que
l'immigration est l'un des thèmes forts des élections
mars 1986. Certains, dans leur logique discrimi-
natoire, voudraient exclure les étrangers. Je viens de
déjeuner avec Yves Montand. Faudra-t-il expulser les
Italiens de cette génération? Demandera-t-on à Isa-
belle Adjani, Marie- josé Nat et bien d'autres, de
quitter le pays? ».
30 1 La France LICRAtisée
En 1986, c'est la première cohabitation, et
Jacques Chirac se retrouve premier ministre. Il
élargit les compétences de la Commission con-
sultative des Droits de l'Homme, dont il confie la
présidence à Jean Pierre-Bloch, également prési-
dent de la LICRA. L'ambition de la Commission
est, selon les vœux de son nouveau responsable,
« de devenir une autorité morale indépendante qui
renforcera la réputation de la France, patrie des
droits de l'homme ».
Cette même année, une nouvelle loi régle-
mente les conditions d'entrée et de séjour des
étrangers en France. La LICRA y a participé
activement et a réussi à faire modifier un certain
nombre de dispositions. Mais elle est loin de
s'estimer globalement satisfaite. Elle s'oppose en
particulier à un autre projet, particulièrement
crucial. Celui de la réforme du code de la
nationalité.
Le projet de réforme du code de la nationa-
lité
Ce projet - expressément inscrit dans la
plateforme RPR-UDF de janvier 1986 - prévoit
notamment que l'acquisition de la nationalité
devra résulter d'une demande et ne sera donc
302 Politiquement incorrect
plus automatique. Une autre disposition vise à
empêcher les « mariages blancs ».
La LICRA monte immédiatement au créneau
et publie un communiqué dont le préalable est
le suivant : « La LICRA, ayant pris connaissance
du projet de loi portant réforme du code de la
nationalité a déploré de ne pas avoir été consultée
au préalable, lors de son élaboration, sur le projet.
Elle considère qu'une réforme du code de la
nationalité dans la situation actuelle de montée du
racisme et de la xénophobie est inopportune et
dangereuse. Elle se tient à la disposition de la
commission des lois pour être entendue ».
Un peu plus loin dans ce texte, la LICRA sou-
haite « que soient supprimées du projet de loi soumis
au parlement toutes causes générales d'exclusion du
bénéfice de V acquisition de la nationalité française
fondées sur le défaut "d'assimilation à la commu-
nauté française" notamment par une connaissance
suffisante selon sa condition de la langue fran-
çaise (...) La LICRA fait en tous cas des réserves au
sujet de l'article 6 du projet de loi qui fait de certai-
nes condamnations une cause d'exclusion du bénéfice
de l'accession à la nationalité française ».
Ainsi donc, sur les points importants que
constituent la démarche volontaire, le désir réel
303 La France LICRAtisée
d'intégration par la langue, le rejet de certaines
catégories de délinquants, la LICRA tâche au
maximum de vider le projet de sa substance.
Devant la levée de boucliers, le gouvernement
va reculer. La promesse électorale sera jetée aux
oubliettes. Le projet de réforme du code de la
nationalité, sujet sensible s'il en est, sera enterré
et ne réapparaîtra qu'en 1993.
Cette immuable solidarité entre juifs et arabes
que défend imperturbablement la LICRA n'est
pourtant pas vraiment payée de retour. Déjà à ce
moment-là, en 1986, le DDV dénonce l'antisé-
mitisme d'une revue publiée en France, Tribune
musulmane. Dans son 2 e numéro, cette revue ose
écrire : « Peuples de France ! observez, écoutez,
lisez, analysez lactualité. Vous y verrez mieux les
techniques d'infiltration et de manipulation d'une
opinion désormais contrôlée à merveille par des
lobbies antinationalistes ».
Le DDV en tire la conclusion suivante... « On
ne peut être plus clair., il s'agit de dresser les Fran-
çais contre d'autres Français, les juifs, en précisant
que ceux-ci agissent dans le sens opposé à l'intérêt
de la France ».
En mai 1988, Le Droit de Vivre consacre un
autre long article aux tentatives de mobilisation
304 Politiquement incorrect
des immigrés arabes contre les juifs, qui se pour-
suivent, et rend compte très longuement d'un
éditorial intitulé « Dans le sang et les larmes »,
paru en avril dans l'hebdomadaire algérien
Actualités de V émigration. Entre autres amabilités,
cet éditorial accuse : « Israël vote en France
comme il vote aux Etats- Unis. Il y exerce même un
vote de première classe, un vote de premier collège.
Peut-on dès lors appeler nations libres des pays où
la classe politique pour accéder au pouvoir doit ac-
cepter le diktat d'un vote qui se dit juif et apparaît
nécessaire et incontournable uniquement par les
politiciens qui n'ont ni le courage ni la dignité de
lui opposer les intérêts nationaux, la souveraineté
nationale dont ils se prétendent par ailleurs les
porte-paroles ».
Il est tout de même troublant de constater que
malgré la multiplication de faits semblables - qui
illustrent une montée certaine de l'antisémitisme
arabe, y compris en France - et leur parfaite
connaissance par la LICRA, celle-ci continue
comme si de rien n'était à favoriser l'entrée dans
notre pays d'une population arabo-musulmane
toujours plus nombreuse. Et à interdire, sous
peine de poursuites judiciaires, toute opposition.
305 La France LICRAtisée
De 1988 à 1995 - François Mitterrand/2
Nouveau pas de deux : au début de 1989, le
nouveau ministre de l'Intérieur, Pierre Joxe,
annonce un nouveau projet de loi sur les
conditions d'entrée et de séjour des étrangers en
France, destiné à abroger les dispositions anté-
rieures prises par le gouvernement de cohabi-
tation, jugées trop répressives.
La LICRA s'en réjouit : « C'est avec satisfaction
que la LICRA prend acte de la volonté conforme à
ses vœux, exprimée par le président de la République,
de voir réviser les règles d'entrée et de séjour des
étrangers en France. La LICRA souhaite en cette
année du bicentenaire que soit évité un nouveau
replâtrage de mesures dépassées et de circonstance, au
profit d'une réelle codification de l'immigration con-
forme aux droits de l'homme. En particulier, la
LICRA insiste pour que le contentieux de l'immigra-
tion soit confié dans son entier aux juges judi-
ciaires ».
Plutôt qu'à la police, réputée moins conci-
liante.
D'ailleurs, il n'y a vraiment pas urgence, à ses
yeux, à limiter l'immigration : à la fin de 1989,
la LICRA annonce des chiffres précis relatifs au
nombre d'étrangers en France - des chiffres tirés
306 Politiquement incorrect
des statistiques officielles, naturellement - et en
tire un diagnostic définitif : « Néanmoins, avec
un flux de près de 100 000 immigrés par an, la
France n'est ni "envahie ", ni menacée. Elle est en
mesure de les accueillir, de les aider par une
politique intelligente d'intégration ».
En 1990, le gouvernement prend trois décrets
autorisant les Renseignements Généraux et la
Justice à constituer des fichiers informatisés
comportant certaines données sur « les origines
raciales ou les opinions politiques, philosophi-
ques ou religieuses ou les appartenances syndi-
cales ». La Commission Informatique et Libertés
s
ainsi que le Conseil d'Etat ont donné leur aval
à ces décrets, dont l'objectif principal est de
lutter contre le terrorisme.
Mais la tempête se déchaîne immédiatement.
Considérant que « les droits fondamentaux pro-
clamés par les Pères de notre République sont ba-
foués », la LICRA et les autres associations anti-
racistes donnent aussitôt de la voix. Avec un plein
succès, car les deux décrets relatifs aux Ren-
seignements Généraux sont prestement retirés.
Reste celui sur la Justice. La LICRA exige
également son retrait en s'arrogeant le droit de
décider de son inutilité :
307 La France LICRAtisée
« Le décret du 2 février 1990, toujours en vi-
gueur, menace la liberté des personnes. Il autorise
en effet toutes les juridictions de V ordre judiciaire
et de V ordre administratif à faire apparaître de
telles données.
Les informations requises par cette disposition ne
sont pas utiles au fonctionnement de ces juridictions
et ouvrent la porte à toutes les dérives. La démocratie
ne doit pas aller à reculons, mais se développer dans
la transparence et la garantie des libertés ».
Arrive l'époque des petites phrases. Nous
sommes en 1991, les législatives approchent. Les
Français s'exaspèrent de plus en plus, et les hom-
mes politiques essaient de récupérer (déjà !) l'élec-
torat de Jean-Marie Le Pen. Jacques Chirac parle
des odeurs nauséabondes et des bruits générés par
les immigrés dans les immeubles à cohabitation
difficile, Valéry Giscard d'Estaing parle d'inva-
sion et de rétablissement du droit du sang pour
l'attribution de la nationalité française.
François Mitterrand, du haut de son Olympe,
s'offre le luxe de jouer les pères nobles en dé-
nonçant « des querelles qui ne grandissent per-
sonne ». Le président de la LICRA, quant à lui,
adresse au sénateur Michel Poniatowski une lettre
pour le morigéner, dans laquelle il considère
308 Politiquement incorrect
comme « grave et inadmissible, le parallèle sinon
l'amalgame que vous faites entre l'occupation alle-
mande (les lourdes pertes et malheurs qu'elle a en-
traînés, la perte de notre identité, l'humiliation que
nous en avons subie) et « l'occupation » - il est vrai
non militaire - de la France par les immigrés,
dénoncés comme porteurs du risque du « changement
de notre identité sous une pression extérieure ».
Le projet de réforme du code de la nationalité,
sujet toujours aussi sensible, continue à traîner
en longueur. Mais il réapparaît en 1993 à la
faveur de la seconde cohabitation.
Quelques jours avant sa présentation à l'As-
semblée nationale, la LICRA « réaffirme avec
force son opposition à toute remise en cause du
principe républicain du droit du sol. Pour elle, un
enfant né en France doit pouvoir acquérir la natio-
nalité française automatiquement, sans formalité.
Elle demande le retrait pur et simple du projet
qui remet ce droit en cause ».
Elle n'obtient pas satisfaction, car le projet est
finalement adopté. Sous le titre : « Code de la
nationalité : une réforme inutile et dangereuse », la
LICRA n'aura pas de mots assez durs pour
dénoncer cette réforme « déséquilibrée, adoptée
dans un contexte de suspicion ».
309 La France LICRAtisée
Cette seconde cohabitation est marquée par le
souci du gouvernement Balladur - Charles
Pasqua est ministre de l'Intérieur - de s'attaquer
plus fermement au problème de l'immigration,
qui empoisonne de plus en plus la vie politique.
s
Edouard Balladur en est parfaitement conscient,
qui déclare au journal Le Monde : « Chacun sait
qu'une très grande majorité des Français pensent
qu'il faut adapter nos règles à une situation
nouvelle caractérisée par l'ampleur des mouvements
de population (...) Vous ne pouvez pas nier qu'il
y a dans notre société une inquiétude très grande ».
Outre la réforme du code de la nationalité,
sont mis sur la sellette les contrôles d'identité, la
délinquance des jeunes, le droit d'asile.
En réponse à une campagne de Charles Pasqua
sur le thème de la délinquance et de l'immigration,
la LICRA s'évertue à rejeter systématiquement tous
ses arguments, pour conclure : «D'une manière
générale, mettre en évidence ces statistiques de la
délinquance, en ce moment, c'est jeter une fois encore
la suspicion sur l'ensemble des immigrés et exacerber
les réflexes sécuritaires et de peur de la population, et
par là-même accroître la xénophobie ambiante ».
En d'autres termes, pour ne pas accroître la
xénophobie ambiante, il faut pratiquer la politi—
310 Politiquement incorrect
que de l'autruche, s'enfouir la tête dans le sable
pour ne rien voir, et surtout pas ces statistiques
politiquement très incorrectes.
De même, la Ligue condamne avec la plus
grande fermeté le projet de loi sur les contrôles
d'identité. Elle lance « un appel à tous les parle-
mentaires pour qu'ils s'opposent à ce texte qu'elle
considère comme un recul du droit de la personne
et qui porte atteinte aux libertés fondamentales ».
Toutes ces mesures, que l'on appellera les lois
Pasqua, vont être systématiquement rejetées par la
LICRA, qui n'admet pas en réalité, bien qu'elle
s'en défende, le moindre contrôle du flux migra-
toire, et considère que ce n'est jamais le bon
moment de prendre des dispositions répressives.
Elle va condamner également les centres de rétention
administrative et les « conditions particulièrement inhu-
maines de détention faites aux étrangers et plus
particulièrement au dépôt de Paris ». Elle annonce
qu'elle interviendra judiciairement pour que
soient condamnées « ces pratiques inqualifiables ».
Le Conseil constitutionnel, présidé par Robert
Badinter, ancien garde des sceaux, et membre de
la LICRA, est appelé à la rescousse et relève, à
propos des lois Pasqua, un certain nombre
d'« atteintes excessives » aux droits fondamen-
311 La France LICRAtisée
taux. Il censure toute une série d'articles, relatifs
notamment à l'interdiction du territoire pour les
étrangers expulsés, au délai imposé pour faire
venir en France un nouveau conjoint, à la lutte
contre les mariages blancs.
Charles Pasqua déclarera que le Conseil cons-
titutionnel empêche le gouvernement d'appli-
quer sa politique, particulièrement en matière de
droit d'asile.
Pourtant, les banlieues dites sensibles ont un
ministre à l'écoute, membre lui aussi de la
LICRA, qui plus est : Simone Veil, dont on a
oublié aujourd'hui qu'elle fut, et d'ailleurs une
pléthore d'autres avant et après elle, ministre de
la Ville.
Pour quels résultats ? Ce n'est pourtant pas
faute de crédits, car des sommes colossales ont
été déboursées à cet effet par le contribuable.
Mais, s'il n'y a effectivement pas de résultats,
ce n'est pas de la faute des immigrés. C'est de la
faute des Français, décidément toujours aussi
racistes.
C'est en tout cas ce que Le Droit de Vivre af-
firme explicitement en 1993 : « Cette intégration
est en marche. De multiples signes l'indiquent : la
réaction anti-drogue du quartier des Biscottes, dans
312 Politiquement incorrect
la banlieue de Lille, la liesse de Marseille unie
dans la célébration de la victoire de l'O.M ; la
promotion scolaire et sociale des jeunes filles ; l'aide
à la scolarité des plus jeunes dans les cités, etc.
Mais cette intégration, très souvent acquise avec
plus de difficultés que pour les précédentes vagues
d'immigration, est fragile. Si la majorité des immi-
grés ont d'ores et déjà donné la preuve de leur
volonté de s'intégrer, il n'est pas certain que la
majorité des Français y soient prêts, fasse l'effort
d'accueil des immigrés et facilite leur intégration.
C'est à cette tâche qu'il faut à présent s'atteler ».
La réforme du droit d'asile
En 1993, elle entraîne de nouvelles récrimi-
nations. Un paragraphe de la nouvelle loi re-
connaît à la France le droit souverain d'accorder
le droit d'asile à qui elle veut. Il s'agit là d'un
recul pour la LICRA, qui s'indigne de ce que
« ce droit de demander le secours et le refuge de la
France n'est plus absolu et inaliénable. De plus, le
droit d'asile universellement reconnu et codifié par
la convention de Genève est désormais lié en France
aux problèmes de l'immigration et du contrôle des
flux en un amalgame qui lui fait perdre, dans les
pratiques, son caractère sacré ».
313 La France LICRAtisée
En 1993 et 1994, elle organise donc avec ses
associés habituels des manifestations monstres à
Paris et dans toute la France pour exiger le
retrait des lois Pasqua. Cinq thèmes sont choi-
sis : contre les exclusions et la régression sociale
- pour l'abrogation des lois Pasqua-Balladur -
pour la défense du droit d'asile - pour l'égalité
des droits - pour le droit de vote des immigrés.
Associations, partis et syndicats défilent sous les
banderoles proclamant : « Non aux boucs émis-
saires », « Halte aux expulsions », « Pasqua, l'apar-
theid on n 'en veut pas », « Nous sommes tous des
immigrés ».
Faute d'avoir pu faire prévaloir totalement son
point de vue, la LICRA a au moins su indiquer
les limites à ne pas dépasser.
Elle mène dès lors une guerre de tranchées et
s'oppose autant qu'elle le peut à la mise en
application des lois. Un exemple éclairant :
début 1994, deux jeunes Algériens sont expulsés
« en urgence absolue » vers l'Algérie par le minis-
tre de l'Intérieur, à la suite de leur interpellation
à l'issue d'une manifestation. Une intense cam-
pagne médiatique est aussitôt déclenchée et le
TGI de Lyon ordonne leur retour. Charles
Pasqua dénonce à ce propos « une tentation de
314 Politiquement incorrect
la part de certains juges de créer une jurisprudence
contraire à la loi ».
Le DDV de mai 1994, ne cachant pas sa sym-
pathie pour les magistrats, commente l'affaire sous
le titre éloquent de : « Mise au pas de Pasqua ».
Au moment même où, en France, la LICRA
ne cesse de soutenir autant qu'elle le peut l'im-
migration arabo-musulmane et dénonce inlas-
sablement toute tentative d'endiguer le flot, le
conflit entre Israël et les pays arabes - et le ter-
rorisme qui en découle - atteint des proportions
assez gigantesques. Le Droit de Vivre relate en
septembre 1994, sous le titre « Carnage anti-
sémite à Buenos Aires », l'attentat contre l'im-
meuble de l'association juive AMIA. Cet atten-
tat, revendiqué par le groupe intégriste
pro-iranien Jihad islamique se solde par le bilan
énorme de 100 morts et 200 blessés !
Un attentat que le premier ministre israélien
Yitzhak Rabin qualifie de «pire perpétré contre la
communauté juive depuis la deuxième guerre
mondiale ».
Le même groupe avait déjà à son actif l'at-
tentat de mars 1992 contre l'ambassade d'Israël
toujours à Buenos Aires, qui avait fait alors 30
morts et 200 blessés.
315 La France LICRAtisée
A côté de ce type d'actions, l'antisémitisme
français fait quand même pâle figure. Il
n'empêche que c'est lui qui est dénoncé à lon-
gueur de colonnes.
Depuis 1995, Jacques Chirac
Jacques Chirac élu - on est loin de l'enthou-
siasme de 1981 - la LICRA exprime immé-
diatement le souhait que le nouveau président de
la République « respecte les engagements qu'il a
pris auprès de nous pour mettre un terme à ces
agissements ».
Quels engagements ? Quels agissements ? Sur
ce second point, au moins, on est vite ren-
seignés : les agissements du Front national, bien
sûr, et comme on ne prête qu'aux riches, ses
« ramifications avec des groupes d'extrême droite
fascisants ».
D'ailleurs, la LICRA poursuit en précisant
qu'elle « rappellera prochainement ses positions au
président de la République et au gouvernement ».
A bon entendeur...
La Ligue poursuit sa lutte opiniâtre contre
toutes les mesures de fermeté visant à tenter de
maîtriser l'immigration. Après Pasqua, il s'agit à
présent de dire non aux lois Debré et Toubon,
316 Politiquement incorrect
sous les slogans « Non aux lois racistes » ou « Non au
racisme et à l'intolérance ».
Lorsqu'est rendu public en avril 1996 le
rapport parlementaire Phillibert-Sauvégo, qui
propose au contraire de durcir les lois Pasqua, la
LICRA dénonce carrément « des mesures extré-
mistes, une escalade de mesures qui constituent des
atteintes graves aux libertés ».
Là encore, devant la levée de boucliers, le pre-
mier ministre, Alain Juppé, se hâte de faire machi-
ne arrière, déclarant que le dossier de l'im-
migration « n'est pas clos » et que « nous prendrons
les dispositions législatives ou réglementaires qui
s'imposent le moment venu ».
Un test grandeur nature va permettre, dès l'été
suivant, de mesurer le degré de fermeté du
pouvoir à l'égard des problèmes d'immigration,
L'affaire des immigrés clandestins, improprement
(36)
».
mais judicieusement baptisés « sans-papiers
installés dans l'église Saint-Bernard à Paris, tient
la France en haleine durant tout l'été 1996. Ils
en seront finalement expulsés à la fin du mois
d'août, après bien des atermoiements, expulsion
que la LICRA juge inadmissible.
A propos de ce type d'occupation, qui, vue le
succès médiatique, se renouvellera bien souvent,
317 La France LICRAtisée
on peut d'ailleurs se poser la question : pourquoi
cela se passe-t-il toujours dans une église ?
Pourquoi pas, pour changer, dans une mosquée ?
Ou dans une synagogue ?
A l'automne de la même année, le ministre de
l'Intérieur, Jean-Louis Debré, présente à nouveau
un projet de loi sur l'immigration. Tout comme
les précédents, ce projet est clairement condam-
né par la Ligue, qui n'y voit qu'un moyen d'ac-
centuer « la logique de politique restrictive et
répressive de l'immigration mise en place ».
Elle prend donc au printemps 1997 la tête des
manifestations contre la loi Debré. On inaugure
à cette occasion le terme qui fera florès par la
suite, de mobilisation citoyenne. Tout ce qui est
antiraciste devient à présent citoyen. Comme le
mot raciste - et certains autres, d'ailleurs - le
mot citoyen prend un nouveau sens, qui n'est
plus celui du dictionnaire. Il est désormais in-
vesti d'une charge morale. Cette appropria-
tion^ est bien sûr un moyen supplémentaire
d'exclure « les autres », les racistes, ceux qui, for-
cément, ne peuvent pas être des citoyens nou-
velle version. Une façon de les pousser un peu -
plus dans les poubelles de l'histoire chères à
Trotski.
318 Politiquement incorrect
Un certain nombre d'intellectuels et de gens
du spectacle se croient autorisés à appeler à la
désobéissance civique, c'est-à-dire au refus pour
les hébergeants de signaler à la mairie le départ
de leurs invités étrangers, comme la nouvelle loi
le prescrit.
Ils bénéficient évidemment d'un très large
écho médiatique.
Lors de la première manifestation, le 22 fé-
vrier, la LICRA « dénonce avec fermeté les dérives
dangereuses dans lesquelles le projet de loi Debré
entraîne notre pays. Sans discernement, en créant
l'amalgame, au nom d'une politique de l'immi-
gration, certes nécessaire, ces mesures répressives ten-
dent à nier le fondement même de notre Etat de
droit en bafouant les principes fondamentaux de la
République et en permettant à l'extrême droite la
justification de son discours raciste et xénophobe.
La LICRA condamne une politique qui porte
atteinte à la liberté et à la dignité des étrangers
vivant en France mais également des Français qui
les accueillent et les soutiennent (...) La LICRA
appelle tous ses adhérents et ses sympathisants à se
mobiliser pour faire barrage à ce projet de loi ».
Autrement dit, il faut une politique de l'immi-
gration, mais sans répression...
319 La France LICRAtisée
Il est intéressant de noter que la Ligue con-
sidère que ces mesures «justifient le discours de
l'extrême droite ». En d'autres termes, serait-il
possible que l'extrême droite puisse en fin de
compte avoir raison ? Ce qui signifierait en clair
que les associations antiracistes pourraient avoir
tort ? Il s'agirait là d'une catastrophe absolue
qu'il convient de masquer à tout prix en élimi-
nant l'extrême droite. Ce qui est de toute façon
plus simple que d'éliminer le problème qu'elle
dénonce.
Avant que « l'irréparable », selon ses propres
termes, ne soit commis, la LICRA en appelle au
président de la République, Jacques Chirac, afin
qu'il décrète un moratoire de six mois pour que
« la sérénité revienne ».
La mobilisation « spontanément placée sous le
signe du civisme et du sursaut citoyen », se poursuit
en province, notamment à Strasbourg, où le
Parlement européen se permet d'inviter le gouver-
nement français à retirer le projet de loi Debré.
Face à ce tir de barrage, le ministre de l'Intérieur
fait finalement machine arrière, lui aussi, et dé-
clare : « Il est hors de question d'envisager, en France,
une immigration zéro (...) Notre pays a besoin, pour
son développement culturel pour son développement
320 Politiquement incorrect
économique et social, de cet apport d'étrangers. Il faut
donc continuer à les accueillir en France ».
La loi est cependant votée avec de nombreux
amendements et le Conseil constitutionnel, tou-
jours présidé par un socialiste, mais cette fois par
Roland Dumas, à nouveau appelé à la rescousse,
en censure plusieurs dispositions.
La gauche revient au pouvoir en 1997, à la
faveur de la dissolution de l'Assemblée nationale
prononcée par Jacques Chirac. La LICRA rappelle
immédiatement au parti socialiste, et en particulier
à Lionel Jospin, ses promesses de campagne : en
premier lieu, la suppression des lois Pasqua et
Debré. Elle souhaite également la reprise du projet
de loi visant à réprimer la propagation des idées
racistes, ou projet Toubon, et déclare sans amba-
ges : « La LICRA a souhaité que ces modifications
législatives importantes puissent être menées rapide-
ment et que les projets de loi soient déposés sur le
bureau des Assemblées dès l'automne ».
Le nouveau gouvernement n'abrogera cepen-
dant pas les lois honnies, qu'en son for intérieur,
il sait nécessaires. Elles seront cependant large-
ment aménagées.
La LICRA n'est pas vraiment satisfaite, mais
néanmoins, faute de mieux, « acueille favorable-
321 La France LICRAtisée
ment certaines avancées dans les avant-projets de
loi du garde des sceaux et du ministre de Vlnté-
ieur ».
Un sujet scabreux, la préférence nationale :
En 1932, le Cartel des gauches remportait les
élections législatives et, à la demande de la CGT,
faisait voter une loi protégeant la main d'œuvre
nationale. La préférence nationale est donc bel et
bien une loi de gauche, qui sera abrogée en 1981
par François Mitterrand.
Elle constitue l'une des revendications prin-
cipales du Front national et, à ce titre, est bien
évidemment rejetée par la LICRA, pour qui
« inscrire la préférence nationale dans les discours
politiques, c'est y inscrire le racisme, la xénophobie,
l'antisémitisme et la violence ».
Rappelons au passage que dans pratiquement
tous les pays du monde existe un traitement
différencié entre nationaux et résidents étrangers,
ce que l'on nomme chez nous préférence natio-
nale. Dans pratiquement tous les pays du mon-
de, sauf en France depuis 1981.
s
Edouard Balladur ose transgresser ce tabou en
juin 1998. Lors d'une émission de radio, il plaide
pour la constitution d'une commission de ré-
322 Politiquement incorrect
flexion sur la préférence nationale ouverte au FN
et pose la question suivante : « Est-il normal ou
anormal légitime ou contraire aux principes répu-
blicains traditionnels, de réserver certaines prestations
aux nationaux et de les refuser - pour une durée
d'ailleurs à déterminer - aux résidents étrangers ? ».
Il est aussitôt fermement condamné par toute
V s
la gauche, et par la LICRA. A ses yeux, Edouard
Balladur est entré dans le clan des hommes
politiques de droite prêts à pactiser avec le parti
de Jean-Marie Le Pen. Le danger est grand, car
d'autres pourraient lui emboîter le pas. Le dis-
cours se fait donc mélodramatique :
« C'est une faute grave qui met en cause les
valeurs fondamentales de notre République. Aucun
démocrate digne de ce nom ne peut transiger sur
cette notion sans remettre en cause le mot "égalité"
que l'on retrouve sur le fronton des 36 000 com-
munes de France. S'inscrire dans cette démarche,
c'est porter un mauvais coup à nos valeurs républi-
caines ».
Apparemment, certains membres de la com-
munauté juive commencent quand même à s'in-
quiéter de la tournure des événements. Ils seront
immédiatement condamnés sans ambiguïté par
la Ligue.
323 La France LICRAtisée
En juillet 1998, sous le titre « Pour l'interdic-
tion d'une association », le DDV révèle que : « La
LICRA, représentée par M e Jean-Serge Lorach, a
demandé l'interdiction, pour trouble à l'ordre
public, d'une association dénommée "Comité Na-
tional des Juifs Français" dont les statuts précisent
que son but est de "mettre en garde l'opinion pu-
blique et plus particulièrement nos coreligionnaires,
contre l'extrême péril que constitue l'invasion du
territoire national par une marée musulmane
qu'encadrent des intégristes fanatiques qui sou-
tiennent le terrorisme, méprisent les lois et se refu-
sent à respecter la neutralité politique qui s'impose
à tout étranger dans un pays qui l'accueille" ».
Le président de ce Comité, Jean-Charles
Bloch, avait déclaré dans un communiqué :
« Avec la meilleure volonté intellectuelle et la plus
grande souplesse d'esprit dont je suis capable, je
narrive pas à établir une relation entre le massacre
délibéré par les nazis de populations juives de l'Eu-
rope occupée et le refus de voir s'installer aujourd'hui
en France une marée maghrébine prolifique et
difficilement assimilable qui va, à court terme,
bouleverser tous les équilibres de la nation (...) Pour
besoins de la cause - gauchisme favorable à
F immigration massive - on met dans le même
324 Politiquement incorrect
panier des Israélites, français depuis des générations,
qui sont parfois professeurs d'universités ou grands
industriels et qui sont relativement peu nombreux,
avec les millions d'immigrés attirés par les avantages
matériels qu'ils trouvent en France ».
Au cours des années suivantes, la LICRA ne
cessera à aucun moment de manifester son
acharnement, principalement judiciaire, à ren-
contre de tous ceux qui remettent en question
les dogmes qu'elle impose, notamment en ma-
tière d'immigration. Elle mène un combat achar-
né contre le Front national et réussit à établir un
cordon sanitaire autour de ce parti, dont les
sympathisants sont exclus sans ménagement de
la vie publique et traités en pestiférés.
L'effet dissuasif est remarquable. Le courage
n'étant pas la vertu première du personnel poli-
tique de notre pays, pratiquement tous obéissent
au diktat sans broncher et même adhèrent à la
Ligue, s'assurant ainsi la paix. Du moins tant
qu'ils restent sur les rails.
Une certaine inquiétude, puis une vraie préoc-
cupation, vont quand même finir par percer à la
LICRA. L'islamisme radical prend de l'ampleur
- comme il n'était pas difficile de le prévoir - et
face à ce phénomène, qui s'accompagne de
325 La France LICRAtisée
manifestations d'antisémitisme, le discours de la
Ligue commence à évoluer. Mais n'est-il pas trop
tard ?
Apparemment pas, puisque le DDV de décem-
bre 2002 se félicite encore de ce que le président
de la LICRA, Patrick Gaubert, soit un « ami de
vingt ans » de Nicolas Sarkozy et qu'il l'ait à ce
titre convaincu d'assouplir sa position sur la
double peine. Et qu'il serve par ailleurs « d'in-
terface entre le ministère et les coordinations de
sans-papiers ».
Un antisémitisme politiquement très incor-
rect
Il n'en demeure pas moins qu'à partir de l'an
2000, la LICRA s'alarme de plus en plus d'une
véritable recrudescence des actes antisémites.
Il ne s'agit plus cette fois d'un « climat » qu'elle
a l'habitude de dénoncer, mais de faits bien réels,
fréquents, et qui commencent à toucher tout
s
particulièrement les établissements de l'Educa-
tion nationale.
Et comble de malheur : ils ne sont pas imput-
ables à l'extrême droite. Il faut se rendre à une
évidence des plus désagréables : il s'agit d'un
antisémitisme arabo-musulman qui provient en
326 Politiquement incorrect
droite ligne des quartiers peuplés d'immigrés.
Ceux-là même que la LICRA défendait avec tant
de sollicitude.
Cette fois, finies l'indulgence et la solidarité
inébranlables !
A partir de ce moment-là, dans les pages du
DDV, le combat contre l'antisémitisme prend à
nouveau résolument le pas sur le combat anti-
raciste. Car cette fois, c'est sérieux :
« Oui, l'antisémitisme est le pire des racismes !
(...) Il n'y a pas d'excuses à l'antisémitisme. Les
antisémites ne sont pas des voyous comme osent le
dire les dirigeants du MRAP ! Ce sont des barba-
res ! Des ennemis de l'humanité ! ».
Ailleurs, on peut lire : «Aujourd'hui, les politi-
ques ne réagissent pas afin, disent-ils, de ne pas
envenimer les relations entre juifs et arabes (...) On
n 'ose pas désigner clairement les petits délinquants des
banlieues de crainte de les stigmatiser et ils béné-
ficient en grande partie de l'indulgence des pouvoirs
publics en raison de leur situation sociale supposée ».
Ou encore, en mars 2003 : « On assiste, en
effet, dans certaines banlieues et pas seulement là,
de la part de certains individus manipulés et
faibles - et n'ayons pas peur des mots si l'on veut
éradiquer ce mal - d'origine maghrébine, à des
327 La France LICRAtisée
« ratonnades antijuives » d'un autre siècle motivées
par le désir de faire corps avec le peuple palestinien
«ployant sous le joug de l'armée israélienne».
Des voyous ! des barbares ! d'origine maghré-
bine ! Exactement les mêmes propos qui condui-
saient peu de temps auparavant - et qui condui-
ent toujours d'ailleurs - les « racistes » tout
droit en correctionnelle à l'instigation de cette
même LICRA.
Dans la tribune déjà citée, « Pour un Vatican II
de l'islam », on trouve cette phrase ô combien
révélatrice : « La République ne peut tolérer que sur
son sol une poignée de fous de dieu, ou de désœuvrés
sous l'emprise de prédicateurs enflammés, commet-
tent des actes anti-juifs sous le prétexte fallacieux de
protester contre la politique de Sharon ».
Des actes anti-juifs ! Tout le problème est là.
Du coup, la France est accusée de revivre « les
heures les plus sombres de son histoire, de l'affaire
Dreyfus à l'antisémitisme d'Etat sous l'Occupa-
tion ».
On est bien loin de l'époque où, en mai 1982,
le DDV publiait une très longue « Lettre ouverte
à un lecteur antiraciste... mais », en réponse à un
lecteur qui se plaignait justement, entre autres,
de la délinquance des « jeunes ».
328 Politiquement incorrect
Le DDV lui répondait alors doctement : « Si
aujourd'hui conscience a été prise d'une situation
devenue explosive, il faudra des années pour remédier
à un état de choses déplorable sur tous les plans et
sortir de l'engrenage violences-répression, répression-,
violences, là où il faut apporter de la compréhension,
du cœur, de la patience et... du travail ».
Lorsque la violence n'était pas antisémite, mais
dirigée simplement contre les Français dits de
souche, il convenait d'y répondre par la com-
préhension, le cœur et la patience... Ce temps-
là est révolu.
Alors qu'autrefois il était strictement défendu
de s'attaquer aux « jeunes » des banlieues, éter-
nelles victimes de la société, voilà que le langage
change du tout au tout.
En février 2002, dans une tribune libre, le
DDV fait l'éloge du Royaume-Uni, qui ne
recense aucun acte antisémite malgré une forte
population musulmane. Et pour quelle raison ? :
« Mais [parce que] la fermeté des convictions et
la lutte implacable contre les sauvageons ont
davantage payé que la frilosité coupable de nos
responsables politiques et technocrates de ministères
plus soucieux de se ménager les casseurs - campagne
électorale oblige - et d'éviter d'improbables jacque-
329 La France LICRAtisée
ries banlieusardes. Le courage malheureusement,
n'est plus l'apanage de la République ».
Un comble, alors que lorsque des voix
s'élevaient pour demander la fermeté, elles se
trouvaient immédiatement réduites au silence !
L'éloge du Royaume-Uni est du reste largement
revu à la baisse dès l'année suivante. Dans un
article sur la résurgence de l'antisémitisme en
Europe, Le Droit de Vivre se plaint en juin 2003 :
« En Grande- Bretagne, il y a eu une augmentation
de plus de 75 % d'incidents antisémites ».
Au cours de cette même année 2003, c'est une
responsable locale de la LICRA qui adresse ses
doléances au DDV : « Je n'ai pas peur du risque, nos
enfants sont adultes mais c'est tout de même amer.
Plus de cinquante ans après la deuxième guerre mon-
diale, n'ayant pas connu la plus grande partie de ma
famille, gazée par les nazis, d'entendre à nouveau,
comme lorsque j'étais toute petite, des insultes anti-
sémites... et même des menaces d'anéantissement, pro-
férées quelquefois par ceux-là mêmes pour qui je mène
un combat contre la discrimination à l'emploi au
logement, contre le "délit de faciès"...
Malgré mes blessures, je continue mon combat
j'entends beaucoup de découragement autour
de moi ».
330 Politiquement incorrect
En mai 2003, le Centre Simon Wiesenthal et
l'UNESCO organisent une Conférence interna-
tionale sur la résurgence de l'antisémitisme, dont
Le Droit de Vivre se fait largement l'écho. Sous
le titre «L'évolution de l'antisémitisme dans la
société française », le journal cite notamment l'un
des intervenants à la Conférence :
« M Sammy Ghozlan a une lecture très inté-
ressante de l'évolution de l'antisémitisme en France.
Pour lui, dans les années soixante la communauté
arabe était calme, composée essentiellement de tra-
vailleurs et de harkis. Le premier tournant eut lieu
avec la guerre des Six Jours où des collectifs se sont
mis en place pour soutenir la cause palestinienne.
Tout a véritablement basculé en 2000, avec la
deuxième intifada. Les actes antisémites se sont
multipliés : synagogues incendiées, gens agressés, en-
fants battus, etc. ».
Pour intéressante qu'elle soit, cette lecture est
néanmoins très incomplète.
Elle fait totalement l'impasse sur un fait pri-
mordial qui s'est produit entre les années 60 et
l'an 2000 et qui est essentiel à la compréhension
de la situation actuelle. Car enfin, elle oublie de
préciser que si les événements au Proche Orient
ont pu avoir une telle répercussion en France,
331 La France LICRAtisée
c'est uniquement en raison de l'arrivée massive
sur notre territoire, durant toute cette période,
d'une très forte population arabo-musulmane.
Et qui s'est installée avec le soutien total et
très actif de la LICRA !
La vérité, c'est qu'une trop forte pression
migratoire a été imposée à un pays qui n'était pas
capable de l'encadrer, de la gérer, et surtout de la
digérer, car elle était trop massive et trop étrangère
pour cela. Le résultat, on le voit aujourd'hui : la
multiplication des banlieues dites sensibles, nou-
veaux ghettos qui sont autant de bombes à retar-
dement commençant à exploser et laissant augurer
un avenir plus sombre encore.
Pendant plusieurs décennies, la LICRA a favo-
risé autant qu'elle l'a pu cette immigration et a
traité de racistes ceux qui s'y opposaient.
Ne récolte-t-elle pas aujourd'hui ce qu'elle a
abondamment semé ?
La mise hors circuit du Front national :
une fatwa implacable... et intéressée
Jusqu'en 1983, la LICRA se préoccupe assez
peu du Front national.
Jean-Marie Le Pen n'est pas encore l'ennemi
public numéro un que l'on inventera un peu plus
tard dans le but de stériliser toute une branche de
la droite et de la mutiler irrémédiablement.
On le retrouve même dans le très officiel
Guide juif de France paru en 1971. Deux pages
de publicité particulièrement élogieuses y sont
en effet consacrées à la promotion d'un album
de trois disques, Histoire d'Israël, qualifié d'« His-
toire sonore du peuple juif et de la renaissance de
L'État d'Israël », édité par la SERF, société d'édi-
tions phonographiques créée par Jean-Marie Le
Pen en 1963. Les commentaires cités par le
guide Sont flatteurs : « Un digne hommage rendu
par la France à Israël... » (Nouvelle Revue de
Lausanne), « Un travail honnête, impartial. On
ne pouvait faire mieux et nous avons le devoir d'en
334 Politiquement incorrect
féliciter M. Le Pen et ses collaborateurs » (L'infor-
mation d'Israël).
Or, dans sa collection « Hommes et Faits du
XX e siècle », la SERF avait déjà publié en 1963
« Philippe Pétain, Maréchal de France », et en
1965, « Le III e Reich, voix et chants de la révolu-
tion allemande ».
Ce dernier album avait d'ailleurs valu des
poursuites judiciaires à Le Pen, intentées par des
associations de résistants et déportés, en raison
du commentaire suivant figurant sur la pochette
du disque : « La montée vers le pouvoir d'Adolf
Hitler et du parti national- socialiste fut caractérisée
par un puissant mouvement de masse, somme toute
populaire et démocratique, puisqu'il triompha à la
suite de consultations électorales régulières, circons-
tances généralement oubliées ».
Le Pen va finalement perdre son procès, et
dans son numéro de février 1972, le DDV pour-
ra se réjouir sous le titre : « Après trois ans de
procédure - Le Pen condamné pour apologie de crimes
de guerre ».
Le président du Front national se présente à
l'élection présidentielle de 1974. Cette candida-
ture déchaîne les sarcasmes du DDV qui, sous le
titre « Jean-Marie Le Pen, candidat de choc »,
335 La France LICRAtisée
ironise : « Notre vieil adversaire Jean-Marie Le Pen a
décidé de travailler dans l'humour. Aban-
donné, tour à tour, par ses différents supporters,
Pierre Poujade, Jean-Louis Tixier-Vignancourt, les
animateurs d'Ordre Nouveau, tous ses candidats
blackboulés aux élections de 1973, condamné pour
la diffusion par disques de chants et de discours
hitlériens, le fondateur du Front national supporte
mal le silence qui s'épaissit autour de sa tumul-
tueuse personne. Il croit avoir trouvé une occasion
de refaire surface à l'occasion de l'élection prési-
dentielle où il se présente comme candidat de la
« droite populaire et sociale ». On peut lui assurer,
dès à présent, un gros succès... de rire ».
De fait, Le Pen fera un score de 0,74 %. A ce
stade, il ne présente encore aucun danger. Ni
surtout, aucun Intérêt.
La LICRA surveille par contre très étroitement
les « groupuscules d'extrême droite », comme
Ordre Nouveau, dont elle demande, et obtient
en 1973, la dissolution.
s
Ou comme le GRECE (Groupe d'Etudes et
de Recherches sur la Civilisation Européenne),
créé en 1968 et considéré comme le plus dange-
reux de tous, car composé d'intellectuels. Le
DDV lui consacre en 1979, sous le titre « Les
336 Politiquement incorrect
p s eudo- scientifique s du GRECE à la conquête du
Pouvoir culturel », une étude très détaillée :
« Ce dossier qui a valeur de document, montre
comment ce groupe de recherches et d'études place
ses théoriciens à des postes névralgiques d'où ils
peuvent agir sur l'opinion, l'orienter et l'intoxi-
quer ». Des paroles d'orfèvre.
C'est l'époque, 1977-1979, où une certaine
liberté règne encore dans la presse et où des
membres du GRECE collaborent au Figaro Ma-
gazine de Louis Pauwels. La Ligue s'en indigne
et, surtout, s'en inquiète, car elle sait bien - le
marxiste italien Antonio Gramsci l'a clairement
démontré - que la prise du pouvoir culturel
constitue le préalable à la prise du pouvoir poli-
tique.
Mais ce qui est chaudement recommandé à la
gauche est strictement défendu à la droite.
Le 3 octobre 1980, l'attentat visant la synago-
gue de la rue Copernic fait quatre morts. Il est
immédiatement considéré. comme « la consé-
quence de la passivité gouvernementale, de la com-
plicité de certains policiers et de la faiblesse de la
justice à Végard des groupuscules d'extrême droite
nazie encouragés par l'impunité». On le voit, les
coupables sont désignés d'office sans hésitation :
337 La France LICRAtisée
l'extrême droite forcément, forcément nazie. Et
la LICRA, parlant de vengeance, ne recule pas
devant les menaces précises : « La machine à
rendre la justice doit se mettre en marche sans délai
si l'on veut éviter que la colère des antinazis se
transforme en vengeance devant l'incurie des pou-
voirs publics ».
En réalité, une enquête difficile débouchera
sur les véritables coupables: des terroristes liés
au groupe palestinien Abou Nidal.
Durant ces années, si le DDV parle bien de
temps à autre de Jean-Marie Le Pen, en des
termes évidemment peu flatteurs, et volontiers
moqueurs, il ne considère cependant pas encore
que le FN présente un intérêt électoral. C'est
« l'inquiétante leçon de Dreux », en 1983, qui
change la donne. Avec 17,6 % des suffrages
exprimés^, le FN fait une percée décisive. À
partir de ce moment-là, il va être instrumentalisé
par la gauche, qui va subtilement s'employer à le
diaboliser tout en lui permettant de s'exprimer et
d'entrer à l'Assemblée nationale. En tout cas, il
ne laissera plus indifférent.
En mars 1984, Le Pen est invité à l'émission
politique de grande écoute L'heure de vérité. S'il
est invité, c'est à François Mitterrand qu'il le
338 Politiquement incorrect
s
doit. Le chef de l'Etat est intervenu personnelle-
ment pour que le Front national ait lui aussi
accès à la radio et à la télévision. Est-ce réelle-
ment le souci de démocratie qui le guide ? N'est-
ce pas plutôt celui de renforcer le FN en affai-
blissant d'autant la droite parlementaire, tout en
diabolisant ce mouvement, rendant ainsi impos-
sible tout front commun de la droite ? Une
stratégie tout à fait cohérente avec la cynique
intelligence politique de Mitterrand.
L'analyse politique que tire la LICRA de cette
émission décisive va en tout cas servir de fil
conducteur à toute son action future à l'égard du
Front national.
Le constat d'abord : «U émergence d'une extrê-
me droite organisée, structurée, disposant de moyens
financiers importants, d'une audience grandissante,
a singulièrement perturbé le train-train quotidien
auquel nous étions habitués. L'apparition à la
télévision à une heure de grande écoute de M. Le
Pen, reçu comme un chef de parti à l'égal de MM
Chirac ou Jospin dénote un changement important
à l'égard d'un courant de pensée jusqu'à présent
marginal et quasi-clandestin, mais dont on vient
de découvrir que les suffrages qu'il rassemblait sont
d'autant plus intéressants qu'ils provenaient aussi
339 La France LICRAtisée
bien de la droite que de la gauche et qu'au niveau
local ou national ils pouvaient faire et défaire des
majorités dans un sens ou dans l'autre ».
Bigre. Faire et défaire des majorités dans un
sens ou dans l'autre, voilà qui devient sérieux et
exige des mesures. En cas d'entente du FN avec
la droite, c'en est fini de la gauche au pouvoir.
Il faut à tout prix empêcher cela.
Les mesures à prendre d'urgence sont claire-
ment esquissées dès la fin de l'analyse : « Mais
notre rôle est d'arracher le masque de vertu dont
M. Le Pen s'est couvert pour banaliser l'extrême
droite dont il est devenu le porte-parole tout com-
me il revient à la LICRA de mettre en, garde les
Français contre la tentation de succomber au char-
me populiste d'un homme qui a appris à flatter les
faibles, les aigris et les déçus pour assouvir ses am-
bitions politiques. Même si elles doivent troubler la
paix civile pour imposer un régime discrimi-
natoire ».
Mettre en garde les Français, c'est bien joli
mais pas vraiment fiable. De quoi les Français ne
sont-ils pas capables ? Il est plus sûr de faire
pression sur les partis politiques de droite qui
seraient tentés par des accords avec un parti qui
doit à tout prix devenir tabou.
340 Politiquement incorrect
La LICRA - et la gauche dans son ensemble -
vont donc s'employer à faire le nécessaire pour
interdire définitivement tout rapprochement.
Cette tâche sera poursuivie sans relâche et avec
plein succès.
La manœuvre est assez limpide et reçoit bien sûr
l'assentiment de François Mitterrand. Diviser pour
régner, c'est vieux comme le monde. Mitterrand
joue d'ailleurs à cet égard un jeu des plus troubles.
Outre l'accès aux médias, il permet au FN d'entrer
à l'Assemblée nationale en 1986. Cette année-là, à
l'occasion des législatives, il change le mode de
scrutin. Sous prétexte de démocratie, il introduit
la proportionnelle, espérant empêcher ainsi la
droite de l'emporter. La manœuvre ratera de peu,
mais elle ratera, car la droite gagne quand même.
Mais de justesse. Et 35 députés FN sont élus.
Autant de sièges perdus pour la droite.
Il s'agit là d'un événement inouï, resté sans
exemple dans un pays comme la France ! 35 élus
du Front national à l'Assemblée^ ! En 1986 !
On pourrait donc s'attendre de la part de la
LICRA à des protestations véhémentes, à une
indignation à la hauteur d'un événement aussi
extraordinaire et révoltant, de son point de vue,
naturellement. Eh bien, pas du tout. Le DDV se
34 1 La France LICRAtisée
contente d'un petit titre, en page 7 de son nu-
méro d'avril 1986 : « Le Pen et l'extrême droite
font leur entrée officielle sur la scène politique ».
Difficile de faire plus soft.
C'est que François Mitterrand a agi pour la bonne
cause : introduire une épine de taille dans
le pied de la droite pour l'affaiblir durable-
ment^. Et ce, au grand bénéfice de la gauche.
D'ailleurs, l'expérience ne se renouvellera pas,
c'est désormais inutile. Le but est atteint. Le FN
est à présent solidement implanté dans le pay-
sage politique, et ses suffrages, parfaitement sté-
rilisés par la diabolisation, ne peuvent plus servir
à rien ni à personne. Dès son arrivée au pouvoir,
le gouvernement Chirac de cohabitation revient
immédiatement au mode de scrutin antérieur -
il l'avait annoncé durant la campagne des
législatives - ce qui fermera à nouveau et défini-
tivement cette fois les portes de l'Assemblée
nationale au FN. Toujours au nom, cela va sans
dire, de la démocratie.
Mais revenons à 1984, date charnière. En
juin, le FN fait un carton aux élections euro-
péennes, obtenant 10,9 % de voix et dix élus,
pour la première fois, un groupe dit d'« extrême
droite » peut se constituer au Parlement euro-
342 Politiquement incorrect
péen. Le DDV rapporte la réaction du député
européen socialiste Jean-Pierre Cot, qui qualifie
ce regroupement de « groupe néo-fasciste » qui
cherche à « ressusciter les thèmes sur lesquels les
régimes odieux de Hitler et Mussolini ont été
établis ». Rien que ça.
Il n'est pas inintéressant de rappeler que Jean-
Pierre Cot est le fils de Pierre Cot, ancien
ministre radical (et ancien admirateur de Pétain,
comme nous l'avons vu), qui avait produit en
1944, après un voyage d'études à Moscou, un
rapport chantant les louanges de Staline et du
modèle soviétique. Un « stalinien-progressiste »,
qui s'illustrera d'ailleurs une nouvelle fois lors du
procès Kravtchenko^, au lendemain de la
seconde guerre mondiale. A son décès en juillet
1977, la LIC A rappellera qu'il était membre de
son comité d'honneur.
Qu'est-il au juste officiellement reproché à Le
Pen ? Principalement de diriger un parti national,
donc forcément « raciste », et de s'opposer à
l'immigration massive qui est imposée au pays.
Pour la LICRA en tout cas, aucun doute n'est
permis : nationalisme égale racisme. Egale anti-
sémitisme. Egale régime de Vichy. L'amalgame
est immédiat. Il est évident que dans ce contexte,
343 La France LICRAtisée
le mot de racisme prend un sens tout particulier
et ne correspond plus à sa définition normale.
Quant à ce qui est reproché officieusement au
Front national, c'est de constituer une menace
pour la gauche au pouvoir en cas d'entente avec
la droite. Entente qu'il faut empêcher par tous
les moyens, la diabolisation étant le plus efficace.
Aux yeux de la gauche, il y a en effet un réel
danger au milieu des années 80 de voir la droite
s'allier, au moins ponctuellement, au FN. Après
tout, les socialistes ont-ils craint de s'allier aux
communistes pour accéder au pouvoir ? La
gauche de la gauche ne fait-elle pas tout naturel-
lement partie de la gauche ? Oui, mais en face,
ce n'est pas pareil. La droite de la droite doit être
exclue par la droite. Ainsi en a décidé la LICRA.
Un certain nombre d'hommes politiques de
droite, tels Michel Poniatowski, député européen,
ou Jean-Claude Gaudin, alors président du groupe
UDF à l'Assemblée, ne font pas mystère de ce
souhait de rapprochement, estimant que leurs vrais
adversaires sont les socialo-communistes. Michel
Poniatowski déclare ainsi à Paris-Match : « S'il faut
les [socialo-communistes, ndla] battre avec Le Pen,
nous les battrons avec lui, qui est moins dangereux
qu 'eux pour la démocratie ».
344 Politiquement incorrect
Jacques Chirac lui-même, à cette époque-là, se
montre circonspect et se contente de déclarer.
« Il ne faut pas que la France se libère du secta-
risme et de l'intolérance des socialistes pour retom-
ber dans une autre forme d'intolérance et de secta-
risme ».
Simone Veil, alors député européen, est char-
gée de monter au créneau et de dénoncer haut
et fort l'idée même d'une telle alliance. Elle est
vite relayée par Laurent Fabius, alors premier
ministre et membre de la LICRA : «A tous ceux
qui voudraient mettre les horloges de la France à
l'heure de la haine, nous opposerons une réponse
déterminée : sous ce gouvernement, l'intolérance et le
racisme ne passeront pas ».
Toute l'intelligentsia de gauche est mise à
contribution, même la veuve de Pierre Mendès-
France. Interrogée par Jean-Pierre Elkabach sur
Europe n°l, Marie-Claire Mendès-France^ 1 y
va elle aussi de son couplet alarmiste : « Nous
revivons actuellement la période de 1938. Prenons
garde, sinon nous reverrons le fascisme. Nous ver-
rons Le Pen réveiller la France du racisme et de
l'antisémitisme ».
Tous les ingrédients de la diabolisation sont
là : dramatisation à outrance, comparaison avec
345 La France LICRAtisée
les « heures les plus sombres » de notre histoire
- argument magique s'il en est - et surtout, glis-
sement du politique vers le moral.
A partir de cette date, Jean-Marie Le Pen ne
sera plus considéré comme un adversaire
politique parmi d'autres, avec lequel on débat et
dont on réfute les arguments. Il est devenu à lui
tout seul l'archétype du raciste, l'ennemi du
genre humain, celui avec lequel on ne débat pas
et qu'on a le droit et le devoir d'insulter et de
diaboliser à tour de bras. Le tout en exploitant
à fond, avec un art consommé, une vieille cul-
pabilité née du régime de Vichy, auquel il n'est
pourtant aucunement lié, contrairement à Fran-
çois Mitterrand.
Magistral tour de passe-passe qui perdure
aujourd'hui.
D'ailleurs, à partir de cette période, le cliva-
ge droite/gauche va peu à peu s'estomper pour
faire place au clivage racistes/antiracistes. Cela
fonctionnera si bien qu'à l'heure actuelle, même
les Français les plus éloignés de la politique
sentent confusément que « droite » et « gauche »
n'ont plus aucune signification, le pouvoir étant
confisqué par un système composé d'hommes et
de femmes parfaitement interchangeables, prati-
346 Politiquement incorrect
quant la même politique et obéissant servilement
aux mêmes mots d'ordre. Et d'aucuns font mine
de s'étonner du niveau qu'atteint l'abstention...
Ce nouveau dogme convient parfaitement à la
gauche, qui l'a imposé. Car cette évacuation de
la politique au profit de la morale la favorise,
bien évidemment. François Mitterrand l'a fort
bien compris, qui déclare en mai 1985 dans un
discours devant la Ligue des Droits de l'Hom-
me : «La ligne de partage n'est plus entre la droite
et la gauche, mais entre tous ceux qui veulent faire
prévaloir partout et en tout lieu les droits de tous
les hommes quelles que soient leur couleur, leur
religion, et les autres ».
En attendant, s'agissant de ses liens avec le parti
tabou, c'est la zizanie dans les rangs de la droite -
qui a encore quelque existence à ce moment-là -
entre les pour, les contre, les peut-être.
Le tout sous les yeux goguenards de la gauche,
qui fait la morale. Au nom de la défense de la
démocratie et des droits de l'homme. Du beau
travail, vraiment !
Le DDV enfonce le clou, toujours en 1985 :
«Non, la voix d'un raciste n'a pas le même poids
que celle d'un antiraciste... Les racistes - hommes
politiques ou simples citoyens - doivent rester là où
347 La France LICRAtisée
l'Histoire les a mis, au fond des é goûts ou rasant
nuitamment les murs. Malheureusement, aujour-
d'hui... leurs groins pointent au grand jour. La
démocratie leur offre une tribune à partir de
laquelle ils feront des adeptes pour épurer l'armée,
la police, la magistrature, limiter le droit de grève,
renvoyer les immigrés, chasser les métis afin d'éta-
blir un ordre nouveau dictatorial dont l'objectif le
plus pressant sera d'écraser la démocratie, celle
justement qui leur fit la courte- échelle ».
Le programme attribué généreusement à Le
Pen par la LICRA ressemble étonnamment, en
plus soft, à celui que le camarade Trotski fit
réellement subir à ses compatriotes, et qu'il au-
rait bien voulu exporter.
Et la terminologie employée rappelle les plus
belles heures du communisme triomphant.
A partir de ce moment-là, ce sera la curée, et
la pression, jamais relâchées.
A aucun moment, la diabolisation ne faiblira
désormais. Il serait fastidieux d'énumérer tous les
diktats du genre :
« Tous les membres de la LICRA qui se réclame-
ront du Front national ou feront alliance avec le
Front national se verront systématiquement exclus
de notre association ».
348 Politiquement incorrect
On pourrait croire cet avertissement superféta-
toire, mais ce serait oublier que la Ligue, offi-
ciellement apolitique, compte un très grand
nombre d'élus en son sein. Des élus majoritai-
rement de gauche bien sûr, mais aussi de droite.
se situant « au-dessus » des partis politiques, elle
se doit d'occuper le maximum de terrain.
Les responsables politiques qui reçoivent le FN
dans leur ville sont publiquement dénoncés, et
des manifestations de protestation sont organisées.
Le maire de Toulon est le premier à en faire les
frais. Au début de 1985, il reçoit Jean-Marie Le
Pen dans sa ville, à la veille des élections canto-
nales. Indignation de la LICRA : « Faite au nom
de la démocratie, cette visite et cet accueil constituent
en réalité un danger pour ladite démocratie. C'est
une véritable honte pour Toulon et sa région ! ».
Elle organise derechef une manifestation au
cours de laquelle son président local énonce :
« Nous savons que le maire de Toulon est un ami de
la communauté juive mais nous n'acceptons pas qu'il
reçoive en même temps un homme comme Jean-
Marie Le Pen et nous lui demandons des comptes ».
En décembre de la même année, c'est au tour
du maire de Clichy d'être sur la sellette. Il aurait
prêté une salle au FN. La LICRA, rapporte le
349 La France LICRAtisée
DDV, « s'est adressée au maire de Clichy pour avoir
des explications sur une étonnante affaire (...) La
LICRA lui a indiqué qu'elle ne pourrait accepter
que la municipalité donne un marche-pied au parti
de M. Le Pen qui dans sa mouvance draine toute
une fange raciste, antisémite et xénophobe ».
Et le maire de Clichy se dépêche de donner
satisfaction à la Ligue^.
Parfois, la LICRA fait chou blanc. Ainsi, en
1990, elle intervient « fermement » selon ses
propres dires, auprès du député-maire d'Angou-
lême, Georges Chavanes, afin qu'il refuse une
salle au Front national. Refus du maire, qui
déclare à la presse : « J'estime ne pas avoir de
leçon à recevoir de la LICRA dont je suis membre.
Etre démocrate, c'est d'abord pour moi autoriser
l'expression des autres ».
Mais c'est là une belle exception qui mérite
d'être relevée et saluée.
Le DDV de décembre 1985 fait état d'un
Sondage « inquiétant » : 78 % des sondés esti-
ment que les immigrés sont racistes envers les
Français, 66 % que les immigrés ne sont pas une
chance pour la France, 68 % que si rien n'est fait
pour limiter le nombre d'étrangers, la France
risque de perdre son identité nationale, 65%
350 Politiquement incorrect
pensent que les immigrés sont un facteur de
délinquance, 56% estiment qu'il y aura des dif-
ficultés à intégrer les « beurs ».
En 1985, il apparaît donc déjà clairement que
les Français commencent à souffrir et à
s'inquiéter des conséquences de l'immigration.
Vingt ans plus tard, peut-on dire qu'ils ont eu
tort dans leur jugement d'alors ?
Mais la conclusion du DDV est tout autre :
les Français deviennent de plus en plus racistes.
Il faut donc intensifier la lutte contre le racisme
et son expression électorale aux yeux de la
LICRA, le Front national.
En janvier 1986, Jean-Marie Le Pen est invité
à participer à une émission politique de la télé-
vision suisse, le Défi. D'autres responsables poli-
tiques français, dont Valéry Giscard d'Estaing et
Georges Marchais, ont déjà participé à cette
émission dans ce même pays. Mais, sur la pres-
sion de divers groupements de gauche, le con-
s
seiller d'Etat suisse chargé de la justice, le
socialiste Bernard Ziegler, exhume une vieille loi
de 1948 jamais utilisée jusque-là pour empêcher
le président du FN de s'exprimer sur le sol hel-
vétique. L'émission aura lieu quand même, en
duplex depuis la France, et fera un tabac : les
351 La France LICRAtisée
opinions favorables à Le Pen passent de 14%
avant le débat à 3 1 % après !
Le DDV déplorera bien entendu ce succès, et
sous le titre « Le boycott de la LICRA », fera savoir
à ses lecteurs : « La section suisse de la LICRA,
ordinairement très discrète car préférant le travail de
coulisses (parlementaire notamment) s'est ouvertement
affichée lors de « l'affaire Le Pen ». En appelant au
boycott de rémission. Plus encore : la LICRA recom-
mandait à ses amis d'allumer une bougie qui, posée
à la fenêtre, devait brûler pendant l'émission ».
Apolitisme ou culot ?
On peut lire les lignes suivantes en première
page du DDV de février 1986 :
« Dans la campagne électorale de mars 1986
pour les élections législatives et régionales, la
LICRA a adopté une attitude de neutralité absolue.
Elle n'a pris part à aucune réunion électorale, n'a
apporté son soutien à aucun parti, à aucune liste,
à aucun candidat (...) Et cela non pas parce que
la LICRA se désintéresserait de la vie publique du
pays... Mais parce qu'elle est, par tradition, apo-
litique ; c'est son honneur et sa force ».
Ce petit intermède vertueusement posé, on
arrive dans le vif du sujet : le questionnaire
352 Politiquement incorrect
détaillé que l'association apolitique a soumis aux
six principales formations politiques « républicai-
nes » avant les élections, à savoir : RPR, UDF,
Parti radical, MRG, PS, PC. Le DDV ajoute avec
un rien de coquetterie : « Toutes nous ont répondu,
ce qui démontre la place importante que notre
organisation occupe dans la vie publique du pays ».
Bien évidemment, les questions posées, dont les
réponses s'étalent sur plusieurs pages, n'ont rien,
mais vraiment rien à voir, avec la politique :
l re question : Quelle position adoptez- vous à
l'égard des thèses et du Parti national de Jean-
Marie Le Pen, particulièrement en ce qui con-
cerne d'éventuelles alliances durant et après les
élections de mars 1986 ?
2 e question : La communauté juive de France
s'inquiète du terrorisme antisémite. Quelles
mesures préconisez-vous pour lutter contre le
terrorisme qui se manifeste sous couvert d'anti-
sionisme ?
3 e question : Quelles sont vos principales pro-
positions sur l'immigration : place des immigrés
dans le pays, droits politiques et sociaux ? Sont-
ils facteurs de délinquance et d'insécurité ?
4 e question : Quelles dispositions envisagez-
vous de prendre : pour améliorer l'appareil lé-
353 La France LICRAtisée
gislatif réprimant la haine raciale ? pour une
meilleure éducation civique contre le racisme et
l'antisémitisme ?
S'y ajoutent un certain nombre d'autres ques-
tions concernant la politique internationale, au
Proche Orient notamment.
Question non posée, mais brûlante : existe-t-il
un vote juif ? Dans ce même numéro, le DDV
l'évoque sous le titre : « Vote juif de défense des
droits de l'homme ». Il cite Jean Kahn, vice-pré-
sident du Conseil Représentatif des Institutions
juives de France (CRIF), qui constate que oui, il
existe bien « une sensibilité vigilante... particulière
qui fait que l'électeur juif est par le conditionne-
ment de l'histoire un électeur avec un supplément
d'âme ». Et qui poursuit : « La sensibilité juive est
davantage qu'un projecteur égoïste braqué sur les
seuls événements de la vie juive. Nous aimons à rap-
peler ce que dit Hillel l'Ancien : « Si je ne suis pas
pour moi, qui le sera ? Et si je ne suis pas pour moi, qui
suis-je ? ».
« Justement, ajoute le DDV, une devise que les
militants de la LICRA appliquent depuis soixante
ans » .
Ce même scénario du questionnaire adressé aux
formations politiques - une pratique qui remonte
354 Politiquement incorrect
aux premiers temps de la Ligue - se reproduit lors
de chaque consultation électorale, quelle qu'elle
soit. Des mois avant le jour J, numéro après
numéro, on peut lire les mêmes appels :
« En cette veille de scrutin électoral, chaque
citoyen, chaque homme politique attaché à la démo-
cratie, quelles que soient ses opinions politiques, reli-
gieuse ou philosophique, se doit de prendre conscience
que le Front national est porteur de tous les dangers
et que toute alliance avec lui est un coup porté à la
démocratie et aux droits de l'homme »...
Ou encore : « Chacun vote bien entendu en
conscience pour ses choix politiques, mais nul ne
peut faire le lit de l'extrême droite dont la LICRA
connaît bien la véritable nature, elle qui a traversé
des périodes historiques au cours desquelles le chant
des sirènes de l'extrême droite a plongé le pays dans des
heures noires ».
Le mot d'ordre part de Paris, mais toutes les
fédérations régionales s'y mettent de bon cœur et
font pression sur les élus locaux. Les exemples
surabondent. Ainsi, en mai 1992, le DDV rapporte
que « La fédération des Yvelines a adressé une lettre
aux candidats aux régionales leur demandant s'ils
accepteraient ou refuseraient "toute alliance, accord,
désistement avec ou au profit du Front national" ».
355 La France LICRAtisée
« Nous ne voulons pas intervenir dans le débat
politique », explique le plus sérieusement du mon-
de M e Philippe Bataille, avocat au Barreau de
Versailles et président de la fédération LICRA des
Y vélines, « mais nous voulons être la conscience, la
bonne ou la mauvaise, des hommes politiques. Pour
cela, nous allons commencer par interpeller tous les
candidats aux prochaines élections afin qu'ils pré-
cisent publiquement - leurs réponses seront diffusées
dans la presse - les attitudes qu'ils entendront pren-
dre avec le Front national ».
Voilà ce qu'entend la LICRA par « ne pas
intervenir dans le débat politique ». Et il y en a
des pages entières. Car ce scénario se reproduit
dans toutes les régions de France.
En février 1987, Jean-Marie Le Pen réussit un
joli coup : il rencontre à New- York vingt des plus
importants dirigeants de la communauté juive
américaine. Ces derniers justifient leur invitation
en déclarant qu'il « est important d'écouter ses
points de vue » et que d'ailleurs, le FN soutient
Israël et milite en faveur de la fermeture du bu-
reau de l'OLP en France. La LICRA dénonce ce
qu'elle considère comme un scandale.
En 1987, il est également question d'une invi-
tation de Jean-Marie Le Pen en Israël.
356 Politiquement incorrect
Mais ce voyage ne se fera pas, certaines organi-
sations, et notamment la Ligue, craignant essen-
tiellement qu'un tel rapprochement ne donne à Le
Pen une crédibilité lui permettant de faire exploser
le cordon sanitaire qu'elles se sont échinées à mettre
en place et qu'elles entretiennent sans relâche.
Cette même année - 1987 - Jacques Chirac
réaffirme devant le CRIF qu'il ne contractera
jamais d'alliance ni à titre personnel, ni en tant
que responsable d'un mouvement politique avec
tel ou tel parti d'extrême droite. Par la même
occasion, il souligne que « l'ouverture aux autres est
en soit une richesse ».
Ce qui ne l'empêche pas de perdre les prési-
dentielles l'année suivante.
Tout le monde a en mémoire le séisme du 21
avril 2002, mais qui se souvient encore dans ce
pays qui a la mémoire courte, du tremblement de
terre du 24 avril 1988, et du score inattendu
- 14 % - du FN au premier tour des présiden-
tielles ? Inattendu Pour la droite peut-être, mais
l'était-ce vraiment pour la gauche ? En tout cas,
Barre éjecté, Chirac battu, c'est François Mitter-
rand qui se fait réélire.
Pendant la campagne présidentielle, en février
1988, l'association apolitique avait organisé un
357 La France LICRAtisée
meeting électoral à Lyon sur le thème « Rôle du
racisme dans la campagne électorale ». Parmi les
invités figurait Charles Fiterman pour le parti
communiste.
Aucun représentant du Front national n'était
présent, bien entendu, au motif qu'« on na pas
invité un parti qui tient un discours raciste et
antisémite ». Sur un sujet pareil, il aurait pour-
tant été utile au débat...
Il est intéressant de souligner que la LICRA
est alors en pleine brouille avec l'Union sovié-
tique, accusée de persécuter les juifs vivant sur
son territoire et de mener une politique antisé-
mite. Trois ans auparavant, en 1985, l'écrivain
Alain Finkielkraut, membre de la LICRA, avait
d'ailleurs été expulsé d'URSS, où il s'était rendu
pour rencontrer des « refuzniks », citoyens juifs
russes empêchés d'émigrer. A son retour, dans
une longue interview, il avait déclaré sans amba-
ges au DDV : «L'URSS est le pays de l'esclavage
et du servage ». Pas moins.
Malgré ces faits, qu'elle dénonce par ailleurs,
la LICRA n'hésite cependant pas à inviter à son
meeting électoral le représentant d'un parti com-
muniste qui n'a jamais totalement rompu ses
liens avec Moscou...
358 Politiquement incorrect
Toujours en 1988, à la veille des élections
législatives, la Ligue lance à nouveau solennel-
lement l'appel suivant : « La LICRA, forte de la
diversité politique et spirituelle de ses dirigeants et
de ses membres, forte de son apolitisme puisqu'elle
s'est toujours interdit de donner des consignes de
vote, peut aujourd'hui faire entendre sa voix pour
adjurer les hommes politiques qui entrent en lice
dans la campagne législative et tous les démocrates
du pays de ne contracter aucune alliance avec le
Front national, de ne se laisser tenter par aucune
compromission ou complaisance envers des thèses de
l'extrême droite qui sont le déshonneur de la
France, pays des droits de l'homme ».
Elle adresse personnellement à 3 600 candi-
dats aux législatives une lettre leur demandant de
ne réaliser aucune alliance avec le FN et annonce
clairement : « Ceux qui traiteront avec le Front
national seront dénoncés par nous ».
Ce ne sont pas des menaces en l'air.
Aperçoit-elle des velléités d'entente avec les
pestiférés ? C'est aussitôt l'anathème : « Devant
la gravité exceptionnelle de cette démarche, la
LICRA, qui s'interdit traditionnellement toute con-
signe de vote, appelle les électeurs des Bouches-du-
Rhône qui d'habitude portent leurs voix sur les
359 La France LICRAtisée
candidats du RPR et de l'UDF à faire échec à ces
candidats.
La LICRA demande aux responsables des partis
politiques concernés, qui ont toujours déclaré qu'ils
n'accepteraient aucune alliance avec le Front
national, de sanctionner ceux qui n'ont pas respecté
cet engagement ».
Au lendemain des élections présidentielles et
législatives de 1988, la Ligue réunit un comité
directeur exceptionnel consacré - il n'est pas
difficile de le deviner - au Front national, et
invite le journaliste Alain Duhamel à lui faire
part de son analyse.
A l'issue de cette réunion, une décision sera
prise : « Cet exposé a été suivi d'un long débat avec
les membres du comité directeur, portant princi-
palement sur le rôle militant de la LICRA et son
poids moral, et sur la responsabilité de rétablir les
tabous autour des thèmes du Front national ».
La voilà donc, la solution retenue : rétablir les
tabous. Le terme rétablir paraît d'ailleurs fort
peu adéquat. Ont-ils jamais sauté ? Dans ce
contexte, rétablir signifie plutôt renforcer.
La LICRA va donc réactiver pour l'occasion
son Appel commun à la fraternité, lancé une
première fois en 1985 en collaboration avec les
360 Politiquement incorrect
loges maçonniques, la Ligue des Droits de
l'Homme, le MRAP et les églises constituées^.
L'objectif de cet appel n'est pas, bien sûr, de
s'attaquer au fond du problème, à savoir alléger
une pression immigrationniste trop forte et de
moins en moins gérable, mais de réprimer, répri-
mer encore, réprimer toujours les racistes.
Pour y parvenir plus efficacement, la LICRA
annonce son programme en janvier 1989 :
« Nous proposerons notre collaboration au ministère
de la Justice pour assurer une meilleure connais-
sance des mesures de lutte contre les discrimina-
tions. Nous demanderons une publicité accrue des
décisions de justice sanctionnant les infractions à
caractère raciste. Nous demanderons l'affichage des
décisions judiciaires. Nous demanderons que le juge
soit autorisé à ordonner l'insertion dans la presse
des condamnations de caractère raciste. Nous de-
manderons au gouvernement de présenter chaque
année devant le parlement un bilan de l'ap-
plication de la loi de 1972. Et nous demanderons
au ministre de V intérieur de faire afficher systéma-
tiquement dans tous les commissariats de France la
loi de juillet 1972 ». Ouf !
On se demande ce que deviendrait la LICRA
sans Jean-Marie Le Pen. Il est à ce point obses-
361 La France LICRAtisée
sionnellement présent dans toute sa littérature,
dans toutes ses actions, il joue si bien son rôle de parfait
repoussoir, il constitue à lui seul une telle
justification de l'existence de la Ligue antiraciste,
qu'on tremble à l'idée qu'il vienne à lui manquer.
En tout cas, la stratégie de diabolisation a parfai-
tement fonctionné. Elle a définitivement mis au
pas une « droite » tétanisée à la seule idée de pa-
raître raciste, donc fasciste et d'être dénoncée
comme telle par la presse. Jean Daniel, directeur du
Nouvel Observateur, fera à cet égard une déclaration
des plus révélatrices, reproduite dans le DDV de
septembre 1995. Constatant les succès électoraux
du FN malgré la pression des antiracistes, mais
voulant quand même consoler ces derniers, il écrit :
«D'autre part, et surtout, ne faut-il pas mettre
à l'actif des mouvements antiracistes et même de
leur diabolisation du Front national le fait qu'une
droite culpabilisée, devenue morale et républicaine
en la circonstance, ait rompu avec l'extrême droi-
te ? Sans cette rupture ainsi obtenue, n'aurions-
nous pas aujourd'hui des ministres lepénistes dans
un gouvernement qui aurait été porté au pouvoir
grâce à leurs voix ? »
Une droite culpabilisée, une rupture ainsi
obtenue, des ministres lepénistes, donc déterminés
362 Politiquement incorrect
à appliquer une autre politique que celle décidée
et imposée par la gauche. Peut-on être plus clair ?
Il faut reconnaître quand même, et ce n'est pas
le moins troublant, que Jean-Marie Le Pen a
prêté la main, volontairement ou non, à cette
diabolisation, en fournissant quelques munitions
à ses ennemis.
Il avait commencé en 1987 avec les fameuses
« chambres à gaz, point de détail de l'Histoire ».
Des propos qui lui avaient valu une condam-
nation confirmée en appel.
Il récidive en 1988 avec le jeu de mots dou-
teux « Durafour-crématoire », qui va provoquer
la tempête. C'est le dérapage de trop.
Le DDV en fait bien évidemment ses délices
et en tire la conséquence : « Bien plus que la
première, cette nouvelle affaire Le Pen devait avoir
des répercussions dans la vie politique française, à
la veille d'échéances électorales (...) Après le parti
socialiste et le parti communiste, les différentes
composantes de la droite ont décidé d'isoler com-
plètement et de marginaliser le Front national et
Le Pen, enfin devenus non fréquentables pour
l'ensemble de la classe politique française ».
En s'abandonnant à son goût de la provo-
cation, le président du FN a-t-il vraiment rendu
363 La France LICRAtisée
service à son mouvement et à ses idées ? Ou a-
t-il décidé délibérément de rendre tout rappro-
chement avec la droite désormais impossible ?
En 1989, Jean-Marie Le Pen se voit traité
publiquement de « fasciste, nazi, raciste » par Jean-
Pierre Pierre-Bloch, conseiller de Paris et fils du
président de la LICRA. Il porte plainte, mais se
voit débouté de sa plainte pour diffamation au
motif emberlificoté que : « On ne saurait, dans le
domaine de la polémique, subordonner le bénéfice de
la bonne foi à la prudence dans l'expression de la
pensée lorsque, comme en l'espèce, les propos incri-
minés portent sur la doctrine exprimée par le chef
d'un parti politique et sur sa conception du rôle de
l'État, en particulier à V égard des étrangers ».
Le Droit de Vivre qui relate l'affaire, conclut
avec beaucoup de satisfaction :
« Un jugement exemplaire qui fera jurisprudence
et qui permettra à tout un chacun de dire ce qu'il
pense de Le Pen, sans la moindre crainte ».
Sans la moindre crainte. Car on n'est jamais
trop prudent lorsque l'on s'attaque à la bête im-
monde. Il est préférable de procéder anonyme-
ment et obliquement.
En témoigne cette information qui avait paru
dans le DDV en octobre 1985 : « Par ailleurs, de
364 Politiquement incorrect
nombreux adhérents de la LICRA qui avaient posé
des questions à « L'heure de vérité » se sont inquié-
tés de constater que leurs nom et adresse avaient été
transmis à Jean-Marie Le Pen, sans leur con-
sentement. La LICRA a protesté. La Commission
nationale Informatique et Libertés a été saisie »,
Cette hargne et cet acharnement judiciaire
systématiques à rencontre du président du Front
national ne font pas forcément l'unanimité dans
la communauté juive. M e Bernard Cahen, prési-
dent du Rassemblement des avocats juifs de
France, interviewé par Actualité juive à la fin de
1989, déclare : « La LICRA a tort de vouloir faire
condamner Le Pen tous les jours », estimant que
« A la longue, les gens vont finir par croire que la
Justice est contrôlée par les juifs, alors que c'est loin
d'être le cas ».
Le Droit de Vivre rapporte ces propos sous le
titre de « Stupéfiante déclaration ».
Il n'empêche que les années suivantes sont
marquées par la mobilisation permanente contre
un parti présenté comme la réincarnation du
national- socialisme et du fascisme réunis et autour
duquel tourne toute la vie politique française.
C'est également une façon de faire tourner
toute la vie politique française autour du racisme
365 La France LICRAtisée
et de l'antiracisme et d'en faire un point de fixa-
tion incontournable.
A ce petit jeu, la LICRA excelle, car c'est elle
qui dicte les règles du jeu.
Elle annonce en 1992 : « Le danger d'un Front
national arbitre de la vie publique est à nos portes.
L'heure est venue pour les partis républicains et
leurs représentants de faire front en ne se trompant
pas d'ennemi. Les divisions entre gauche et droite
sont subalternes comparées à la menace d'un dis-
cours démagogique, simplificateur et réducteur sur
le chômage, l'immigration, la sécurité ou l'identité
française ».
Cette fois-ci, c'est consommé et officiel: la
droite, la gauche, tout cela est définitivement
dépassé ! S'installe à la place le système que nous
connaissons, qui, quels que soient les acteurs du
moment et leur étiquette politique, poursuit à
peu de choses près la même politique immigra-
tionniste, donc « antiraciste », et mondialiste.
Le B'nai B'rith, ou « Fils de l'Alliance »
Il s'agit d'une association de solidarité exclu-
sivement juive et très influente, calquée sur le
modèle des organisations maçonniques. Elle a
été fondée aux Etats-Unis en 1843, et a large-
366 Politiquement incorrect
ment essaimé depuis lors. Il en existe une bran-
che en France depuis 1932.
Ses liens avec la LICRA sont évidents, puisque
ces deux associations humanitaires et philanthro-
piques ont eu le même président, Jean Pierre-
Bloch, à différentes reprises, et notamment de
1974 à 1981.
Début 1992, sous le titre « L'obsession de Le
Pen », on peut lire dans le DDV : « Une fois
encore, Le Pen accuse "l'internationale maçonnique
juive" d'avoir "réussi à faire accepter aux partis de
la droite classique un pacte interdisant tout accord
avec le FN" ». Le Pen accuse Jacques Chirac de
s'être « engagé auprès d'une organisation étrangère,
les B'nai B'rith, à nous combattre ».
La conclusion du DDV est la suivante : « Le
B'nai B'rith, organisation humanitaire juive en
France, est régulièrement prise à partie par les jour-
naux d'extrême droite sur le thème du complot juif.
Une obsession classique de l'antisémitisme ».
Une obsession, peut-être, mais qu'en est-il en
réalité ? En tout cas, le DDV ne récuse en aucune
façon les accusations de Le Pen, qui faisait là
allusion au « serment des B'nai B'rith » : un ter-
me plutôt grandiloquent et propre à frapper les
imaginations pour désigner en fait un engage-
367 La France LICRAtisée
ment qui remonterait à 1986, au moment de
l'entrée historique du groupe des 35 députés
Front national à l'Assemblée.
Cet engagement avait d'ailleurs été clairement
évoqué par Le Monde le 26 mars 1986. Sous le
titre « Inquiétude dans la communauté juive », le
quotidien révélait ceci : « Enfin, les associations
B'nai B'rith u lancent un appel à la vigilance,
attirent l'attention des partis de la nouvelle majo-
rité^ 1 contre toute tentation de vouloir reprendre
les slogans extrémistes sur l'insécurité et les idées
xénophobes à V encontre des immigrés" et "rappel-
lent aux représentants de ces partis leurs engage-
ments pris, au cours des forums du B'nai B'rith,
devant la communauté, déclarations reprises après
proclamation des résultats du vote, de ne s'allier en
aucun cas au Front national " ».
Si pareil engagement a effectivement été pris
par la droite, il prouve en tout cas une bêtise
politique manifeste et une étonnante propension
au suicide. Non contente de se voir privée d'un
certain nombre de députés au bénéfice du FN en
raison du changement de scrutin totalement
instrumentalisé par François Mitterrand - acces-
oirement membre d'honneur de la LICRA - elle
aurait persévéré dans l'échec et le masochisme en
368 Politiquement incorrect
refusant toute alliance, même limitée, avec ce
même Front national ? Victime d'un côté des
manœuvres politiques de la gauche, pilotées par
Mitterrand et de l'autre, du chantage moral aux
droits de l'homme exercé par les antiracistes, elle
aurait donc capitulé sur toute la ligne ?
En tout cas, après les élections présidentielles
de 1995, la frénésie anti Le Pen tourne à l'obses-
sion et à l'idée fixe. Tous les numéros du DDV
bruissent de colloques, réunions, réflexions di-
vers et variés où toute l'intelligentsia du pays,
tous les experts et spécialistes lepénologues et
lepénophobes, sont invités à délivrer qui sa dé-
claration, qui son analyse.
Avec, en filigrane, une angoissante question :
comment faire échec au Front national et aux
15% de « racistes » qui votent pour lui ?
Le racisme, précisément, est décortiqué sous
toutes ses coutures, mais personne ne songe un
seconde à évoquer le fond du problème, qui
explique à lui seul l'essor, puis le maintien du
FN : à savoir l'inquiétude que suscite la présence
en France d'une population immigrée nombreu-
se et majoritairement musulmane. Une inquié-
tude et un rejet que traduit très exactement ce
vote.
369 La France LICRAtisée
Le DDV rapporte religieusement tous les pro-
pos de ces spécialistes, dont certains sont fran-
chement hilarants.
Ainsi, le numéro de novembre 1995 présente
l'analyse du psychanalyste Gérard Miller qui,
sous le titre « Le Pen et l'innommable », nous
apprend que :
« La psychanalyse en témoigne : il y a une part
d'innommable en chacun. Le Pen lui donne con-
sistance.
D'où la fascination qu'il exerce, et bien au-delà
de ses propres partisans. Il présentifie « La Chose »,
(« Das Ding », comme l 'évoquait Freud) qui est en
eux. Quitte à les horrifier.
Puisque précisément - c'est cela V innommable du
monstre inassouvi de chaque ventre - ils ne pen-
saient pas être là où Le Pen les a précisément trou-
vés.
Le Pen, comme d'autres déterrent les cadavres,
déterre les mots, les signifiants. »
Etc, etc.
Cette même année, la LICRA demande pour
la première fois la dissolution du Front national.
Sans doute a-t-il suffisamment servi à la gauche,
et ses inconvénients sont-ils à présent plus im-
portants que ses avantages.
370 Politiquement incorrect
Elle revient à la charge en décembre 1997 :
«Notre combat prioritaire aujourd'hui, c'est la
lutte implacable contre le Front national. Aucune
concession, aucune compromissio n'est acceptable
envers ce parti fasciste, raciste et antisémite. Il faut
véritablement se poser la question de l'existence
même dans notre pays d'un parti qui met en dan-
ger la démocratie et bafoue les valeurs de la Répu-
blique (...)
Regardons avec lucidité ce qui se passe déjà dans
certaines municipalités^ 1 où les valeurs de la Répu-
blique sont piétinées, bafouées. « Pas de liberté pour
les ennemis de la liberté » comme le disait Saint-
Just ». Nous revoilà à la Révolution française, déci-
dément une source inépuisable d'inspiration.
En 1997, à nouveau, certains responsables de
droite souhaiteraient une alliance ou au moins un
dialogue avec le Front national. Ces « manœu-
vres » sont immédiatement dénoncées et con-
damnées. La LICRA demande à Philippe Seguin,
à la veille d'accéder à la présidence du RPR, de
clairement réaffirmer son « refus de toute compro-
mission avec un parti raciste, antisémite et xéno-
phobe ». Elle réclame, par ailleurs, des sanctions
contre tous les responsables politiques qui pas-
seraient des accords avec le FN.
37 1 La France LICRAtisée
Cette vertueuse indignation n'empêche cepen-
dant pas la gauche, aux législatives de 1997 jus-
tement, de gagner 47 élus, sur 76 triangulaires,
grâce au maintien du «parti raciste, antisémite et
xénophobe ». Autrement dit, lorsque la gauche
utilise à son profit les voix du FN, c'est de la
politique, si d'aventure, la droite en fait autant,
c'est évidemment du fascisme.
En 1998, aux régionales, la LICRA aura une
nouvelle occasion de se déchaîner contre ce
qu'elle nomme « les alliances électorales indignes ».
Pour l'occasion, elle invente un slogan : « Qui
s'allie se salit ».
Elle gourmande Ambroise Roux, président de
l'Association française des entreprises privées, qui
a eu le malheur de préconiser des accords
avec le Front national, et lui rappelle solennellement
ceci : « En 1932, les représentants du grand patro-
nat allemand ont pris la responsabilité historique
de Soutenir le parti national- socialiste, qui, sans ce
soutien politique et financier n'aurait sans doute pu
accéder au pouvoir ».
Peut-être, mais sans le soutien des financiers
juifs new-yorkais, Trotski et ses camarades
auraient-ils pu, eux aussi, accéder au pouvoir en
Russie ?
372 Politiquement incorrect
Dommage que personne n'ait songé à lui poser la
question.
La Ligue continue imperturbablement à distri-
buer ses bons et ses mauvais points : « C'est dans
cet esprit que nous avons condamné l'initiative
d'Alain Madelin d'accepter à Démocratie Libérale
M. Jacques Blanc, élu avec les voix du Front natio-
nal en Languedoc -Rous sillon. Dans le même esprit,
nous avons félicité M. Gilles de Robien pour son
attitude courageuse et sans ambiguité ».
Gilles de Robien sera une nouvelle fois chau-
dement félicité par la LICRA, fin 1998, pour
avoir quitté Démocratie Libérale, « qui se com-
promet avec un parti raciste et antisémite ».
Les années se suivant et se ressemblant, la
LICRA inscrira prioritairement, dans son pro-
gramme de lutte contre le Front national, « la
surveillance et la dénonciation systématique des
hommes politiques ayant eu un lien avec le FN ou
assimilé » et, pour faire bonne mesure, « la créa-
tion d'un répertoire national des proches du FN ».
Des esprits malintentionnés pourraient appeler
ça un fichier.
En 1999, Patrick Gaubert accède à la pré-
sidence de la Ligue. Il annonce immédiatement :
« Grâce à une nouvelle organisation de nouveaux
373 La France LICRAtisée
moyens de communication et une série d'initiatives
juridiques, politiques médiatiques, nous parvien-
drons, je le sais, à susciter un nouvel élan. Notre
adversaire principal, le Front national, ainsi que
ses réseaux, ses moyens de communication, ses sou-
tiens de tous ordres, savent déjà comme en témoi-
gne l'effervescence qui se manifeste à travers leurs
journaux, que nous disposons désormais d'une
détermination farouche pour les combattre. Je vous
le dis., ils ont raison de nous craindre ».
Il n'y avait donc pas eu de détermination farouche
jusque-là ?
L'ingérence permanente et la volonté implaca-
ble d'exclure systématiquement une partie im-
portante de la population française et de la
priver de représentation nationale, au mépris de
toute démocratie, ne sont pas nouvelles et se
poursuivent sans relâche. Avec peut-être un
degré supplémentaire dans la haine, car, hélas,
les événements semblent donner raison à ceux
qui sonnent le tocsin.
Sûre de son pouvoir, la LICRA se permet
donc de plus en plus d'interventions directes.
Un exemple parmi bien d'autres : en avril 2000,
son président adresse un courrier au président
du Souvenir Français de Grasse pour lui deman-
374 Politiquement incorrect
der de ne plus dorénavant faire représenter son
mouvement lors des cérémonies commémora-
tives officielles par le colonel Pauvert, qui a com-
mis un crime inexpiable. Il est en effet « connu
pour avoir été candidat à diverses élections locales
sous l 'étiquette Front national » !
Arrive le séisme du 21 avril 2002 : Jean-Marie
Le Pen propulsé par la volonté du peuple fran-
çais au deuxième tour de l'élection présidentielle,
Lionel Jospin renvoyé à l'île de Ré. Quel choc
extraordinaire pour un système qui faisait
tranquillement rouler des dés pipés et qui affron-
te tout à coup une situation inédite et non pré-
vue au programme !
« La LICRA a immédiatement réagi, dès 20h05
le 21 avril par un communiqué appelant à la
mobilisation républicaine et citoyenne pour repousser
le Front national son programme raciste et xéno-
phobe, catastrophique pour l'avenir de la France.
Nous avions prévu de longue date d'organiser un
grand meeting contre l'antisémitisme le 28 avril au
Panthéon, pour interpeller sur ce sujet, entre les
deux tours, les deux candidats restants.
Sans hésiter, nous avons changé notre mot d'ordre
et appelé à un grand rassemblement républicain,
contre Le Pen. Nous sommes sortis de notre neutralité
375 La France LICRAtisée
politique historique pour inciter à voter Jacques
Chirac, seul candidat républicain en lice », écrira
son président dans le DDV de juin 2002.
« Nous sommes sortis de notre neutralité politi-
que historique ». Il fallait oser.
Il ajoutera : « Partout dans mes déplacements,
mes interventions publiques ou médiatiques, j'ai
affirmé la position de toujours de la LICRA : pas
d'alliances, pas d'accords, où que ce soit, avec les
candidats de l'extrême droite aux législatives de
juin 2002. Le temps des arrangements type Millon,
Soisson ou Blanc doit être banni.
Dans l'hypothèse, plus que probable hélas, de
triangulaires, le candidat républicain (de droite ou
de gauche) le moins bien placé doit se désister en
faveur du candidat républicain (de gauche ou de
droite) le mieux placé ».
Au moins, les choses sont claires, et la LICRA
a donné des instructions précises. Qui seront
scrupuleusement suivies.
A ce fameux meeting du 28 avril 2002
au panthéon, toute la fine fleur de l'antiracisme
aura l'occasion d'exprimer son exécration à
l'égard d'un parti qui, malgré la diabolisation, a
l'outrecuidance de se retrouver au 2 e tour de
l'élection présidentielle et qui plus est d'en évin-
376 Politiquement incorrect
cer les forces « de progrès ». Bien que largement
de gauche et d'extrême gauche, elle se résigne
à voter Chirac qui, de toute façon, fait partie de
la famille.
Ce qui donnera lieu à bien des déclarations
rejouissantes :
« ... Je tiens à dire à tout le monde que le 5 mai,
tous ceux qui ne voteront pas, ceux qui voteront
blanc, tous ceux qui ne veulent pas voter Jacques
Chirac seront des déserteurs » (Patrick Klugsman,
s
président de l'Union des Etudiants Juifs de Fran-
ce).
« Votez tous pour Chirac. Voter Chirac, c'est
voter républicain, au moins le débat reste possible.
Voter Chirac, c'est voter le pluralisme où la cohabi-
tation reste possible » (Sokeib Bencheikh, mufti de
Marseille).
« Mais dimanche prochain, sans hésitation, cest le
devoir de toutes et de tous non seulement ceux con-
vaincus qui sont ici, nous devons voter pour le prési-
dent sortant Jacques Chirac » (Gilles Bernheim,
grand rabbin de la synagogue de la Victoire).
« Vous devez voter dimanche, ne pas vous abste-
nir car si jamais ils accédaient au pouvoir, croyez
bien que vous perdriez rapidement vos libertés et
que la terreur s 'installerait et je ne dis pas cela pour
377 La France LICRAtisée
instiller la crainte et la peur dans vos âmes » Jac-
ques Lanzmann, cinéaste).
« ...Mes enfants qui ont 4 et 2 ans peut-être
qu'un jour dans une quinzaine d'années ou même
avant ils me diront papa qu 'est-ce que tu as fait dans
cette période-là. Papa qu'est-ce que tu as dit dans
cette période-là. Je ne veux pas avoir honte, je ne
veux pas baisser les yeux ce jour-là et leur dire que
je ne suis pas sorti de la maison, que je n'ai pas quitté
mon théâtre et je ne veux pas plus tard pleurer en
cachette parce que je n'ai pas eu le courage de dire
qu 'il fallait voter, qu 'il fallait voter Chirac au second
tour » (Michel Boujenah, humoriste).
«Nous avons le choix entre deux systèmes qu'on
nous propose. Dans la démocratie chacun pourra
s'exprimer, manifester sa sensibilité politique. Et de
l'autre côté un système autoritaire sorte de Pino-
chet. Le Pen a parlé dernièrement, vous l'avez en-
tendu, de camps d'internement. Imaginez tout de
suite le grand stade de France à Saint-Denis où
nous nous trouverons tous comme dans le stade de
Santiago » (Marek Halter, écrivain).
« Le 5 mai, au-delà de nos convictions person-
nelles et de nos différences, nous appelons à voter
pour le seul candidat républicain. Il a un nom et
nous n'avons à ce sujet aucune pudeur particulière,
378 Politiquement incorrect
il sappelle Jacques Chirac » (Alain Bauer, grand
maître du Grand Orient de France).
« Si j'appelle sans réserves en tant qu'homme de
gauche à voter Jacques Chirac, c'est parce que
contrairement à ce que j'entends, jamais on ne doit
faire de renvoi dos à dos entre d'une part ceux qui
sont des républicains, des démocrates, et ceux qui
sont des dictateurs et c'est aujourd'hui une respon-
sabilité de nous expliquer que tout cela est du
pareil au même » (Fodé Sylla, député européen).
« Nous sommes allés avec Fodé Sylla dans les villes
gérées par le FN, nous sommes allés à Vitrol-
les, à Marignane, à Orange, c'est le règne des poli-
ces privées, des milices parallèles, c'est le règne des
morts suspectes, des manifestants qui se suicident
d'une balle dans le dos comme le 1er mai 1995 à
Paris, le FN il faut le dire, le répéter, c'est plus de
violence, c'est plus d'insécurité, c'est plus de guerre
civile et pas moins » (Bernard- Henry Lévy, philo-
sophe).
« Avec ma conscience je poserai un acte diman-
che. Je poserai un acte qui dira oui à la France,
oui à la république, oui à la démocratie, non au
racisme, non à V antisémitisme, non à la régression
morale et sociale et cet acte, mesdames et messieurs,
ce sera un bulletin de vote, sur ce bulletin de vote
379 La France LICRAtisée
il y aura écrit le nom de Jacques Chirac » (Ber-
trand Delanoë, maire de Paris).
« J'entends ça et là des voix s 'élever pour dire « il
n'y a pas de différence entre la droite et l'extrême
droite » et ne pas appeler à voter. D'autres préfèrent
inviter à voter blanc pour rejeter Le Pen et Chirac.
Je le déclare ici sans ambages, tous ceux-là sont
des irresponsables qui font le lit de l'extrême droite.
Une abstention, un vote blanc seront autant de
coups de poignard qui assassineront la République
et plongeront nos enfants dans le désespoir et la
désespérance (...)
Pour que chaque mère, chaque père, chaque
grand-parent puisse continuer à regarder ses enfants
et petit s -enfant s droit dans les yeux et leur dire je
vous aime, dimanche 5 mai par notre vote,
BALAYONS LE PEN !» (Patrick Gaubert, prési-
dent de la LICRA).
Cet extraordinaire échantillonnage donne un
petit aperçu du terrorisme verbal auquel les
Français ont été soumis sans une minute de
repos pendant quinze jours, entre les deux tours
de scrutin.
Un matraquage éhonté et une pression unique
dans les annales, que les historiens du futur
auront sans doute à cœur de décortiquer.
La LICRA et ses alliés
La LICRA a toujours travaillé en étroite
symbiose avec les organisations attelées à la
même tâche qu'elle-même. Même si, çà et là, des
dissensions ont pu survenir, notamment avec le
Parti communiste ou ses satellites, à propos du
conflit au Proche Orient ou de la situation des
juifs en URSS, tout ce monde de gauche et
d'extrême gauche a toujours su le moment venu
- pour conquérir le pouvoir et tâcher de le
garder - faire front commun contre la droite, et
surtout contre les « fachos ».
Les Francs-maçons
Les liens entre la LICRA et la franc-maçon-
nerie sont indéniablement étroits et anciens
puisque les deux premiers présidents de la Ligue,
de 1928 à 1993, ont également été Francs-
maçons.
Bernard Lecache, président de 1927 à 1968,
était membre du Grand Orient de France, dont
382 Politiquement incorrect
il fonda la loge Abbé Grégoire, du nom de
l'émancipateur des juifs en 1791.
Il est. intéressant de rappeler les sujets des
conférences^ qu'il présente en loge dans les
années avant-guerre :
Que fait la franc-maçonnerie devant l'antisé-
mitisme hitlérien ? (loge Locarno, 21 avril 1933).
La vérité sur l'hitlérisme. Ses dangers pour la
démocratie et la paix (loge Les Zèles Philanthro-
pes, 20 juillet 1933).
La vérité sur l'incendie du Reichstag (loge
Locarno, 14 novembre 1933).
La France va-t-elle perdre l'Afrique du nord ?
(loge Paris, 12 octobre 1937).
Le racisme derrière les cagoulards (loge La Rai-
son, 1er février 1938).
Le racisme contre la France (loge Garibaldi, 21
décembre 1938).
Le racisme, voilà l'ennemi ! (loge Agni, 27 jan-
vier 1939).
Le racisme contre la république (loge l'Huma-
nité Future, 12 mars 1939.
La franc -maçonnerie et le racisme (loge Locar-
no, 27 juin 1939).
Ces thèmes mettent en évidence deux points
importants : ils sont politiques, ce qui semble
383 La France LICRAtisée
contradictoire avec les finalités spirituelles, voire
ésotériques, de la franc-maçonnerie, et ils s'in-
téressent exclusivement au nazisme. Jamais, au grand
jamais, au communisme.
Trois sujets rien que sur Hitler en 1933, année
de son accession au pouvoir. C'est pourtant égale-
ment l'année où Staline et ses sbires organisent la
grande famine en Ukraine et condamnent délibé-
rément six millions de personnes à mourir de faim.
Une horreur connue en France à l'époque, on l'a
vu. On aurait pu s'attendre, de la part du dirigeant
d'une association défendant les droits de l'homme,
à ce qu'il dénonce hautement ce crime et traite en
loge, au moins une fois, le sujet suivant : Que fait
la franc -maçonnerie devant la sauvagerie stalinienne
en Ukraine ? Rien de tel, pourtant.
Quant à Jean Pierre-Bloch, second président
de la LICRA, il est tout d'abord membre du
Droit Humain dès février 1929, puis sera affilié,
lui aussi, au Grand Orient de France à partir de
1932. Il poursuit une intense activité maçon-
nique dans ces deux obédiences.
Ses conférences d'avant-guerre^ portent sur
les sujets suivants :
s
Discours sur l'impérialisme religieux. L'Eglise
contre la démocratie (loge Liberté, 5 mars 1929)
384 Politiquement incorrect
Religion et socialisme. Peut-on être chrétien et
socialiste ? Attitude des socialistes envers le commu-
s
nisme (loge Vers l'Emancipation, 7 mai 1930),
Comment organiser la paix (loge La Liberté, 5
janvier 1932).
Un coup d'œil sur l'horizon politique. La presse
au service du capitalisme (18 juillet 1933).
Le statut des étrangers en France et V avenir de
la France (loge Le Mont Sinaï, 19 juin 1939).
Là encore, des thèmes à dominante politique
ou d'inspiration anti- catholique.
Après la guerre, Jean Pierre-Bloch deviendra
également président du B'nai B'rith France à plu-
sieurs reprises, et notamment de 1974 à 1981.
En 1971, la LICA et l'Unesco, dirigée à l'épo-
que par le Français René Maheu, organisent à
Paris une grande manifestation antiraciste. La
Grande Loge de France y participe, et déclare :
« Son passé, le lourd tribut qu'elle a payé au régime
de Vichy sont les garants de V adhésion sans réserve
de la Maçonnerie au combat antiraciste ».
En avril 1972, le DDV fait part d'une grande
nouvelle : « Nous sommes heureux d'annoncer que
M. Fred Zeller, Grand Maître du Grand Orient
de France, a accepté de siéger au comité d'honneur
de la LICA ».
385 La France LICRAtisée
Ses conférences seront désormais annoncées
régulièrement.
L'engagement de Fred Zeller dans les rangs de
la gauche la plus déclarée n'est un secret pour
personne. Né en 1912, il a dans sa jeunesse
milité à la SFIO avec les socialistes révolution-
naires. En 1935, il rencontre Léon Trotski en
Norvège et devient son secrétaire.
Jusqu'à la fin de sa vie, il gardera des liens avec
la Ligue Communiste Révolutionnaire.
Ce même Fred Zeller avait dit en
1958 : « L'avenir sera à un grand parti socialiste
démocratique moderne qui ouvrira toutes grandes
ses portes (...) Ce parti socialiste devra réussir à
tout prix la synthèse entre la tradition social-démo-
crate, dans ce qu'elle a eu de valable, et celle du
communisme léniniste en ce qu'elle a eu de posi-
tif ».
Que pensaient à cette époque-là les peuples
concernés de l'apport du communisme léni-
niste ? A t-on jamais posé cette question politi-
quement incorrecte à Fred Zeller ?
En juin 1973, le Grand Orient de France fête
son bicentenaire. Le DDV y consacre un article
en soulignant la similitude des idéaux communs
à la LICRA et à la franc-maçonnerie.
386 Politiquement incorrect
Rappelant à cette occasion le combat antira-
ciste de Fred Zeller, grand maître du GOF et
membre de la Ligue, le DDV souligne : « C'est
donc tout naturellement que de nombreux Francs-
maçons sont adhérents de la LICA comme aussi
naturellement des ligueurs sont entrés en maçon-
nerie pour y trouver, sur le plan philosophique, le
prolongement de leur action antiraciste ».
Le DDV ose poursuivre : « La tolérance repré-
sente un autre aspect commun du comportement
des Francs-maçons et des membres de la Ligue. En
effet, la bataille que nous menons passe par le
respect des opinions, des croyances et des goûts que
chacun d'entre nous peut avoir (...) La maçonnerie
comme la LICA se sont toujours élevées contre les
mesures qui tendaient à restreindre les libertés
fondamentales ».
Inouï ! La tolérance façon « soviet » consiste
apparemment à tolérer exclusivement les gens de
son propre camp et à refuser la parole, et même
l'existence, aux autres...
En 1977, c'est au tour du nouveau grand maî-
tre de la Grande Loge de France, également
membre de la LICA, de recevoir les félicitations
du DDV.
387 La France LICRAtisée
L'Appel commun à la fraternité
« Ce fut d'abord comme un sourd murmure, une
annonce timide dans quelques journaux et sur les
antennes d'une radio. Puis la voix se fit plus forte et
se précisa, comme si l'Appel ne pouvait rester tu plus
longtemps. Enfin, la veille de la date prévue, comme
impatiente, toute la presse (nationale et étrangère),
toutes les radios et les télévisions diffusaient et
commentaient l'Appel commun à la fraternité ».
En ce 15 novembre 1985, la LICRA frappe un
grand coup : pour stopper l'élargissement des fis-
sures apparues, selon elle, dans la conscience
nationale, elle organise un Front antiraciste réu-
nissant toutes les autorités spirituelles et morales
du pays, à savoir, outre elle-même, le MRAP, la
Ligue des Droits de l'Homme, les obédiences
maçonniques et les églises constituées. Un Front
antiraciste considéré comme « un événement
exceptionnel dans la vie de la nation ».
Elle est, bien sûr, chaudement félicitée par un
certain nombre de politiques, au premier rang des-
quels l'ancien trotskiste Lionel Jospin qui, en tant
que premier secrétaire du parti socialiste, la félicite
«personnellement pour cette initiative historique qui
témoigne de la force, de la permanence et de la con-
ception ouverte de votre combat contre le racisme ».
388 Politiquement incorrect
De quoi s'agit-il en réalité ? De rassembler
tous les efforts et d'unir toutes les énergies pour
réduire au silence les opposants à l'immigration
massive qui provoque les premiers craquements
dans la société française et les premiers succès
électoraux du Front national.
Va-t-on à ce stade s'interroger sur le bien-
fondé de la poursuite de l'immigration ?
Va-t-on se pencher sur les problèmes de coha-
bitation que connaissent les Français les plus
modestes ?
Va-t-on au moins demander aux nouveaux
arrivants de s'intégrer à leur nouvelle société ou,
du moins, de la respecter, comme le font les im-
migrés asiatiques notamment, qui, bien que
nombreux, ne font jamais parler d'eux et ne re-
vendiquent aucune transformation de leur nou-
vel environnement ?
Surtout pas. Ce qu'il est urgent de faire, la
LICRA et ses associés sont heureusement là pour
en informer les Français :
«Affirmer le respect de l'autre - se solidariser
avec les personnes et les minorités victimes de dis-
crimination, leur reconnaître les mêmes droits à la
Justice, à la liberté et à l'égalité - vivre ensemble
dans la tolérance des différences et l'enrichissement
389 La France LICRAtisée
mutuel pour une société meilleure de laquelle les
immigrés ne sauraient être exclus ».
Nous sommes en plein angélisme et le fameux
droit à la différence, sur lequel la LICRA évo-
luera par la suite, est alors défendu bec et ongles.
Il n'y a pas de problème de l'immigration, il n'y
a que des racistes. Qu'il faut réduire au silence par tous
les moyens.
Dans ce combat, LICRA et franc-maçonnerie
sont parfaitement solidaires.
Le MRAP - Mouvement contre le racisme,
l'antisémitisme et pour la paix qui deviendra en
1978 Mouvement contre le racisme et pour
l'amitié entre les peuples
Le MRAP est classé dans la rubrique « alliés »,
car bien qu'étant fortement opposé à la LICRA sur
certains sujets brûlants, comme les retombées du
conflit israélo-palestinien ou, autrefois, la situation
des juifs en Union soviétique, les deux associations
savent fort bien s'entendre quand c'est nécessaire
sur le dos de l'extrême droite tant exécrée.
Le MNCR, Mouvement national contre le
racisme s'était créé pendant la guerre pour sauver
les enfants juifs. Tout naturellement, une fusion
entre la LICA et le MNCR, souhaitée par les
390 Politiquement incorrect
militants, a lieu en février 1946 et s'intitule Al-
liance antiraciste. Mais ce nouveau mouvement
va avoir une vie éphémère, car les communistes
le quittent en juin 1947 pour fonder le MRAP.
Le MRAP est donc d'obédience communiste
ce qui n'est pas un problème pour la LICRA,
mais il est fortement suspecté d'antisémitisme, ce
qui en est un. Malgré cela, les passerelles et les
points de convergence vont rester nombreux
entre les deux officines antiracistes.
Il y aura cependant des périodes de crise aiguë.
Notamment en 1967, après la guerre des Six
Jours.
Les hostilités sont déclarées et, en janvier
1968, le DDV précise la position de la LICA à
l'égard du MRAP : « Disons nettement, une fois
pour toutes, que, de près ni de loin, nous n'avons
rien de commun avec le MRAP, à qui nous n'avons
cessé de reprocher son attitude pour le moins neutre
lors du procès des blouses blanches à Moscou, lors
du procès de Prague et de l'exécution de Rudo
Slanski, secrétaire du PC, faussement accusé
d'avoir trahi son pays en faveur d'Israël lors
des campagnes antijuives de Kischko en Ukraine, avec
son « Judaïsme sans fard », lors enfin de l'agression
commise contre les Israéliens voici quelques mois »
391 La France LICRAtisée
Les griefs, on le voit, sont extrêmement ciblés.
En 1972, la situation des juifs en Union
soviétique et en Syrie se détériorant, le DDV fait
mine de s'interroger : « Existerait-il, pour cette
organisation, un antisémitisme bon ou mauvais
selon le pays où il sévit ? Existerait-il un racisme
intolérable et un racisme toléré selon l'endroit où il
est perpétré ? ».
En 1979, sous le titre « Quelles sont les vérita-
bles raisons d'exister du MRAP ? », le DDV l'ac-
cuse d'être sourd, aveugle, muet, amnésique et
de mauvaise foi, pour conclure : « Au moment
où le racisme se développe de façon inquiétante,
nous estimons très regrettables les attaques inces-
santes du MRAP contre notre Ligue. Se tromper de
cible par les temps qui courent est impardonnable
pour une association qui se prétend antiraciste ».
Mais lorsque le Front national apparaîtra sur
la scène politique, les adversaires d'hier mettront
leurs querelles en sourdine et joueront de con-
cert la partition attendue.
Cette belle entente vole à nouveau en éclats à
partir de l'an 2000. On peut entendre des cris
de « Mort aux juifs » proférés lors de manifes-
ations de soutien aux palestiniens organisées par
le MRAP, les Verts et le parti communiste. Mou-
392 Politiquement incorrect
loud Aounit, secrétaire général du MRAP, met
trois jours pour dénoncer ces dérapages antisé-
mites, aux dires de la LICRA, qui porte plainte.
En février 2002, le DDV livre un constat acca-
blant « II y a désormais un antisémitisme d'extrê-
me gauche incontrôlable, difficilement repérable et
virulent ».
C'est que le conflit au Proche Orient, qui s'en-
venime et ne laisse pas apparaître de solution, a fait
éclater les alliances anciennes et creuse des haines
qui s'expriment sans détour : « Ces gens-là préfèrent
faire les yeux doux à des républiques bananières
rongées par la corruption dans lesquelles les élections
sont escamotées, truquées, arrangées, et soutenir aveu-
glément la cause palestinienne, non pas par passion,
mais par réaction à l'Etat d'Israël comme c'est cas
pour une partie de la presse gauchiste en France (Le
Monde Diplomatique, Télérama)... ».
La LICRA, membre et soutien du Réseau
Voltaire .
En 1994, Charles Pasqua, en sa qualité de mi-
nistre de l'Intérieur, tente timidement de s'op-
poser à la déferlante de la pornographie et d'en
protéger en particulier les enfants. Mais il s'at
taque là à de gros intérêts financiers et à une
393 La France LICRAtisée
puissante nébuleuse d'associations, dont la
LICRA fait partie : le Réseau Voltaire. Ces asso-
iations et mouvements politiques divers et
variés ont en commun d'être de gauche et d'ex-
trême gauche, d'être violemment anticatholi-
ques, et bien évidemment de lutter comme un
seul homme contre la bête immonde.
Issu du Projet Ornicar, groupement homosexuel
présidé par Thierry Meyssan, le Réseau Voltaire -
qui est également soutenu par le Grand Orient de
France - veut lutter pour la liberté d'expression et
la laïcité, contre l'intégrisme moral et la censure,
c'est du moins ce qui est inscrit dans ses statuts.
La vérité est qu'il constitue un puissant lobby,
financé principalement par la pornographie, et que
rien ne doit venir contrecarrer un commerce aussi
juteux, dont tous les membres profitent. Pendant
des années, et jusqu'à une époque très récente, le
trésorier du Réseau sera en effet Michel Sitbon qui
se trouve, avec son père Guy, à la tête d'un vérita-
le empire de publications et messageries porno-
graphiques rapportant gros.
Rien non plus ne doit venir contrecarrer le
dynamitage des valeurs morales et traditionnelles
qu'à entrepris le Réseau Voltaire sous couvert de
défense, une fois de plus, des droits de l'homme,
394 Politiquement incorrect
décidément mis à toutes les sauces, y compris les
moins ragoûtantes.
C'est pourquoi toutes les associations mem-
bres, y compris la LICRA, vont se mobiliser
d'un même élan contre Pasqua. Tout ce beau
monde crie au retour à l'ordre moral et à la cen-
sure, et pétitionne à tour de bras.
Sous le titre : « Contre la censure », le DDV an-
nonce en mai 1994 : « La LICRA a signé une péti-
tion lancée par le Réseau Voltaire et Act Up contre "la
restauration de la censure" dans les médias, à la suite
de l'entrée en vigueur du nouveau code pénal. L'article
contesté est le suivant : "Le fait que soit fabriqué,
diffusé par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit
le support un message à caractère violent ou porno-
graphique est puni de trois ans d'emprisonnement et
de 500 000 FF d'amende lorsque ce message est suscep-
tible d'être vu ou perçu par un mineur" ».
Comme d'habitude, la droite, complètement
tétanisée à la seule idée de paraître « réac » aux
yeux de la gauche, va s'aplatir. Les mesures
contestées vont vite tomber dans les oubliettes.
Tant pis pour les enfants. D'ailleurs, il y a plus
urgent à faire : les éduquer contre le racisme.
Ce soutien de la LICRA, pour le moins inop-
portun, pour ne pas dire nauséabond, n'a pas été
395 La France LICRAtisée
que ponctuel ou épisodique. Membre à part
entière du Réseau, la Ligue y était d'ailleurs en
très bonne compagnie. Qu'on en juge :
Le Monde publie en date du 26 mai 1996, l'an-
née de la venue du pape Jean-Paul II en France,
un article intitulé « La mobilisation laïque et répu-
blicaine des anti-Clovis », dans lequel on peut lire :
« Des réunions se tiennent dans la prestigieuse salle
du Conseil de l'Ordre, au Grand Orient de France, à
Paris. Sans plan de table ni protocole, des membres du
parti socialiste, du parti communiste français, de Radi-
cal des Verts, retrouvent à l'heure du dîner, des repré-
sentants de la Ligue communiste révolutionnaire, de la
Fédération anarchiste, du Parti des travailleurs, un
Journaliste de Charlie-Hebdo, et, bien sûr, un chape-
let "d'assoces" comme la Ligue des Droits de l'Homme,
le MRAP, la LICRA et Ras V Front. Vendredi 24 mai,
pour leur troisième rencontre, à l'initiative du Réseau
Voltaire - un collectif de la mouvance franc-maçonne
qui u défend les libertés collectives et individuelles " - ils
devaient discuter autour d'un texte intitulé "Tous et
toutes citoyens, la France c'est nous, Clovis, on s'en
fout": de leur engagement dans les manifestations con-
tre la venue du pape en septembre ».
Hélas, même les plus beaux romans d'amour
ont une fin. En février 2005, Michel Sitbon et
396 Politiquement incorrect
ses millions quittent le Réseau Voltaire, accusé
de... dérive antisémite !
Il est notamment reproché au Réseau d'être
devenu une officine hostile aux États-Unis^ et
complaisante envers les intégristes musulmans.
Ainsi qu'envers les révisionnistes. Le crime absolu.
Tous membres de la LICRA
La grande habileté de la LICRA sera, dès sa
création, de faire en sorte de compter parmi ses
membres quasiment toute la classe politique et
même, plus généralement, toutes les personnes
d'influence. Cela lui permet de se déclarer apo-
litique sans états d'âme, ses membres se char-
geant largement de faire de la politique - et la
politique qu'elle souhaite - à sa place.
Se proclamant par ailleurs association morale, il
lui est facile et même nécessaire de solliciter égale-
ment des membres dits de droite. C'est un hon-
neur qu'il est difficile de décliner, car un refus se-
rait suspect et risquerait de vous classer illico dans
le camp des racistes. Ou dans celui des ennemis
d'Israël. Un risque dont la seule évocation fait fris-
sonner le courageux personnel politique français.
Un homme politique allemand, Helmut
Schmidt, va pourtant décliner l'honneur de
397 La France LICRAtisée
devenir membre de la LICRA. Le fait devait être
si rare qu'il est relaté en détails et avec quelque
dépit, en 1993, dans le DDV. L'ancien chancelier
allemand, en effet, « (a) décliné la demande de
patronner ou de soutenir une section allemande de
la LICRA (...) Conclure dans ces conditions par
des souhaits de succès pour les activités de la
LICRA, alors que le développement inquiétant de
la xénophobie, du racisme et de l'antisémitisme en
Allemagne exigeait un engagement significatif ne
peut que faire douter de la volonté d'assumer
clairement les leçons du passé nazi », assène en
conclusion le DDV.
Si la LICRA compte dans ses rangs, pour la
vitrine, des responsables politiques de toutes
tendances républicaines, ses dirigeants, quant à
eux, ont toujours été de gauche. On objectera
que ce n'est plus forcément vrai aujourd'hui si
l'on se réfère à la seule étiquette politique, son
président actuel, Patrick Gaubert, ayant été élu
en 2004 député européen d'Ile-de-France sous
l'étiquette UMP.
C'est vrai, mais la pensée unique et totalitaire
étant passée par là, cela n'a plus aucune impor-
tance. Il y a belle lurette, comme on l'a vu, que
les notions de droite et de gauche se sont diluées
398 Politiquement incorrect
à l'intérieur d'un même système de confiscation
du pouvoir. Soigneusement entretenues cependant
par les médias, ces notions fallacieuses n'existent
plus que pour la façade pseudo-démocratique et
pour entretenir l'illusion d'un choix aux yeux
d'une opinion publique bien facile à berner jus-
qu'à présent.
Il serait extraordinairement fastidieux d'énumérer
tous les responsables politiques, nationaux et locaux,
et toutes les célébrités membres de la LICRA.
Citons simplement parmi les plus connus :
Au niveau le plus élevé de la République: les
présidents François Mitterrand, membre de son
comité d'honneur dès 1974, et Jacques Chirac.
Un bon nombre de premiers ministres : Jac-
ques Chaban-Delmas - Pierre Mauroy - Alain
Juppé - Laurent Fabius - Lionel Jospin.
Des présidents du Sénat : Gaston Monnerville
(de 1948 à 1968) - Alain Poher.
Et une pléthore de ministres, députés, maires,
dont : Charles Hernu - André Malraux - Lucien
Neuwirth - Gaston Defferre - Dominique
Strauss-Kahn - Georgina Dufoix - Robert Ba-
dinter - Jacques Delors - Bernard Kouchner-
Jack Lang - Bernard Stasi - Jean Lecanuet -
André Santini, qui déclarait en novembre 1986
399 La France LICRAtisée
à propos de la LICRA : « Elle est ma conscience
quotidienne dans mon action de maire à Issy-les-
Moulineaux » - Philippe Seguin - François Léo-
tard - Simone Veil - François Bayrou - Ber-
trand Delanoë - George Sarre.
Sans oublier les académiciens : Maurice Schu-
mann - Michel Droit - Jean Dutourd - le pro-
fesseur Leprince-Ringuet - Léopold Sedar Sen-
ghor - Alain Decaux - le professeur Georges
Charpak - Bertrand Poirot-Delpech - Jacques
Soustelle, qui écrira cependant à la LICRA en
1988, avec beaucoup de perspicacité : « Je suis
énervé en voyant le DDV transformé en pamphlet
politique au profit de la gauche avec propagande
obsessionnelle contre le FN. Et cela au moment où
la " guerre des pierres" sert de prétexte à V anti-
sionisme et à l'antisémitisme qui progressent à pas de
géant dans les milieux de gauche grâce aux médias,
au moment où les socialistes du Parlement européen
invitent officiellement Arafat à Strasbourg ! Il est
clair, pour moi, qu'on se trompe d'adversaire ».
Et sans oublier non plus les journalistes, écri-
vains, philosophes, publicitaires, personnalités
diverses : Jean-Paul Sartre - Maurice Siegel -
Jean Ferniot - Nathalie Sarraute - Alain Finkiel-
haut - Y van Levaï - Marcel Bleustein- Blanchet
400 Politiquement incorrect
- Bernard-Henri Lévy - Marek Halter - Jacques
Attali - Johnny Halliday - Guy Béart - Régine
Roger Hanin - Costa-Gavras - Bertrand
Tavernier - Enrico Macias - le professeur Pierre-
Gilles de Gennes - Axel Kahn - Gilbert Trigano
- Alain Bauer - le professeur François Jacob
Les artistes sont particulièrement chéris par la
LICRA, qui a parfaitement compris leur rôle
d'identification. Johnny Halliday, « membre actif et
combatif» de la LICA depuis 1972, écrit cette
année-là, pour marquer son adhésion à la Ligue,
une chanson intitulée « Le droit de vivre ». Ce
phénomène va peu à peu s'amplifier. En mai
1985, le DDV s'interroge : « Et pour que ce "mes-
sage" passe [le message antiraciste, ndla], princi-
palement dans la jeunesse, notre société montre que
les "médiateurs " les plus efficaces sont les éducateurs
et ces baladins modernes que sont les vedettes de la
chanson et du cinéma. Ces derniers se trouvent
maintenant en tête de nos cortèges, de nos mani-
festations, portant le drapeau de V antiracisme, face
aux appareils de photos et aux caméras des médias de
masse. Est-ce un bien? Est-ce une erreur ? C'est un
fait de société que notre combat ne peut ignorer. ».
En vertu de ce principe, la LICRA attribue
régulièrement son Prix antiraciste à des artistes.
40 1 La France LICRAtisée
Seront ainsi primés : Sheila en 1971, Enrico
Macias en 1979, Gilbert Bécaud en 1985, Char-
les Aznavour en 1987, Michel Fugain en 1995,
Pierre Perret en 1998.
La LICRA et les médias
Ses deux premiers présidents, de 1927 à 1993,
ayant été journalistes, la LICRA est bien placée
pour connaître l'importance cruciale des médias,
qui ont toujours fait de sa part l'objet d'une
attention sourcilleuse.
Globalement, elle n'a pas eu à s'en plaindre, la
presse étant dans son ensemble largement ralliée,
pour des raisons diverses, à la cause de l'anti-
racisme et du politiquement correct réunis. Ses
interventions, on l'a vu, ont été, la plupart du
temps, largement et complaisamment relayées.
Elles l'ont été d'autant plus qu'il est difficile-
ment niable que les juifs soient fortement
présents dans le monde des médias. Ce phéno-
mène n'est certes pas nouveau. Il est intéressant
de constater que le Guide juif de France paru en
1971 se livre au petit exercice de Who's who ?
suivant : il recense avec beaucoup de satisfaction
et de précision les juifs français qui se sont
illustrés et s'illustrent à l'époque dans les domai-
404 Politiquement incorrect
nés suivants : politique - littérature et sciences
humaines - science - arts plastiques - musique -
spectacle - sports.
On le voit, l'éventail est large. Pourtant, pas
un mot sur les journalistes. Ils sont totalement
absents de ce palmarès, ce qui est tout de même
curieux.
serait-ce parce qu'il n'y en avait pas, ou au
contraire parce que leur nombre aurait étonné,
déjà à ce moment-là ?
En 1978, les journalistes Jean Dutourd et Yves
Mourousi sont victimes d'agressions revendi-
quées par une organisation palestinienne. Ils ont
eu le tort d'écrire des articles favorables à Israël.
A cette occasion, le président Pierre-Bloch prend
sa plume des grands jours pour fournir une
noble définition de ce métier qu'il connaît bien :
«(...) Il y va du droit pour chaque citoyen de s'ex-
primer librement et diversement, sans contraintes ni
dangers. Il y va aussi du droit d'exercer sa
profession de journaliste avec pour seul critère
d'informer selon sa propre conscience, d'écrire ou de
dire ce qu'on pense sans craindre pour sa vie, parce
que ce qu'on aura écrit ou dit pourrait déplaire ».
Cette définition vertueuse et ces trémolos ne
sont bien sûr valables que pour ceux qui défen-
405 La France LICRAtisée
dent Israël ou qui sont favorables à la gauche.
Parce que pour les autres...
Si la LICRA fut donc généralement bien servie
par la presse, il y eut néanmoins des exceptions et
des circonstances qui donnèrent lieu à des
démêlés épiques, et même à des procès. Les pages
du DDV sont ainsi émaillées du récit des inter-
ventions de la LICRA auprès des dirigeants de
médias ou de maisons d'édition, le plus souvent
sur le mode de l'indignation ou de la menace.
Citons quelques interventions plus caracté-
ristiques ou plus mémorables que les autres :
En octobre 1972, la LICRA apprend que Gal-
limard envisage, à l'occasion de la mort de
Lucien Rebatet, de rééditer l'un de ses livres à
succès, Les Décombres, et réagit en ces termes :
« Il est intéressant de noter que cet ouvrage n 'avait
jamais été remis en circulation depuis la Libéra-
tion. Sa réédition serait une provocation que nous
ne saurions tolérer ».
Les quotidiens
En avril 1974, L'Est républicain informe ses
lecteurs qu'une troupe de gitans a envahi Saint-
Dié, qu'ils campent aux abords de la cité et qu'ils
s'y comportent comme d'habitude.
406 Politiquement incorrect
Dans le feu de la nouvelle loi antiraciste votée
deux ans auparavant, la LICRA considère qu'il y
a là volonté de nuire à un groupe social et
incitation à la haine raciale, et indique qu'elle a
saisi sa commission juridique pour d'éventuelles
suites à donner.
C'est le Parisien libéré qui détient la palme des
interventions. Qualifié de feuille libérée de tout
scrupule, tout, selon le DDV, lui est bon pour
« expectorer un racisme viscéral ». Un exemple parmi
d'autres : en octobre 1973, le Parisien libéré écrit
à propos de Marcel Dassault, alors député de la
majorité : « M. Marcel Dassault produisait avant la
guerre des avions sous le nom de Marcel Bloch...
notamment la cellule du bimoteur Bloch 210 que la
faiblesse de son moteur fit baptiser u cercueil volant''
durant la guerre de 1939-40 ».
Commentaire du Droit de Vivre : « Le Parisien
libéré comme on le voit n'est pas encore libéré des
légendes pétainistes et miliciennes selon lesquelles la
défaite de 40 avait pour auteurs les communistes,
les juifs et les Francs-maçons ».
Mais Le Monde lui-même n'est pas à l'abri et
se voit assez souvent mis en cause, bien que sur
le mode mineur. Ce sera le cas en juin 1980 à
propos d'un article paru sous le titre « Double
407 La France LICRAtisée
nationalité, double allégeance », qualifié d'article
calomniateur sur les juifs français. L'auteur,
M. Snoussi, y accuse notamment les juifs de
« trahison », de « duplicité », de « mainmise sur
les mass média ». Il fera naturellement l'objet
d'une vive riposte de Jean Pierre-Bloch dans les
colonnes du DDV sous le titre « Pourquoi ? ».
Qualifié de grossière provocation, cet article ne
fait pourtant pas l'objet de poursuites judiciaires.
Ce fait est d'autant plus étonnant que quelques
mois plus tard, en décembre 1980, la LICRA se
félicite de la condamnation du Figaro Maga-
zine qu'elle a poursuivi pour provocation à la hai-
ne raciale. Le critique gastronomique du magazine,
Robert Courtine, avait en effet suscité l'ire de la
Ligue en raison d'un article sur la cuisine chinoise
intitulé : « Chinois : l'appétit à la baguette », dans
lequel il était question de « l'invasion des petits
hommes jaunes » et de leur « prolifération bacil-
laire ». Il est vrai qu'aux yeux de la Ligue, Robert
courtine, en sa qualité d'ancien Camelot du Roi,
avait un passé quelque peu chargé...
Revenons au journal Le Monde. Nous sommes
en janvier 1981, donc en pleine période électo-
rale. La LICRA ne cesse de se plaindre du climat
antisémite et des attentats /ac/zo -raciste s.
408 Politiquement incorrect
C'est dans ce contexte que Le Monde publie
deux articles intitulés « Lettre à mes amis juifs »
- qui laisserait entendre, selon la LICRA, que les
juifs sont eux-mêmes responsables du racisme
dont ils se plaignent - et « Les pires racistes ».
La Ligue réagit par une Lettre ouverte au
Monde. Elle accuse les auteurs des articles de
reprendre les thèmes traditionnels à l'égard des
juifs « dominateurs, exaspérant les populations,
maniaques de la persécution, parfois inspirés par
quelque diable sadique ou malin génie masochiste »
et des immigrés «parasites, envahisseurs, généra-
teurs de chômage ». Et elle accuse Le Monde d'ou-
vrir ses colonnes « à une manière de traiter les
hommes et les problèmes qui n'est pas toujours
agressive mais qui est fondamentalement raciste et
discriminatoire et qui veut insidieusement s'imposer
de plus en plus en France, dans une période
favorable aux pires déviations ».
Elle termine sa diatribe en attirant solennelle-
ment « l'attention de cette rédaction sur sa lourde
responsabilité face au développement complexe du
processus raciste dans notre pays ». Aucune plainte
n'est cependant déposée.
D'ailleurs, l'auteur de la Lettre à mes amis juifs,
l'écrivain catholique Jean-Marie Paupert, fait une
409 La France LICRAtisée
semi-repentance qui est publiée en avril 1981 par
le DDV. Dans son droit de réponse, il note
cependant ceci : «J'admets aussi qu'on puisse me
reprocher un excessif optimisme... je continue en effet
à ne pas croire en la réalité aujourd'hui d'un anti-
sémitisme français. Tout au plus, quelques petits
nazillons épars sans lien avec l'âme populaire. D'ail-
leurs, la liste des "43 attentats facho -raciste s en 43
jours" figurant en bas de la page qui m'incrimine,
pratique un amalgame peu loyal entre des attentats
racistes et d'autres qui ne le sont point ».
D'autres polémiques suivront, dont l'une des
plus intéressantes met aux prises le DDV et
Gilbert Comte au sujet d'un article publié à
nouveau dans Le Monde en janvier 1982 et
intitulé « Le grand défi de Maxime Rodinson ».
Vivement pris à partie par le journal de la
LICRA, Gilbert Comte riposte dans son droit de
réponse :
« Je me suis efforcé de rendre compte du livre de
M. Maxime Rodinson en conscience, sans vouloir
solliciter ni trahir la pensée de l'auteur... Le sujet
[la question juive, ndla] me « dérange » fort peu
et aucune "force magnétique" (!) ne m'y ramène.
Henry Bulawko^- 1 me conseille, néanmoins, de
« m' occuper d'autre chose». De quel droit ? J'écris
410 Politiquement incorrect
sur tout sujet de mon choix sans lui demander son
autorisation et selon ma seule conscience ».
Il est vrai que Maxime Rodinson, juif spé-
cialiste de l'islam et antisioniste, est un sujet sca-
breux.
C'est également en 1982 que se situe un
épisode mettant aux prises, déjà, l'écrivain Roger
Garaudy, le journal Le Monde et la LICRA. Le
17 juin 1982, après les massacres du Liban, pa-
raît dans le quotidien alors dirigé par Jacques
Fauvet une page entière achetée par les signa-
taires - outre Roger Garaudy, il s'agit du Père
Michel Lelong et du pasteur Matthiot - et criti-
quant l'agression israélienne.
La LICRA leur intente l'habituel procès pour
« provocation à la discrimination raciale ». Elle
perd. Elle perdra une seconde fois en appel.
Qu'à cela ne tienne, elle se pourvoit en cassa-
tion. Elle perdra une troisième fois. Dans un
silence médiatique assourdissant, car ses échecs
ne sont généralement pas relatés par la presse.
Ce qui n'est pas le cas de ses succès. Roger
Garaudy, en revanche, paiera la note. Il consi-
dère qu'à partir de ce moment-là commencera
pour lui ce qu'il appelle « l'asphyxie média-
tique » ou « la mort littéraire ».
411 La France LICRAtisée
En 1983, la LICRA intente un procès à Libé-
ration pour diffamation raciale et provocation à la haine
raciale, et le gagne.
Ce procès fait suite à la parution dans le courrier
des lecteurs, d'une lettre signée J.P. Kamel, intitulée
« Français, arabe de France et fier de l'être » parue
dans Libération le 31 juillet 1982, en pleine guerre
du Liban. La lettre dit notamment ceci :
« Dimanche 18 juillet, Paris se réveille couvert
d'affiches blanc et bleu sur les panneaux du groupe
Avenir à 1 000 FF par jour et par affiche. Que
disent ces affiches? u Liberté pour les juifs d'URSS".
Mon sang me monte à la tête, armé de mes seuls
ongles j'arrache, casse et détruit l'une de ces affiches
prise en pleine gueule dès le matin. Un peu de
pudeur SVP, messieurs les juifs de France (...) L'ar-
mée fasciste d'Israël est aujourd'hui aux portes de Bey-
routh pour repousser l'ennemi et avoir une "ceinture"
de sécurité autour d'Israël (...) Tant qu'il restera un
seul palestinien, aucun juif ne sera en sécurité dans
ce monde après le massacre de Beyrouth... Nous, les
arabes de France, ne resterons pas les bras croisés. Le
sang des martyrs réclamera vengeance ».
Serge July, directeur de Libération, reconnaît le
dérapage et le caractère antisémite de la lettre.
Ce qui ne l'empêche pas d'être condamné.
412 Politiquement incorrect
Le DDV consacre un dossier très important à
cette affaire et en profite pour rappeler ceci :
« En effet, le journal Libération se fait le porteur
depuis de longues années de certains thèmes, de cer-
taines démarches intellectuelles, de certains dévelop-
pements dans lesquels un lecteur averti pourra dé-
celer sans peine le même ferment fétide, celui que
l'on retrouve de façon certes exacerbée, extrémiste
dans le courrier Kamel, mais porteur du même vi-
rus : celui, n'ayons pas peur des mots, de l'anti-
sémitisme le plus viscéral.
Nous constaterons à travers l'étude de quelques cas
exemplaires, que sans ressembler à celui d'autres
journaux, passés ou présents, de droite ou d'extrême
droite, il existe réellement un antisémitisme façon
"Libé": différent certes, mais tout aussi dangereux ».
Sans ressembler, quand même, à d'autres jour-
naux de droite ou d'extrême droite. Ouf, on
respire ! Libération ayant été racheté en 2004 par
s
Edouard de Rothschild, pareille mésaventure ne
devrait plus survenir.
Les films
Scandale en février 1977 : le film L'ombre des
anges est retiré des écrans parisiens sur interven-
tion de la LIC A. Ce film d'un auteur suisse
413 La France LICRAtisée
d'extrême gauche, tiré d'une pièce de théâtre de
Fassbinder, met en scène un « juif riche » qui
domine et corrompt une ville, mais dont les
agissements sont tolérés en raison de la mauvaise
conscience des Allemands à l'égard des juifs.
Encensé par les intellectuels de gauche, mais qua-
lifié de violemment antisémite par la LICA, le
film fait l'objet d'une polémique dans les colon-
nes du Monde entre cinéphiles et intellectuels,
d'une part, qui vont jusqu'à taxer l'action de la
Ligue de « néo-fasciste », et représentants de la
LICA, d'autre part, qui parlent de terrorisme in-
tellectuel. Son président, Jean Pierre-Bloch, fait
paraître dans Le Monde une lettre où l'on peut lire
notamment les phrases suivantes : « Le mot Juif
ne nous fait pas peur. Ce n'est plus l'antisémite qui
désigne le juif C'est maintenant le Juif qui se
revendique comme tel et qui désigne qui est anti-
sémite ou provoque l'antisémitisme. L'intellectualis-
me de certains ne nous fait pas peur non plus. Ceux
qui ont souffert dans leur chair de l'antisémitisme
ont aussi droit à la liberté d'expression ».
La télévision
En octobre 1978, la LICA s'oppose avec suc-
cès au passage d'Albert Speer sur Antenne 2,
414 Politiquement incorrect
invité à la suite de la publication de ses Mémoi-
res.
Elle le revendique sous le titre « Le nazi Albert
Speer interdit de télévision française » et com-
mente : « Si la LIC A n 'était pas intervenue pour
faire supprimer cette émission qui mettait en
vedette Albert Speer, il est possible que des âmes
sensibles aient trouvé l'occasion de s'apitoyer sur le
sort de ce personnage dont le rôle néfaste fut suffi-
samment important pour qu'il soit jugé par le Tri-
bunal international de Nuremberg ».
Condamné effectivement par le Tribunal de
Nuremberg à vingt ans de prison, Albert Speer
avait largement purgé sa peine en 1978 ...
Apostrophes et Bernard Pivot vont être, à plu-
sieurs reprises, dans le collimateur de la LICRA.
En 1979, il est reproché à l'animateur d'avoir
invité dans son émission des intellectuels de la
Collaboration, en particulier l'écrivain Marcel
Jouhandeau^, ce qui est qualifié d'« indé-
cence ».
En 1984, un article intitulé « Pivot intoxi-
qué ? » laisse entendre que le critique littéraire
réécrirait l'histoire à propos des chambres à gaz
de Buchenwald, et s'inquiète en ces termes : « Si
un esprit averti comme celui de Bernard Pivot a
415 La France LICRAtisée
pu se laisser « intoxiquer », qu'en est-il du « lecteur
moyen ? ».
Cela vaudra au DDV une réponse virulente de
Bernard Pivot qui, après avoir qualifié l'article en
question d'ignominieux et de calomniateur, con-
clut :
« Dans ces conditions, me faire passer pour un
naïf qui se laisse intoxiquer par u les thèses révi-
sionnistes ,y relève de l'infamie. A tout autre journal
que le vôtre, je demanderais réparation devant les
tribunaux ».
Peu après cette séance d'échauffement, c'est
l'attaque directe. Une pleine page du DDV de
mars 1985 titre en caractères gras « Propos diffa-
matoires et antisémites à Apostrophes ». L'article est
sous-titré « Réaction de milliers de téléspectateurs ».
Que s'est-il passé le 15 février 1985 ? L'invité
s
d'Apostrophes se nomme ce soir-là M arc -Edouard
Nabe et présente son livre Au régal des vermines.
Au cours de l'émission, il déclare notamment :
« Les gens de la LICRA se servent des monceaux
de cadavres d'Auschwitz pour faire fructifier, sur le
fumier, leur fortune ».
La LICRA se déchaîne sous la plume de
Georges-Marc Benamou et parle d'un « nouvel
antisémitisme à visage découvert ».
416 Politiquement incorrect
En 1995, c'est Philippe Bouvard, déjà épingle
à d'autres reprises, qui fait l'objet d'une pour-
suite de la LICRA devant les tribunaux pour des
propos qualifiés de diffamatoires tenus à rencon-
tre des arabes lors d'une émission « Les grosses
têtes ».
Il sera suivi quelques mois plus tard par TF1
et Patrick Sébastien, poursuivis pour propos
racistes sous la forme d'une chanson, au cours de
l'émission « Osons ».
La LICRA justifiera ces actions en ces termes :
« Il faut que ces animateurs soient totalement
coupés des réalités du monde et ignorent les angois-
ses des plus petits pour ne pas comprendre que la
plaisanterie, proférée paraît-il au second degré, les
atteint précisément au premier degré et ajoute un
effroi supplémentaire au sentiment qu'ils ont déjà
de leur exclusion matérielle et morale.
C'est le rôle de la LICRA que de contraindre ces
inconséquents à ouvrir les yeux et leur conscience ».
Conclusion
Nous venons de faire la démonstration d'une
France « licratisée », ô combien! Dominé par les
dogmes immigrationnistes, eux-mêmes protégés
par un antiracisme totalement instrumentalisé, le
système au pouvoir est englué dans une pensée
unique dont il s'est fait complice et dont il ne
veut et ne peut plus sortir. Tenter d'en sortir
équivaudrait à admettre qu'il a fait fausse route
depuis trente ans, qu'il a trompé les Français et
piétiné la démocratie en vain. Qu'en définitive il
avait tort et que ses adversaires avaient raison.
C'est bel et bien le cas, mais inutile de rêver,
jamais le système ne l'admettra. Il est condamné
à poursuivre sa fuite en avant, colmatant une
brèche ici, épongeant à grands frais les dégâts là.
Cachant partout et toujours son crime. Le mot
est fort, certes, mais est-il excessif pour désigner
la destruction identitaire d'un pays qui était, il y
a quelques décennies encore, riche, fier de son
histoire et de sa culture. Et homogène ?
418 Politiquement incorrect
Petites ou grandes, cocasses ou éhontées, tou-
tes les interventions, pressions ou mises en de-
meure dont nous venons de retracer les grandes
lignes ont en tout cas puissamment contribué,
au fil des années, à façonner la France d'au-
jourd'hui.
La LICRA peut donc se targuer sans exagé-
ration d'avoir atteint son objectif, qui était de
transformer notre pays en territoire multiculturel
et multiethnique.
Au terme de cette longue marche, menée de
concert avec la gauche politique, la LICRA a réussi
à diaboliser la droite « nationale », qui représente
tout de même 20 % des électeurs, et à obliger la
droite dite « républicaine » à s'aligner sur les valeurs
et concepts de la gauche. Pour réussir cette
opération, elle a imposé l'amalgame Front national
égale Vichy égale Collaboration, tout en faisant
peser sur toute la droite, et sur la France, l'oppro-
bre et la culpabilité liés à cette période.
Enfin, elle a su magistralement parachever son
œuvre en vidant les notions de « droite » et de
« gauche » de tout contenu pour imposer à la
place le clivage racistes/antiracistes, et en assimi-
lant toute démarche de défense identitaire à du
racisme.
419 La France LICRAtisée
Elle a fait tout cela pour permettre aux idées
de gauche de s'emparer du pouvoir, et de le
conserver, quelle que fût la couleur du gou-
vernement.
Mais elle l'a fait aussi et peut-être surtout,
pour punir un pays coupable d'avoir produit le
régime de Vichy. Ce régime exécré ayant revêtu
une coloration « nationale », il fallait éradiquer
et diaboliser à l'avenir toute référence « natio-
nale ». Par principe et par précaution. Ce qui fut
mené à bien avec constance et sans jamais faiblir.
Une action rendue d'autant plus aisée par la
forte osmose de la LICRA avec le monde des
médias, qui ont joué un rôle décisif dans ce
montage. Un rôle d'endoctrinement des masses
bien davantage qu'un rôle d'information.
La promotion inlassable de l'islam en France
par la LICRA s'inscrit elle aussi dans son obses-
sion anti-identitaire. Pour avoir les coudées
franches, elle a inspiré une législation antiraciste
extrêmement dissuasive et réussi à exclure de la
vie publique le seul parti qui s'opposait réelle-
ment à ses objectifs. Les raisons d'une telle solli-
citude envers l'islam, pourtant assez mal payée
de retour, sont nombreuses et convergent toutes,
là aussi, vers le même but : l'affaiblissement d'un
420 Politiquement incorrect
pays jugé coupable, dont il fallait transformer la
population pour lui faire perdre sa cohésion et,
par conséquent, préparer avec plus d'efficacité
l'arrivée des idées de gauche au pouvoir.
On a vu les origines communistes de la
LICRA. Or, les points de convergence entre le
communisme et l'islam ne manquent pas : tous
deux sont fondamentalement internationalistes,
et à ce titre combattent ou veulent transcender
les nations. Et tous les internationalismes sont
par essence destructeurs d'identité nationale.
Communisme et islam sont en outre animés
l'un et l'autre d'un prosélytisme sectaire et entre-
tiennent la confusion entre le politique et le
religieux. Car le communisme a toujours fonc-
tionné à la manière d'une religion nouvelle des-
tinée à remplacer toutes les autres. Cette con-
fusion est parfaitement incompatible avec le
système de valeurs correspondant à la tradition
européenne et ne peut entraîner à terme que des
conflits.
Enfin, communisme et islam ont un point
commun supplémentaire : ils combattent tous
deux la démocratie. Même s'ils s'en défendent en
s'emparant du terme pour mieux le vider de son
contenu.
42 1 La France LICRAtisée
Le génie de la LICRA aura d'ailleurs été de
mener son combat partisan au nom de la « dé-
mocratie » et des « droits de l'homme ». Alors
même que jamais ces notions n'ont en réalité été
autant bafouées en France que durant ces trente
dernières années.
Oui, la France a bel et bien été licratisée, c'est-
à-dire soumise à un lavage de cerveau et à un
chantage permanent aux droits de l'homme,
sous couvert d' antiracisme, religion obligatoire
de l'homme universel, elle a été sommée d'ac-
cueillir sur son sol une population arabo-musul-
mane massive. Dont une fraction importante fait
aujourd'hui partie de la communauté nationale. Du
moins par les papiers.
Mais si l'islamisme, comme il était inévitable
qu'il le fasse, progresse chaque jour davantage,
doit-on pour autant reprocher aux musulmans
de pratiquer une religion dont la caractéristique
est justement de n'avoir jamais évolué et d'être
aujourd'hui encore, dans son essence et son
expression, ce qu'elle était à l'origine ? Une reli-
gion dont nos « élites » connaissaient parfaite-
ment la nature et les manifestations dans sa zone
géopolitique naturelle. Quelle arrogance, quelle
illusion d'imaginer que l'islam pût être différent
422 Politiquement incorrect
par la vertu de l'air miraculeux respiré en
Europe, de ce qu'il est depuis 1300 ans partout
dans le monde !
Si les musulmans sont aujourd'hui installés
chez nous en nombre sans cesse grandissant,
c'est bien parce que des politiques irresponsables
et veules, sous la pression d'associations dites
antiracistes, mais en réalité antinationales et anti-
identitaires, leur ont ouvert toutes grandes les
portes sans même leur demander en contrepartie
de faire l'effort de s'adapter à notre société.
Pointer aujourd'hui ces responsabilités premières,
en refusant de confondre causes et conséquences,
c'est pratiquement courir le risque de tomber sous
le coup de la loi. La société de connivence qui nous
gouverne a bien verrouillé le débat et mis en place
les dispositifs pour se défendre et empêcher toute
contestation et toute liberté d'expression, si ce n'est
de pensée. Le système entend bien se perpétuer.
L'élection présidentielle de 2007 peut-elle
changer quoi que ce soit à une situation qui im-
poserait un regard totalement inédit et débar-
rassé de ses œillères antiracistes?
En l'état actuel des choses, il est permis d'en
douter. Que l'an prochain, sorte des urnes la
« droite » ou la « gauche », ne présentera en réa-
423 La France LICRAtisée
lité qu'un intérêt extrêmement limité pour le
pays. Pour ne pas dire nul.
Car pour se faire élire, il faut appartenir à ce
système qui n'hésite pas à manipuler les modes
de scrutin pour assurer sa totale hégémonie et à
faire donner ses orgues de Staline si nécessaire :
médias, justice, éducation nationale, etc. Et lors-
qu'on appartient à ce système, il est impossible
de s'écarter des rails, sauf à risquer l'excommuni-
cation, et donc la fin de sa carrière politique.
Les têtes peuvent changer, la politique, elle, ne
change jamais réellement.
Pour « délicratiser » notre pays, qui en a pour-
tant un urgent besoin, pour le faire émerger de
cette chape de plomb sous laquelle il étouffe
depuis trente ans, il faudrait que soit enfin dyna-
mité le cordon sanitaire - unique en Europe - qui
empêche, au nom de la défense de la « démo-
cratie », un parti licite de représenter ses électeurs.
Il faudrait que la France parvienne à se libérer
de la pensée unique imposée par la gauche et se
convertisse enfin au pluralisme politique. Mais
un pluralisme et une démocratie réels, et non
d'apparence.
Il ne s'agirait pas là d'une réforme, mais bel et
bien d'une révolution. Peut-on seulement ima-
424 Politiquement incorrect
giner pareille transformation de notre pays ? Le
bourrage de crâne a été si efficace, le rouleau
compresseur de la pensée totalitaire, sans cesse
relayé par les médias, a si bien pénétré les esprits,
qu'on peut en douter.
Pourtant l'histoire démontre que des situations
désespérées ont pu être redressées, des combats
qui paraissaient perdus ont pu être gagnés par la
volonté inflexible et le courage sans faille de
quelques résistants.
Aidés, peut-être, par un coup de pouce du
destin ?
Notes
(1) En 1897, la population juive de Palestine
s
s'élevait à 55 000 personnes. L'Etat d'Israël compte
à l'heure actuelle environ 5,4 millions de juifs, soit
près de 40 % de la population juive mondiale.
(2) La famille Warburg ne manque pas d'intérêt.
Jacques Attali écrit en 1985 la biographie d'un
de ses membres les plus éminents, le banquier
Sir Siegmund G. Warburg (1902-1980). Le
DDV en parle longuement sous le titre éloquent
de : A la croisée du judaïsme, de l'influence et de
l'argent. Si l'on en croit l'article, Attali « est fas-
ciné par les liens que Siegmund entretenait avec le
pouvoir - il était l'homme de l'influence, notam-
ment sur le premier ministre Harold Wilson appar-
tenant au Labour ».
(3) Un juif qui se convertissait voyait se lever
pour lui toutes les restrictions et limitations qui
frappaient ses anciens coreligionnaires.
(4) Une révolution qui se voit, elle aussi, large-
ment contestée à l'heure actuelle.
426 Politiquement incorrect
(5) Non sans que de nombreux témoignages
d'indignation ne se manifestent. Notamment
celui du général Georges Tabouis, ancien com-
missaire de la France auprès de l'Ukraine en
1918, qui écrivit : «Dire que Petlura était anti-
sémite ! Quelle sinistre plaisanterie ! ».
(6) Bernard Lecache rencontrera en tout cas
la mère de Samuel Schwartzbard, à Odessa en
Ukraine, durant cet été 1926. Il relate l'entretien
dans son livre, en précisant qu'on lui cachait
soigneusement le crime de son fils : « Le meurtre,
la prison, les Assises prochaines, on lui a tout caché.
Les lettres - on les lui lit - ne lui apprennent que
des mensonges ».
(7) Paru en 1886, cet ouvrage connut cent-qua-
torze éditions en un an.
(8) Pierre Laval avait été président du Conseil du
7 juin 1935 au 22 janvier 1936.
(9) Louis Oscar Frossard avait été secrétaire
général de la section française de l'Internationale
Communiste.
(10) Citée par Ralph Schor dans son ouvrage,
L'antisémitisme en France dans l'entre-deux- guerres.
(11) Du nom d'Isaac Adolphe Crémieux, créa-
teur de l'Alliance Israélite Universelle en 1863 et
ministre français de la Justice en 1869.
427 La France LICRAtisée
(12) Marcel Bleustein-Blanchet crée l'entreprise
de publicité Publicis en 1927. En 1938, il crée
Régie Presse qui assurera la régie de la publicité
des plus gros tirages de la presse française. Sa
fille Elisabeth, philosophe, est l'épouse de Robert
Badinter, ancien ministre de François Mitter-
rand.
(13) Jean Pierre-Bloch est président de la LICRA
au moment où Marcel Bleustein-Blanchet écrit
son livre. Il ne l'était pas encore lors de l'épisode
relaté.
(14) Chef du parti radical français et membre du
comité d'honneur de la LICA.
(15) Après la guerre, cet antisémitisme d'Etat ne
faiblira d'ailleurs pas. Seule la mort de Staline,
en mars 1953, sauvera les juifs soviétiques des
terribles persécutions annoncées par le pseudo
« complot des blouses blanches », médecins juifs
ayant soit-disant tenté d'empoisonner Staline.
(16) A la suite de tensions accrues depuis le
début de l'année, Israël attaque « préventive-
s
ment » l'Egypte le 5 juin 1967. La Jordanie et
la Syrie sont également impliquées dans cette
s
guerre-éclair qui permettra à l'Etat hébreu
d'annexer les territoires suivants : Sinaï, Golan,
Cisjordanie, Gaza, Jérusalem-est, quadruplant
428 Politiquement incorrect
ainsi sa superficie initiale. L'implantation des co-
lonies, source de conflits permanents, va débuter
dans la foulée.
(17) C'est durant son mandat que fut votée la
fameuse résolution assimilant le sionisme au
racisme et que Yasser Arafat fut invité à venir
s'exprimer devant l'ONU.
(18) Né en décembre 1918, Kurt Waldheim
était sous-lieutenant d'état-major de la Wehr-
macht sans autorité de commandement.
(19) Des mains de Jean Pierre-Bloch, qui pré-
sidait alors à la fois la LICA et le B'nai B'rith
France.
(20) La LICA modifie son sigle et se transforme
en LICRA en 1979.
(21) Félix Gouin, Gaston Def ferre et André
Philip. Les deux derniers étant membres de la
LICA.
(22) Lui aussi membre de la LICA.
(23) Cité dans Histoire de Vichy de François-
Georges Dreyfus, p. 206.
(24) Le premier convoi partit de Compiègne le
27 mars 1942, et le dernier de Drancy le 17
août 1944.
(25) Le général De Gaulle fit déposer une gerbe
sur la tombe du Maréchal une seule fois, le 10
429 La France LICRAtisée
novembre 1968, pour le 50 e anniversaire de la
victoire de 1918. Valéry Giscard d'Estaing le fit
une fois également, en 1978 pour le 60 e anni-
versaire de l'armistice.
(26) Un génocide qui a fait deux millions de
morts entre 1975 et 1979. De retour dans la vie
publique cambodgienne, deux des responsables
de ce qui a constitué une horreur absolue se sont
déclarés très désolés. Cela a suffi à leur réintégra-
tion. Leur jugement n'est toujours pas à l'ordre
du jour.
(27) Qui avait été révisionniste au début des
années 80 aux côtés de Robert Faurisson.
(28) Office of Spécial Investigations, officine
américaine chargée de la traque des « nazis
cachés », créée en 1979.
(29) De 1947 à 1954. Il fut élu par le Congrès
réuni à Versailles, puisque le suffrage universel
n'était pas encore instauré pour l'élection prési-
dentielle.
(30) Notamment dans la Suède sociale-démo-
crate, qui mettra ces théories en application avec
zèle.
(31) Serge Alexandre Stavisky, juif d'origine
russe, déjà poursuivi dans le cadre de plusieurs
affaires, avait monté une vaste escroquerie au
430 Politiquement incorrect
Crédit Municipal, avec la complicité ou la
protection d'élus. Il sera retrouvé mort dans des
circonstances mystérieuses le 9 janvier 1934.
Cette affaire provoquera dans l'opinion un vif
mouvement d'antiparlementarisme.
(32) C'est pourtant cette droite qui, en 1976,
autorisera pour des motifs « humanistes », sous
Giscard président et Chirac premier ministre, le
regroupement familial qui marquera véritable-
ment le départ de l'immigration de peuplement.
Il est vrai qu'au début les conditions sont très
strictes, n'ouvrant pas droit en particulier aux
prestations sociales. Ces conditions strictes ne le
resteront pas longtemps, comme chacun sait, et
le mince ruisseau du début va très vite devenir
un torrent incontrôlable.
(33) Un métissage présenté comme une richesse
pour les autres. Mais est-il également considéré
comme tel par et pour les juifs ?
(34) Il s'agit d'un documentaire de 32 minutes
sur l'univers concentrationnaire réalisé en 1955
à la demande du Comité d'Histoire de la Secon-
de Guerre Mondiale. Nuit et Brouillard indique
le chiffre de 9 millions de morts dans les camps.
(35) Cette formule de « double peine », propre
à émouvoir les foules, s'apparente à la novlangue
43 1 La France LICRAtisée
politiquement correcte chère à George Orwell.
Adoptée en novembre 2003 à l'instigation de
Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur, cette dis-
position interdit l'expulsion hors du pays des
délinquants étrangers.
(36) Un des mots « signifiants » de la novlangue
politiquement correcte.
(37) Cette appropriation des mots dont le sens
est modifié au gré de la nouvelle morale (la
novlangue qu'évoque George Orwell) mériterait
une analyse linguistique approfondie comme
celle réalisée par Victor Klemperer dans son
remarquable ouvrage sur la sémantique nazie
(LTI - Lingua Tertii Imperii). Tout totalitarisme
prend le contrôle des mots, donc de la pensée.
(38) Score réalisé par le candidat du FN, Jean-
Pierre Stirbois, lors du premier tour de l'élection
municipale partielle de Dreux.
(39) Le socialiste Roland Dumas est d'ailleurs
élu en 1986 président de la commission des
affaires étrangères de l'Assemblée avec les voix
des députés FN. Il les acceptera sans états d'âme.
(40) Pourtant, en 1981, les réseaux RPR ont
appelé à voter pour Mitterrand contre Giscard.
Philippe Dechartre, ancien ministre du général
de Gaulle et de Pompidou, adressera dans ce
432 Politiquement incorrect
sens un courrier parfaitement clair aux militants
et sympathisants RPR : « Je vous appelle sans
hésitation à voter François Mitterrand, d'autant
plus que le danger communiste est pour longtemps
écarté. L'élection de François Mitterrand ne repré-
sente donc pas le risque d'un changement de société
ou une menace pour nos libertés ».
Jacques Chirac permettant au RPR de tirer con-
tre « son » camp a donc largement contribué à
l'installation des socialo-communistes.
(41) Victor Kravtchenko est le premier haut-
fonctionnaire soviétique à passer à l'ouest. Il
intente en 1949 un procès pour diffamation à la
revue communiste d'Aragon, Les Lettres français-
ses qui l'avait traîné dans la boue à la suite de la
parution de son livre J'ai choisi la liberté dans
lequel il dénonçait la terreur stalinienne. Il ga-
gnera son procès.
(42) Marie-Claire Mendès-France, décédée en
2004, était la fille de Robert Servan-Schreiber,
fondateur du journal Les Echos, et de Suzanne
Crémieux, sénateur radical du Gard. Elle sera
présidente du comité de soutien à Lionel Jospin
pour la présidentielle de 1995.
(43) En juin 2003, la LICRA s'étonnera de ce que
des organisations réclament l'annulation d'un gala
433 La France LICRAtisée
au profit des soldats israéliens prévu à Levallois-
Perret et appellera à cette occasion « au respect de
l'autre » en déclarant : « La LICRA, dans un con-
texte national et international difficile et conflictuel,
appelle à un peu plus de retenue, de modération,
d'esprit de tolérance et de respect de chacun »...
v s
(44) A savoir : le Conseil permanent de l'Epis-
copat, le Conseil de la fédération protestante, le
Comité inter-épiscopal orthodoxe, le Conseil su-
périeur rabbinique et la Grande Mosquée de
Paris.
(45) La majorité « de droite » issue des législa-
tives de 1986, qui composera la première coha-
bitation, de 1986 à 1988, avec Jacques Chirac
comme premier ministre.
(46) Il s'agit des villes de Toulon, Orange et
Marignane qui ont porté à leur tête en 1995 des
maires appartenant au Front national.
(47) Informations tirées de l'ouvrage de Yann
Moncomble, Les professionnels de V antiracisme,
paru en 1987.
(48) Informations tirées de l'ouvrage de Yann
Moncomble, Les professionnels de V antiracisme.
(49) Le Président du Réseau Voltaire, Thierry
Meyssan, avait publié, au lendemain des actes
s
terroristes du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis,
434 Politiquement incorrect
un ouvrage intitulé L'effroyable imposture, dans
lequel il conteste la version officielle de l'atten-
tat.
(50) Journaliste au DDV et président de
l'Amicale des anciens déportés juifs de France.
(51) Marcel Jouhandeau n'avait, au demeurant,
jamais eu d'engagement politique dans la Colla-
boration. La LICRA lui reprochait surtout des
propos peu amènes à l'égard des juifs dans son
Journal des années 40.
Bibliographie
Quand Israël meurt... Au pays des pogroms,
Bernard Lecache, 1926.
Les Terroristes, Roland Gaucher, 1965.
Ô Jérusalem, Dominique Lapierre et Larry Col-
lins, 1972.
Les Professionnels de V antiracisme, Yann Moncom-
ble, 1987.
Boris Souvarine - le premier désenchanté du com-
munisme, Jean-Louis Panne, 1993.
Mystères et secrets du B'nai B'rith, Emmanuel Ra-
tier, 1993.
Le livre noir du communisme, ouvrage collectif,
1997.
La face cachée de Nuremberg, Mark Weber, tra-
duction 1998.
L'industrie de l'Holocauste - Réflexions sur l'exploi-
tation de la souffrance des juifs, Norman G. Fin-
kelstein, 2001.
Historiquement correct - pour en finir avec le passé
unique, Jean Sévillia, 2003.
436 Politiquement incorrect
Histoire de Vichy, François-Georges Dreyfus.
2004.
L'affaire Waldheim ou le déshonneur de la démo-
cratie, Harold Tittmann, 2004.
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Collection « Politiquement incorrect »,
dirigée par Philippe Randa
aux éditions de l'ALncre
Le Guide du collectionneur politiquement incorrect - Francis Bergeron
Profanation - Chard, préface de Philippe Randa
Le Racisme anti-français - Henri de Fersan
Délit et rature - Rolandaël
Martin Heidegger, philosophe incorrect - Jean-Pierre Blanchard
Aux sources du national-populisme - Jean-Pierre Blanchard
Écrits politiquement incorrects - Jean Silve de Ventavon
aux éditions Déterna
La faim justifie les moyens - Jean-Pierre Blanchard, préface de Philippe Ramla
Mythes et races - Jean-Pierre Blanchard, préface de Philippe Gautier
Les chemins de la victoire - Jacques Bompard
Les nouveaux nationalistes - Christian Bouchet
Les testament d'un Européen - Jean de Brem
Des rêves suffisamment grands - Pierre Descaves, préface de jean-C/4ude Martinez
Désacralisée, la France devient folle - Georges Dillinger
La France LICRAtisée - Anne Kling, préface d'Alain Soral
Écrits païens - Bruno Favrit
Aux Voleurs! - Konk, préface de Philippe Randa
Les Manipulateurs de la culture - Roland Gaucher , préface de Philippe Randa
La Torche et le glaive - Jean Mabire
La Germanophobie - Philippe Gautier, préface de jean-Pierre B/4nchard
Le Racisme anti-allemand - Philippe GaUtier
Quand grossissent les têtes molles - Pierre Monnier, préface de Philippe Rilnda
Les Avenues de la V e - Béatrice Péreire
Rivarol, hebdomadaire d'opposition nationale - Marc Laudelout (présente)
Le Dilemme, les jeunes face à la vocation du mariage - Marie-Claude Sarrot
Comme une veillée d'armes - Jean-François Touzé
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Les nouveaux païens - Christian Bouchet
Les Faux Amis de l'Amérique - Patrick Brunot, préface de Dimitri O. Rogosin
Lettres enfin ouvertes au directeur du Monde - Gilbert Comte
Jacques Chirac ou l'homme en fuite - Gilbert Comte
Carnet d'un Réfractaire - Jean Curutchet, préface de Philippe Randa
Banlieues en feu - Gilles Falavigna, préface de Nicolas Tandler
Être royaliste - Thiery Jolif (présente)
Diverses droites - Patrick Gofman
Retour au réel - Maxime Laguerre, préface d'Alain de Bmoist
Interpellations (Questionnements métapolitiques) - Jacques Marlaud, préface d'Anne Brassié
Vers la société multiraciste - Jean-Jacques Matringhem et Philippe Randa (présentent)
Tables d'hôte - Franck Nicolle, avec la collaboration de Wilfried Da Costa Oliveira
Chroniques Barbares 1993-2001 (tome I) - Philippe Randa
Le Bien va mal (Chroniques Barbares - tome II) - Philippe Randa, préface de Christian Bouchet
Nous, les Insurgents ! (Chroniques Barbares - tome III) - Philippe Randa
Quand l'islam frappe à la porte - Jean-Claude Rolinat,
préface d'Olivier Pichon; postface de Christian Bouchet
Génération et évolution humaines - Francis Verdavoine-Bourget
Le Génie du judaïsme - Dominique Zardi, préface de Philippe Randa
L'Algérie des miracles - Dominique Zardi, préface de Jean-Claude Rolinat